Sainteté et Rédemption

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Pascal-Yannick
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Sainteté et Rédemption

Message par Pascal-Yannick »

Bonjour à tous et c'est de gaité de coeur que je me joigne à vous,pour partager quelques enseignements orthodoxes.J'ai lu avec attention le fil consacré à l'Immaculée Conception.Trois questions me sont venues à l'esprit:
Qu'est-ce que le péché originel?Est-il plutôt préférable parler de nature humaine déchue?
Qu'est-ce qu'être saint chez les orthodoxes?
A quel moment l'humanité a-t-elle été rachetée?En acceptant le Christ ou après le sacrifice sur la croix de celui-ci?Qu'en est-il de la rédemption de la Très saint Vierge?(A quel moment s'est-elle produite?)

Merci pour vos réponses.

PS:J'ai utilisé la fonction "recherche" avec quelques mots-clés.(redemption,péché originel) sans satisfaction.
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

L’expression “péché originel“ produit chez les hommes un sentiment de culpabilité à recheter. Depuis Adam, la génération humaine nous transmet une nature humaine malade, mais non totalement corrompue. C’est ce que nous montre la parabole du Bon Samaritain : un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, c’est-à-dire qu’il abandonnait la cité céleste, le Paradis, pour se rendre dans la cité du péché. Mais il n’y était pas encore parvenu lorsque des brigands l’attaquèrent et le laissèrent à demi mort. Mais “à demi” seulement. Passèrent un Prêtre et un lévite de l’Ancienne Loi (= du judaïsme). Les observances de la Loi mosaïque ne pouvaient rien pour notre homme. Passa le Bon Samaritain, un homme méprisé des Juifs. Il prit soin du blessé, mit de l’huile et du vin sur ses plaies (c’est ce que fait encore aujourd’hui le prêtre orthodoxe, dans “l’Onction des malades”), puis le confia à un aubergiste (c’est l’Église), payant à l’avance les frais de sa guérison. L'homme fut dauvé. Voilà pourquoi il est préférable de parler de nature humaine déchue plutôt que de péché originel.

Plutôt que de parler de “rachat”, (= ”rédemption”), il est préférable de parler du Mystère du salut. On peut en parler sous tant de formes diverses que la vie entière n’y suffirait pas, et il est extrêmement dangereux de vouloir l’enfermer en un concept rationnel. Nous avons tous été rachetés dans le sang de l’Agneau de Dieu, mais ce n’est que l’une des très nombreuses images que nous propose l’Église.

Le Fils unique et Verbe de Dieu a pris forme d’esclave, devenant pour nous un Samaritain, rejeté, méprisé, allant librement vers sa mort sur la Croix pour vaincre la mort. Sur sa Croix vivifiante il a pris Satan comme à l’hameçon, et depuis nous ressuscitons avec Lui, en plongeant à trois reprises dans sa mort et sa Résurrection.

Mais la venue du Verbe en ce monde, parmi nous, n’a pas seulement un aspect de réparation, de rectification de l’erreur d’Adam. Il est venu pour nous offrir la possibilité de nous incorporer à son Église, c’est-à-dire à son Corps, et à entrer dans l’étreinte perpétuellement réciproque des trois Personnes de la Trinité. Le Mystère du salut est aussi figuré par “l’hospitalité d’Abraham”. Dieu est venu le visiter. Il était Trois, et Ils étaient Un.

Marie a attiré l’attention de Dieu par l’éclar exceprionnel de sa pureté. Il a souhaité l’élire pour prendre chair de son sang. Envoyé vers elle Gabriel stupéfait est transporté de joie (ce sont les paroles que nous révèle l’hymnographie de l’Ascension) et il s’écrie qu’il voit en elle la réalisation parfaite de l’Arche d’Alliance. Elle avait échappé à la souillure des blessures causées par les brigands, et comme tout ce que l’homme peut faire de bon, ce fut par la synergie de la volonté divine et de la volonté humaine.


