Article Mgr.Zizioulas évoqué dans le fil Millénarisme

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Stephanopoulos
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Article Mgr.Zizioulas évoqué dans le fil Millénarisme

Message par Stephanopoulos »

Cher Jean-Louis, vous disiez à propos de l'extrait de l'article de Mgr. Zizioulas que j'ai publié dans le fil "Millénarisme :

"Je regrette que Zizioulas, dans cet article, soit légèrement en retrait par rapport aux positions qu’il avait développées dans sa thèse (qui a été retirée de la circulation) où il montrait que dès le début la fonction épiscopale ne se définissait pas seulement en fonction de l’Église locale, mais aussi par la synodalité des évêques d’une province."

Peut-être que ce sentiment vous est venu par le fait même que je n'avait publié qu'un extrait!?

je me suis donc permis de publier l'article de Mgr. Zizioulas dans son entier afin que vous puissiez mieux juger si effectivement ce dernier s'écarte de sa thèse qu'il cite d'ailleurs à la note n°21 :


Métropolite de Pergame JEAN (ZIZIOULAS)

1. L’INSTITUTION SYNODALE PROBLÈMES HISTORIQUES, ECCLÉSIOLOGIQUES ET CANONIQUES*


I. INTRODUCTION

L’institution synodale constitue, du moins pour la théologie orthodoxe, le corps de l’administration et de la structure canonique de l’Église. Toute Église autocéphale orthodoxe a son Synode, et nul législateur, ecclésiastique ou politique, ne saurait lui substituer un organe administratif d’une autre forme, de caractère collectif ou individuel. Cela dit, il faut reconnaître qu’il n’est peut-être pas d’autre institution aussi mal comprise, que ce soit par l’Église ou même par l’État, que l’institution synodale. Les malentendus dont elle fait l’objet risquent autant d’entraîner la vie ecclésiastique sur des voies hasardeuses et des péripéties que de conduire, dans certains cas, à des estimations erronées de certains événements (c’est ce qu’il advient, par exemple, pour diverses décisions du Conseil de l’État en Grèce), mais, nécessairement, ils portent atteinte aux fondements théologiques de l’Orthodoxie. Ces malentendus proviennent de ce que le contenu ecclésiologique de l’institution synodale est souvent ignoré ou méconnu. Contrairement à tout ce qui concerne la législation et l’administration de l’État, les institutions canoniques de l’Église ne peuvent être comprises indépendamment de l’ecclésiologie, c’est-à-dire des principes théologiques qui régissent la nature de l’Église. Des institutions administrant l’Église, et qui sont aussi fondamentales que le Synode, sont inséparables de l’essence de l’Église 1 et, de ce fait, toute séparation entre le dogme et les institutions administratives fondamentales de l’Église est, non seulement malencontreuse, mais même dangereuse 2 . Pour comprendre le contenu ecclésiastique d’une institution, au sein de l’Église orthodoxe du moins, il est nécessaire de retourner en arrière, aux débuts historiques de cette institution. Le temps a fait subir, en effet, à nombre d’institutions, des altérations qui tendent à les éloigner de leur contenu initial. Certes, l’Église orthodoxe ne refuse pas les évolutions historiques qui se produisent dans ses institutions, mais elle ne les accepte qu’à la condition que la relation initiale de ces institutions avec l’essence et la nature de l’Église demeure intacte, à l’abri de toute éventuelle transformation ou modification. Par conséquent, pour comprendre et étudier les institutions ecclésiales de l’Orthodoxie, il est indispensable d’en connaître les dé-buts historiques et l’évaluation ecclésiologique. L’ecclésiologie et l’histoire de l’Église, notamment de l’Église des premiers siècles au cours desquels les institutions ecclésiales 3 se sont formées, sont les guides indispensables pour toute recherche sur le Droit Canon de l’Église orthodoxe 4 . Ainsi, en ce qui concerne l’institution synodale, il est nécessaire de poser les questions suivantes :
a) Comment cette institution est-elle apparue dans la vie de l’Église ? Quelles sont les données historiques et théologiques qui l’ont engendrée ?
b) Quels sont les principes ecclésiologiques qui ont conduit à la formation de cette institution ? Comment le contenu ecclésiologique initial de l’institution synodale a-t-il pu se main-tenir substantiellement intact, lorsque de nouvelles formes d’expression de cette institution sont apparues ?
c) Et enfin, à la lumière de ces données historiques et ecclésiologiques, quels sont les principes qui doivent aujourd’hui régir le Droit Canon de l’Église orthodoxe relativement à l’institution synodale ? La présente étude se propose d’examiner brièvement ces questions qui, à notre avis, sont essentielles, d’une importance aussi théorique que pratique pour l’Orthodoxie aujourd’hui.