Je suppose que je vous ai fourni là quelques-uns des mots-clés qui vous ouvriront la porte des trésors du Forum, et la Vérité vous rendra libre. Pour en savoir plus, allez lire les textes des hymnes des Offices. C’est mille fois mieux que tous les traités de théologie.
Jean-Louis Palierne
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Je voudrais ajouter une petite remarque d’ordre méthodologique. Toute l’impuissance des théologies de type occidental vient de ce qu’elles tentent d’enfermer des vérités dans des concepts exprimés par des noms, des suvstantifs : rédemption, satisfaction, état de grâce, contrition, corps mystique, oblation, etc, etc. Et comme tous ces concepts doivent bien être expliqués aux hommes, on leur donne des significations qui dérivent en dernière analyse de la psychologie humaine. L’Orthodoxie s’exprime en des actes, des gestes, des formes verbales, des types de l’Ancienne Alliance, des paraboles ou des actes (des miracles) du Seigneur.

Lorsque nous lisons les messages qui sont envoyés sur ce Forum par les nombreux chrétiens en recherche, nous reconnaissons tout de suite l’embarras qu’ils éprouvent en cherchant à construire des tables de concordance et de discordance entre la série des concepts qu’a imaginés l’Occident et la foisonnante expérience et l’exubérante hymnographie de l’Orient. Les Occidentais cherchent alors, à l’instar des maîtres sorbonnards d’hier et d’aujourd’hui à en “extraire des propositions” permettant d’articuler des concepts.

Peine perdue.
Jean-Louis Palierne
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Pascal-Yannick
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Message par Pascal-Yannick »

Je vous remercie jean-Louis pour la peine prise pour éclairer ma lanterne quant aux première et troisième questions.En effet confiner le Mystère du salut à des concepts,des définitions pourrait être sinueux car pour ma part étant parti du"principe" que le Salut venait seulement de la mort du Christ sur la croix j'avais du mal à m'expliquer le Mystére de la Mère de Jésus:sauvée comme nous à la mort du Christ le Mystère de l'incarnation me parraissait incompréhensible dans cette optique.
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Le problème que vous posez là est d’une importance capitale. Dans la Trafition de la théologie scolastique occidentale, reprise par l’enseignement académique dans le monde orthodoxe (à partir du XVII-XVIIIèmes siècles seulement), le Mystère du salut était présenté sous le nom de “Rédemption”, c’est-à-dire comme réparation de la chute originelle. Adam ayant commis le “péché originel”, Dieu le Verbe s’incarne et vient proclamer l’Évangile du salut. Mais les hommes ne pouvant supporter ce message, le mettent à mort. Cette mort du Christ sur la Croix “satisfait” la justice divine, offensée par le péché originel, et le Christ ressuscite. Nous pouvons obtenir le salut par les Sacrements qu’il a institués, et gagner ainsi la vie éternelle.

Pour les Pères, l’Incarnation du Verbe était prévue dans le dessein originel de la Création. le péché d’Asam, commis à l’instigation du Diable : “Vous serez comme des dieux”, fait que notre nature est corrompue. C’est un accident, qui installe la Création, avec l’homme à sa tête, dans un temps intermédiaire de combat spirituel. Par sa mort le Christ détruit la mort, le péché et le Diable. Nous nous approprions cette victoire par le Baptême, la Chrismation et le Banquet eucharistique.

Dans cette perspective se pose votre deuxième question, à laquelle je n’avais pas répondu. Qu’est-ce que la sainteté ? Mais c’est tout simplement la participation à la vie de l’Église. Chaque chrétien doit répondre à l’invitation que lui adresse personnellement le Seigneur au fond de son cœur. Chacun a sa vocation et sa propre place dans l’Église. Il faut se garder de voir la sainteté sous la forme de vies exceptionnelles. Certains y sont appelés, mais certains seulement.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

Jean-Louis Palierne a écrit :Par sa mort le Christ détruit la mort, le péché et le Diable. Nous nous approprions cette victoire par le Baptême, la Chrismation et le Banquet eucharistique. [...]
Qu’est-ce que la sainteté ? Mais c’est tout simplement la participation à la vie de l’Église.
Une illustration de ce propos. Lors du banquet eucharistique après la consécration et avant la communion, la liturgie de St Jean Chrysostome clame ceci:

Le prêtre,
élevant, des deux mains, le Saint Pain au-dessus de la patène:
Les Choses saintes sont pour les saints.
Le chœur:
Un Seul est Saint, Un Seul est Seigneur, Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père. Amen.
Les Saints sont tous ceux qui s'approchant du calice seront sanctifiés par la consommation des saints dons.
Nicolas Cabasillas dans son Explication de la divine liturgie(1) nous dit:
Aussi, à la proclamation du prêtre : « Les choses saintes aux saints », les fidèles font-ils à haute voix cette réponse : « Un seul saint, un seul Seigneur, Jésus-Christ, à la gloire de Dieu le Père. » Car personne n'a de soi-même la sainteté, et elle n'est pas le résultat de l'humaine vertu, mais tous (la reçoivent) de Lui et par Lui. C'est comme si beaucoup de miroirs étaient placés au-dessous du soleil : ils brillent tous et émettent des rayons, vous croiriez voir beaucoup de soleils, alors qu'en réalité il n'y a qu'un seul soleil qui brille en tous. De même, (Jésus-Christ) le seul saint, s'écoulant (pour ainsi dire) dans les fidèles, se montre en beaucoup d'âmes et fait apparaître chez beaucoup la sainteté ; il est pourtant le seul et unique Saint, avant tout « pour la gloire de Dieu le Père ». Car personne n'a rendu à Dieu la gloire qui lui est due. Aussi Dieu adressait-il aux Juifs ce reproche : « Si je suis Dieu, où est ma gloire?»(Mal 1,6)) Seul, le Fils unique lui a rendu la gloire qui lui revient. C'est pourquoi aux approches de la Passion, lui-même disait au Père : « Je t’ai glorifié sur la terre.»(Jn 17,4) Comment l'a-t-il glorifié ? Pas autrement qu'en manifestant aux hommes la sainteté du Père : il est apparu saint, comme le Père lui-même est saint. Si en effet nous voyons en Dieu le Père de ce Saint, l'éclat du Fils est la gloire du Père ; si, d'autre part, nous considérons (le Fils) dans son humanité comme Dieu, la dignité et la sainteté du Chef-d’œuvre sont de toute manière la gloire du Créateur. (Chapitre XXXVI, 5)

Puis la Communion terminée, le prêtre présente le calice à la vénération des fidèles, en disant: :
Ceci a touché vos lèvres, vos iniquités sont enlevées et vos péchés effacés.
Et le chœur répond:
Alleluia, alleluia, alleluia.
Lorsque nos iniquités et nos péchés sont effacés, nous sommes saints. Non pas par nous même mais par don de Dieu. Seul Dieu est Saint et la sainteté ne peut-être qu'un don de Dieu.

Le Choeur conclut:
Que nos lèvres s'emplissent de Ta louange, Seigneur, afin que nous chantions Ta gloire, car Tu nous as rendus dignes de communier à Tes saints, divins, immortels et vivifiants Mystères. Garde-nous dans Ta sainteté, afin que le jour entier nous apprenions Ta justice. Alleluia, alleluia, alleluia.

Ceux que nous appelons communément les saints et que nous vénérons sont ceux qui ont le plus intensément vécu cette réponse du choeur.