II. LES DÉBUTS HISTORIQUES DE L’INSTITUTION SYNODALE

La principale question, que rencontre l’historien qui étudie la genèse de l’institution synodale, peut être formulée comme un dilemme : doit-on considérer les synodes comme un produit des conditions existant à la fin du 2e siècle ap. J.-C., au moment où les synodes apparaissent effectivement sous la forme qu’on leur connaît aujourd’hui ou bien doit-on rechercher les racines de cette institution dans les structures synodales existant déjà dans les premières communautés ecclésiales, dont la vie est décrite dans le Nouveau Testament ? Les historiens qui prennent, pour point de départ de leur étude, les dernières décennies du 2e siècle, se heur-tent à une difficulté : les facteurs ayant contribué à l’apparition des synodes sont-ils externes ou internes à l’Église ? Des historiens, tels que Monceaux, Lübeck et Harnack, partisans de la première thèse, pensent que l’institution synodale prend sa source dans la vie publique et religieuse des villes helléniques 5 ; de même, Dvornik et d’autres soutiennent que l’apparition des synodes est liée à l’institution du sénat romain 6 . Au contraire, les historiens qui ont recherché les débuts du Synode dans la vie interne de l’Église — toujours, bien sûr, pendant la seconde moitié du 2e siècle — tendent à associer l’apparition de cette institution au problème plus général de l’opposition entre « Hiérarchie » et « Esprit » (Amt und Geist), opposition que R. Sohm et A. Harnack ont introduite dans l’historiographie, notamment en disant que cette opposition supposée était apparue à cause du Montanisme 7 . Toutes ces théories ont en commun de situer les débuts de l’institution synodale vers la fin du 2e siècle, jamais avant. En d’autres termes, les premiers synodes qu’on sait être apparus en raison du montanisme et de la querelle de Pâques 8 , seraient une institution qui aurait été conçue par l’Église d’alors, pour la première fois, afin de faire face aux problèmes qui se posaient à l’époque, et sous l’influence de facteurs extérieurs ou intérieurs à l’Église.
Dans une autre étude 9 , nous avions soutenu la thèse suivante : non seulement les débuts de l’institution synodale doivent être recherchés au sein de l’Église, mais ils remontent aussi aux sources les plus anciennes du Nouveau Testament, à savoir dans les Épîtres de Paul et dans la structure des premières communautés eucharistiques 10 . Il n’est donc pas nécessaire de répéter ici, dans tous ses détails, l’argumentation qui avait alors été développée, mais il peut être utile de rappeler certaines des principales conclusions de cette étude. Le fait historique le plus important, qui nous conduit à penser que les débuts historiques de l’institution synodale sont à rechercher au sein de l’Église, et, plus encore, dans la structure des premières communautés eucharistiques, est que la composition des synodes semble avoir été, dès le début, épiscopale. La question que l’historien ne peut éviter est dès lors la suivante : pourquoi les synodes étaient-ils essentiellement composés d’évêques ? Était-ce une initiative prise par l’Église de la fin du 2e siècle, sous l’influence de facteurs internes ou externes, spécifiques à cette époque ? Ou bien était-ce dû à des raisons ecclésiologiques plus profondes, en rapport avec la vie et la foi de la première Église ? Dans le Nouveau Testament, on rencontre deux formes principales de synodes. La forme la plus connue est celle du Synode dit Apostolique, décrit dans les Actes des Apôtres (Actes ch. 15 ; cf. Gal. ch. 2). Ni les problèmes d’exégèse que présente cet extrait des Actes, ni le problème de l’historicité du Synode Apostolique, n’ont leur place dans la présente étude. Toutefois, la structure de ce synode, tel qu’il est décrit par Luc dans les Actes, est d’un grand intérêt. La composition du synode est la suivante : a) « la foule », c’est-à-dire l’Église locale et b) les « apôtres » et les « presbytres ». Les « apôtres et les