<<Au moment où le prêtre étend ses mains vers la sainte patène, le diacre, par les mots « Soyons attentifs n, rappelle à tout le monde dans le temple de se recueillir. L'autel est caché aux yeux du peuple ; on tire le rideau, jusqu'à ce que soit accomplie la communion des prêtres. Puis, seule la voix du prêtre, élevant la sainte patène, monte du sanctuaire : «Les choses saintes aux saints». Toute l'église en prière frémit à ces paroles qui annoncent qu'il faut être saint pour recevoir ce qui est saint et elle répond : «Un seul est saint, un seul est Seigneur, Jésus-Christ, pour la gloire de Dieu le Père. Amen ». A la suite de quoi, on entonne un hymne de louange en l'honneur du saint du jour pour annoncer que l'homme peut être saint, puisqu'est devenu saint celui à qui on chante l'hymne : il est devenu saint non de sa propre sainteté, mais par celle du Christ en personne. C'est en demeurant dans le Christ que l'homme est Sanctifié et il est saint de la sainteté du Christ lui-même, de la même façon que le fer, chaque fois qu'il est mis dans le feu, devient feu lui aussi, et s'éteint en un clin d’œil, si on l'en retire, et reprend à nouveau la terne substance du fer.>>(Nicolas Gogol, Méditations sur la divine liturgie, edition DDB, 1952, p 101)

Nicolas Cabasillas commente ainsi:

A ce moment la liturgie sacrée est totalement accomplie et le rite de la divine Eucharistie prend fin : les oblats ont été sanctifiés, ils ont eux-mêmes sanctifié le prêtre et tous ceux qui l'entourent ; puis, par leur intermédiaire, ils ont aussi perfectionné et sanctifié le reste de l'assemblée. (Chapitre XLI,1)

[...]Les fidèles demandent ensuite que la sainteté qu'ils ont reçue demeure en eux et que, moyennant le secours de la main de Dieu, ils ne trahissent pas la grâce et ne perdent pas le don accordé. «Garde-nous dans ta sainteté.» En quoi faisant ? — car il est besoin aussi de notre concours. « En méditant durant toute la journée ta justice.» La justice désigne ici la sagesse de Dieu et son amour contemplés dans les saints mystères, ainsi que le comprenait Paul quand il écrivait : «Je ne rougis pas de l'Évangile du Christ, car en lui la justice de Dieu se manifeste à tous et pour tous les croyants.»(Rom 1,16) La méditation de cette justice a la vertu de conserver en nous la sainteté reçue. Car elle augmente la foi en Dieu, enflamme l'amour et ne laisse pénétrer en l'âme rien de mauvais. Ce n'est donc pas sans utilité que nous indiquions, dans ce qui précède, la nécessité de réflexions dignes des divins mystères afin de voir la sainteté s'établir et demeurer en nous.
(Chapitre XLI,4)

(1) Nicolas Cabasillas, Explication de la divine liturgie, Ed du Cerf, Sources Chrétiennes 1967 N° 4 bis.
Dernière modification par Antoine le dim. 30 juil. 2006 10:29, modifié 2 fois.
Pascal-Yannick
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Message par Pascal-Yannick »

Merci pour ces précisions.A propos des saints,chez les catholiques il y a toute une "procédure" avant la proclamation canonique d'un saint,qu'en est-il des orthodoxes?
Je ne sais pas si cette question est "indiscrète" spirituellement: à quel moment la Mère de Jésus a-t-elle obtenu sa "rédemption" par rapport au sacrifice de son Fils sur la croix?
Merci d'avance pour vos réponses.
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Antoine
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Message par Antoine »

Pasto a écrit :Je ne sais pas si cette question est "indiscrète" spirituellement: à quel moment la Mère de Jésus a-t-elle obtenu sa "rédemption" par rapport au sacrifice de son Fils sur la croix?
«Pour ce qui est du jour ou de l'heure, personne ne le sait, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul.» Mc 13,32

La doctrine de l’immaculée conception n’a de fondement ni dans l’Ecriture ni dans la tradition de l’Eglise. L’Eglise orthodoxe ne connaît pas d’anticipation de la rédemption par la croix. Présenter la rédemption comme «fondée sur les "mérites" de Jésus Christ» est une théorie qui n’appartient pas à la Tradition de l’Eglise.
Marie est le premier témoin de l’incarnation. Elle est le premier témoin de la Résurrection de son Fils. Elle est bel et bien morte et on peut penser qu’elle est la première ressuscitée.
Marie «obtient sa rédemption» (formule plutôt bizarre, incongrue, a-théologique) au moment de sa résurrection conformément à sa nature pleinement humaine. Paul Ep 1,7 nous dit : «En lui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés, selon la richesse de sa grâce» On ne voit pas qu’il y ait une anticipation quelconque pour qui que ce soit de la rédemption.

L’Eglise et l'Ecriture affirment la dormition de Marie. Mais elle n’a jugé ni nécessaire ni opportun de dogmatiser sur ce mystère. Elle ne connaît pas de dogme concernant "l’Assomption" de Marie. On peut penser que Marie est ressuscitée et beaucoup de textes le suggèrent tout en soulignant leur incompréhension de ce mystère. Voyez sur le forum l'analyse de l'office de la dormition.

Vous trouvez vos réponses sur le forum :
Rubrique Immaculée conception
viewtopic.php?t=980

Rubrique Dormition de la toute Sainte
viewtopic.php?t=176
Je ne sais pas si cette question est "indiscrète" spirituellement
Inutile de déterminer l'instant précis de la rédemption de Marie, cela n'a aucun intérêt. On ne peut pas extraire cela de l'histoire du Salut. La sotériologie englobe la totalité du mystère du Christ, de l'Incarnation à la Résurrection, et ne se laisse pas circonscrire et réduire à un pinaillage "d'instant" pris isolément.
Si Marie est sauvée, avant même l'incarnation, par "avance des mérites de son Fils" comme l'énonce le dogme catholique, alors l'incarnation est inutile et le Christ ne tire pas son humanité de la notre. Maintenant que l'on pense que l'humanité de Marie soit purifiée au moment même de l'incarnation, moment où le divin se mêle à l'humain , ce qui fait d'elle la Théotokos, oui. L'Esprit Saint est venu sur elle et la puissance du très haut l'a prise sous son ombre.(Luc I,35.) Jusqu'à quel degré? C'est là que cela devient spirituellement indécent. Une réponse ne sert qu'à justifier des dogmes hérétiques proclamés dans le seul but de servir l'orgueil et la puissance vaine de la papauté. Quand le fer rougi devient feu, on n'y met pas son doigt pour essayer de distinguer ce qui est fer de ce qui est feu. Sinon , on risque fort de brûler soi-même.
L'Evangile nous montre à plusieurs reprises que Marie n'avait pas la connaissance parfaite de toutes les réalités divines. Son mystère est celui de son humanité faite, en toute synergie, Theotokos, et à travers elle, de notre nature humaine unie en Christ à la nature divine. Par son fiat Marie a rendu possible l' union des deux natures , divine et humaine, en Christ. Le Christ ne s'est pas uni à Marie, il a pris de Marie toute notre humanité sauf le péché. Seul le Christ est porteur de cette double nature. Et seule la nature humaine du Christ est exempte du péché. C'est en nous greffant au Christ que nous devenons Dieu par "participation" comme le dit Pierre II,4: «afin que par elles [les promesses]° vous deveniez participants de la nature divine. »
Par son Fiat , Marie s'est greffée à la croix de son Fils , mais la greffe n'est pas "anticipable". Le Christ le dit en Jn II,4: «Mon heure n'est pas encore venue.»
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

S’il était nécessaire de préciser comment Marie a pu bénéficier des “mérites” acquis par la mort de son Fils, on pourrait répondre que lesdits “mérites” onr été acquis de toute éternité, au-dessus du déroulement du temps, et que le Créa&teur savait par avance tout ce qui allait se passer. Mais jamais les Pères ne raisonnent de cette manière. Lorsque l’Église célèbre et revit le Mystère de l’Annonciation, elle nous révèle dans ses hymnes que l’archange Gabriel, venant lui apporter la nouvelle de son “élection” et lui demander d’aquiescer à son extra-ordinaire maternité virginale, fut comme “ébloui et transporté de joie” (“aporo kai existamai”, c’est devenu un dicton familier des Grecs) à la vue de l’éminente sainteté de la Vierge très-pure, ce qui nous montre que Marie a été le premier être humain à se montrer digne de la sainteté. Et la Liturgie nous répète aussi inlassablement en ce même jour que “ce jour est le début de notre salut” (c’est le texte du “tropaire” de l’Annonciation). Si l’on voulait encore parler de “mérites” à la manière catholique, on pourrait donc dire que les mérites de Marie étaient déjà si grands qu’ils sont à l’origine du salut du genre humain. Mais cela n’a pu se faire qu’en synergie avec la Grâce divine. D’autre part lesdits mérites doivent lui être attribués à elle personnellement, et non à une prétendue “Immaxukée Conception” par saint Joachim et sainte Anne. La Conception immaculée véritable, c’est celle de Jésus par Marie.