presbytres », tout comme l’ « église » (à savoir « la foule ») ont participé à l’assemblée qui s’est tenue avant le Synode pour écouter Paul et Barnabé (15, 4). Cependant, nous constatons qu’il n’est fait initialement aucune mention de l’ « église » pendant le Synode proprement dit : « Les apôtres et les presbytres se réunirent pour examiner cette question ». Ce n’est que vers la fin du Synode que l’ « église » réapparaît, au moment de choisir qui accompagnera Paul à Antioche (15, 22) : « Alors, il a paru bon aux apôtres et aux presbytres, ainsi qu’à l’église entière de choisir […] » 11 . Toutefois, l’épître, envoyée à Antioche en tant que décision officielle, ne semble n’avoir été écrite que par les « apôtres et les presbytres » 12 , quoiqu’il soit fait mention des applaudissements par lesquels l’Église locale a accueilli la décision (v. 25). Il se peut que le « nous » de la fameuse phrase « il a paru bon au Saint-Esprit et à nous » (15, 28) renvoie directement aux « apôtres et presbytres », à la condition cependant que « toute l’église » soit unanime. Par conséquent, la structure du Synode Apostolique, démontre : a) que l’Église locale constitue la base du synode et b) que « les apôtres et les presbytres » se distinguent de la « foule », en raison du rôle directeur qu’ils assument, aussi bien dans la prise de décisions que dans la communication de ces décisions aux autres Églises. Ce qui attire, par la suite, l’attention est que, à partir du ch. 21 des Actes, la formule « apôtres et presbytres » est remplacée par celle de « Jacques et les presbytres ». Outre l’importance de la formule « Jacques et les presbytres » en général, pour l’apparition de la fonction épiscopale 13 , et, en particulier, pour la genèse de l’institution synodale, ce passage de « apôtres-presbytres » en « Jacques-presbytres » constitue le pont qui nous fait passer du livre des Actes au « conseil de l’évêque » [synedrion episkopou] d’Ignace d’Antioche 14 , qui a joué un rôle considérable dans la genèse de l’institution synodale. Le « conseil de l’évêque », constitué de l’Évêque et des presbytres qui l’entouraient, est ce qui, lors de la synaxe de l’Eu-charistie, tranchait, en présence du peuple, dans des questions relatives à la concorde et à l’unité de l’Église, avant la divine Communion 15 . Comme il apparaîtra par la suite, cela n’est pas sans rapport avec la genèse de l’institution synodale, en tant qu’institution épiscopale dans sa structure de base ; ce conseil est directement lié à l’autre forme de synode, parallèle à la forme du Synode Apostolique qui répond à la vie des églises chrétiennes primitives. Nous y reviendrons plus loin.
La deuxième forme de synode qui, déjà présente dans les épîtres de Paul, influe, comme nous le verrons plus bas, sur le développement de l’institution synodale aux siècles suivants, est encore liée aux décisions relatives à la participation ou non-participation à la divine Communion. Au ch. 5 de la 1ère Épître aux Corinthiens , l’Église locale de Corinthe, réunie pour l’Eucharistie, est appelée à décider de la participation ou non-participation de l’un de ses membres à la divine Communion. — Il faut remarquer que cette synaxe est constituée du peuple (« de vous »), de l’apôtre (« de mon esprit ») et du Seigneur (« avec la force de Notre-Seigneur Jésus-Christ ») —, composition qui rappelle le « il a paru bon au Saint-Esprit et à nous » du Synode Apostolique. Ce qui ne peut manquer d’attirer l’attention de l’historien est que ce qui est décrit dans ce passage de la 1ère Épître aux Corinthiens , semble être institutionnalisé par les générations suivantes. La réconciliation entre les fidèles comme l’unité de l’Église, indispensables avant la divine Communion, de même que le jugement irrévocable et eschatologique de la com-munauté et des Apôtres porté sur les membres de l’Église, sont attestés dans l’Évangile selon Matthieu (ch. 18), d’une manière qui ne diffère guère de la 1ère Épître aux Corinthiens. Selonle