En ce qui concerne la sanctification des saints, il peut se produire de nos jours qu’une Église orthodoxe décide d’inscrire un saint dans son calendrier liturgique et adopte au moins un début de textes liturgiques en son honneur. L’Église de Russie a ainsi procédé récemment à un grand nombre de “glorifications” (c’est ce mot que l’on emploie), mais le plus souvent il s’agit de saints que la ferveur populaire avait déjà asoptés, et les nombreux saints de l’Église antique, à commencer par les Apôtres, n’ont jamais fait l’objet de telles procédures.
Jean-Louis Palierne
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Pascal-Yannick
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Message par Pascal-Yannick »

Merci pour tous ces éclaircissements.Je méditerai attentionnément en ces temps proches des fêtes mariales sur ces échanges.Toujours à propos de la Vierge Marie deux questions, en passant je vous remercie Antoine pour le fil traitant de la Dormition de la Mère de Dieu,l'Orthodoxie reconnaît-elle le couronnement de la vièrge Marie?
quelle exégèse faite vous de ce passage Ap.12, 1-3?
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Pascal-Yannick
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Message par Pascal-Yannick »

On pourrait bien se demander à première vue quelle serait la place de la Mère de Dieu dans ce fil,en guise d'introduction j'ai trouvé pertinent de mener une réflexion préalable sur le Mystère marial car la Très Sainte Vièrge en plus d'avoir un role primordial dans l'Incarnation est à mon sens une "icône" de sainteté,un "exemple" à suivre.
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

C’est à juste titre que le Concile d’Éphèse, pour affirmer que Jésus est simultanément et vrai Dieu et vrai homme, a décerné à Marie le titre de “Théotokos”, traduit en latin (les textes conciliaires étaient bilingues) par “Deipara”. Ce mot a d’ailleurs été utilisé par les hymnes mariaux de la liturgie latine. Ce mot est l’une des expressions fondamentales de la sotériologie orthodoxe.

L’hymnographie orthodoxe utilise d’innombrables images pour chanter la Déipare. Elle va même jusqu'à demander : "Très-sainte Mère de Dieu (Déipare), sauve-nous". Je ne me souviens pas d’avoir entendu cette hymnographie utiliser l’image du couronnement, mais je ne connais pas tout, et de très loin. Le texte de l’Apocalypse concerne en premier l’Église, mais comme tout texte de l’Écriture, il peut être entendu à des niveaux multiples, et Marie est avant tout le point de départ de l’Église. Je vous invite à lire et à écouter les offices de la Dormition (entre autres). Ils sont d’une grande richesse et présentent un commentaire inépuisable de la sainteté de la Théotokos.

L’image du couronnement de Marie a été très utilisée dans la chrétienté latine médiévale parce qu’elle permettait d’affirmer le caractère sacré de la royauté terrestre. L’utilisation de l’Apocalypse ne correspond pas au sens premier de ce texte. Le titre principal donné à Marie par l’Orthodoxie est celui de Déipare. Théotokos (les slaves disent Bogoroditsa).
Jean-Louis Palierne
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Pascal-Yannick
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Message par Pascal-Yannick »

Je suis allé sur le site de l'Eglise orthodoxe d'Estonie-je ne sais pas si elle est en communion avec les patriarcats "historiques"- et j'ai trouvé quelques élements de réflexion sur l'ascèse.
http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/ ... ceseFR.htm

L'auteur est le hiéromoine Elie du monastère de la Dormition de la Mère de Dieu(La faurie,France).L'exposé s'articule en 10 parties sur le site sus-joint. -FONDEMENT DE L' ASCESE.
-ECLAIRCISSEMENT SUR L'ECHELLE DES VALEURS.
-CE QUE L'ASCESE N'EST PAS.
-ASCESE DE LA LIBERTE:
Dans cette partie deux points attirèrent mon attention:la liberté comme conscience de soi par la lumière divine et possible choix de se dépouiller.Une approche divine de cette leçon dans mon interprétation personnelle:Le Christ qui Est n'a pas hésité a se dépouiller du rang qui l'égalait à Dieu pour s'incarner;quel bel exemple pour nous de ce que signifie être libre.

-CONNAISSANCE OU DECOUVERTE DE SOI:
-DEPASSEMENT DE LA SUBJECTIVITE:
Cette subjectivité qui avec ses "vassaux"dont la philautia-signifiant approximativement amour propre,égo- entraine une anorexie spirituelle par l'introversion narcissique qu'elle engendre.A l'antipode de cette éternelle souffrance se trouve l'Eau vive l'Esprit Viviant de Dieu.

-DE L'IDENTITE:
Paradoxalement cette souffrance se mute en illusion "paranoïde" qui s'impose à nous comme ce postulat:"l'enfer c'est les autres".Ce réconfort virtuel pourrait nous amener à accomplir,en apparance hélas,les actes les plus héroïques et relegieux mais sans épanouissement.Car loin de l'autre.
Point important pour ne pas se lasser emporter par le ressac de cette subjectivité figée,l'auteur nous invite à une dynamique,à excenter notre "centre" de gravité vers l'extérieur vers cette Eau Viviante et notre prochain:d'où la leçon sur l'hypostase.

-LE PECHE ORIGINEL: LE PECHE DE L'ORIGINAL:
Ici on est bien loin de "l'offense à Dieu",le péché est plutôt présenté comme privation d'altérité à l'instar de la flèche qui rate sa cible.

-LA MEDECINE DU PENTHOS:
-EPILOGUE: LA PAIX DES GRAND FONDS.
Le mot de la fin revient à Mg A. BLOOM:"Imaginez un lac tranquille sur lequel court une brise légère;toute la surface frissonne et ne reflète ni le ciel ni la terre;quand aux profondeurs,elles restent calmes,non atteintes par ce vent" tiré dansLe sacrement de la guérison Cerf 2002
En définitive la lecture de ces textes m'a rappelé Emmanuel LEVINAS.Sauf qu'à l'époque l'altérité me paraissait abstraite fruit d'une spéculation intéllectuelle,mais au décours de cette lecture j'y ai vu plus clair.

Sur ce mon lit m'appelle je souhaite une heureuse préparation au jeûne de la Dormition de la Très saint Mère de Dieu et toujours Vièrge Marie à ceux qui s'y préparent.
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Pasto a écrit :Je suis allé sur le site de l'Eglise orthodoxe d'Estonie-je ne sais pas si elle est en communion avec les patriarcats "historiques"
C'est une Eglise autonome depuis 1920, sous la juridiction du patriarcat oecuménique de Constantinople depuis 1923. L'actuel métropolite de Tallin et de toute l'Estonie est Mgr Stéphane (Charalambidis).
Pascal-Yannick
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Message par Pascal-Yannick »

lecteur Claude a écrit :C'est une Eglise autonome depuis 1920,sous la juridiction du patriarcat oecuménique de Constantinople depuis 1923.
Merci pour cette précision car étant donné que le terme Orthodoxie n'est pas une"marque déposée" (en France) de nombreux folklores "orthodoïdes" sèment parfois la confusion sur le net.
Toutefois cette précision m'encouragera à poursuivre mes lectures sur le site de l'Eglise Orthodoxe d'Estonie.
Et la Vérité vous rendra libre
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