témoignage de Tertullien 16 , cela devient une institution au cours du 2e siècle, conduisant ainsi au « conseil de l’évêque » d’Ignace. Cette synaxe, selon le témoignage de la Didascalie des Apôtres syriaque, datant du 3e siècle et fondé sur cette tradition, n’avait d’autre but que de trancher dans les questions qui divisaient les fidèles, afin d’éviter qu’ils n’aient recours aux tribunaux païens (cf. 1 Cor. 5) — et cela, toujours en rapport avec la participation ou non-participation à la divine Communion. L’étude des sources prouve incontestablement que l’institution synodale, telle qu’elle apparaît à partir du 2e siècle, est précisément liée aux conditions préalables et à cette praxis de l’Église. Les synodes, qui apparaissent lors de la querelle de Pâques, sont directement, et avant tout, en rapport avec le problème de la communion eucharistique 17. On peut également le constater en considérant les grands Conciles oecuméniques de l’Église ancienne : leur but n’était jamais de formuler les principes de la foi en elle-même, mais de décider de la participation ou non-participation à la Divine Communion. C’est ce que l’on peut constater clairement à la lecture des « anathèmes » auxquels aboutissent les décisions de ces Conciles et qui reflètent l’esprit de la 1ère Épître aux Corinthiens 5 et de Mt 18. Le but du Synode a donc, de tout temps, été lié à la Divine Eucharistie et aucun historien sérieux ne saurait le contester.
À présent, si nous étendons notre recherche aux sources strictement canoniques relatives au témoignage sur l’institution synodale, nous pouvons y trouver confirmation de nos ob-servations. Une étude attentive du 5e canon du Ier Concile oecuménique de Nicée (325), qui est, apparemment, le premier témoignage clair que nous possédions sur l’institutionnalisation des synodes sur une base permanente et régulière , prouve que cette institutionnalisation est encore liée au problème de la participation à l’Eucharistie. Préoccupé des exclusions de la di-vine Communion, que les évêques imposaient au sein de leur Église, ce canon ordonne : «À propos de ceux qui ont été exclus de la communion […], par les évêques de leur éparchie ; la sentence portée doit être observée, conformément au canon 18 prescrivant que celui qui a été exclu de la communion par l’un ne doit pas être admis par les autres. Il faut cependant s’assu-rer que l’évêque n’a pas porté cette sentence d’excommunication par étroitesse d’esprit, par esprit de contradiction ou par quelque sentiment d’aversion et, à cause de cela, ceux-ci “étaient condamnés à être exclus de la synagogue”. Afin qu’un tel examen puisse avoir lieu, il a paru bon que, dans chaque éparchie, on tînt deux fois par an un synode, afin que tous les évêques de l’éparchie étant réunis, on examine toutes les questions semblables ; ainsi, ceux qui de l’avis commun auraient désobéi à leur Évêque seront justement considérés par tous comme exclus de la communion, jusqu’à ce qu’il plaise au ‘commun des évêques’ d’adoucir leur sentence. Ces synodes devront se tenir l’un avant le Carême pour que, ayant éloigné tout sentiment pusillanime, l’on puisse présenter à Dieu une offrande pure, et le second au cours de l’automne ». De ce qui précède ressort que l’institution synodale, sous la forme qu’on lui connaît aujourd’hui, prend sa source dans la synodalité et la praxis synodale des premières commu-nautés apostoliques, et que cette praxis est toujours liée à la communauté eucharistique. Ainsi lumière est faite sur un autre point obscur : comment, au 4e siècle, le terme de « synode » a pris le sens de Divine Eucharistie 19.
Mais, ce qui est encore plus important pour notre étude, c’est que ce lien primitif entre l’institution synodale et l’Eucharistie nous fournit une réponse à la question principale : pourquoi les synodes sont-ils de caractère épiscopal et quel est le sens, pour l’Ecclésiologie et le Droit Canon, de ce caractère épiscopal de l’institution synodale ?

III. CARACTÈRE ÉPISCOPAL DES SYNODES

À la question “pourquoi la composition des synodes a-t-elle toujours été épiscopale ?”, la réponse qui ressort de l’étude des sources est que l’institution synodale a, dès le début, été liée à la communauté eucharistique, l’évêque étant considéré comme le proéstos de la Divine Eucharistie, dans chaque Église locale. Ainsi est-il naturel que la théologie se rapportant à l’évêque et le développement de la praxis synodale se soient mutuellement influencés 20 au cours des premiers siècles. En quoi ce fait est-il important pour l’évaluation ecclésiologique de l’institution synodale et pour ses conséquences canoniques ? Tout d’abord, il faut remarquer que, de par sa position de proéstos de la communauté eucharistique, l’évêque était considéré, dans l’Église ancienne, comme celui qui incarne toute l’Église locale 21 . Cependant, en même temps, de par la nature de la communauté eucharistique qui est l’expression et la manifestation de tout le Christ et de toute (« catholique », s’entend) l’Église, le proéstos de l’Eucharistie, l’évêque, était considéré comme le célébrant, celui en la personne duquel l’Église locale dépassait toute notion de localisme et s’unissait avec les autres Églises locales en « une seule Église, sainte, catholique et apostolique » 22. Il était donc très naturel que toute acte de l’Église visant à l’expression de l’unité des Églises locales, comme c’était le cas du synode, se manifestât par l’évêque. Par conséquent, la composition épiscopale du synode se justifie et s’impose dans l’Église ancienne, du point de vue ecclésiologique, du fait que l’évêque est, en tant que proéstos de l’Eucharistie, celui qui exprime l’unité aussi bien de l’Église locale en elle même que son unité avec les autres Églises locales, unité à laquelle, comme nous l’avons vu, les synodes ont de tout temps aspiré.
Tout cela ressort d’une manière encore plus évidente et incontestable, si l’on considère certains traits fondamentaux de la vie liturgique et canonique de l’Église ancienne, relatifs à la consécration de l’évêque. Le premier trait est que, lors de la consécration épiscopale, il est indispensablement fait mention de l’Église locale pour laquelle est nommé l’évêque consacré. Les canons interdisent donc fermement l’investiture d’ecclésiastiques absolue (ou libre) 23, d’autant plus dans ce cas de la consécration épiscopale, pour laquelle l’indispensable lien avec une Église locale a de tout temps constitué une partie de la prière prononcée durant la consécration : « La Grâce Divine, celle qui toujours guérit les faiblesses et supplée aux déficiences, désigne le prêtre très aimé de Dieu […N…] pour être évêque de la ville […N…] ». D’ailleurs, ce lien entre évêque et Église locale a toujours été tenu pour si essentiel que, même dans la praxis nouvelle des évêques titulaires et auxiliaires, il est toujours nécessaire d’unir le nom de chaque évêque avec une Église locale, même s’il s’agit d’une Église locale « ayant autrefois existé » 24. Bien entendu, tout ce qui précède est reconnu par tous comme des « données » inviolables, liturgiquement ou canoniquement. Mais, combien sont ceux qui sont disposés à tirer les conclusions auxquelles conduit cette taxis liturgique et canonique ? Ces conclusions sont de la plus haute importance pour notre question et doivent être examinées immédiatement.
Introduire la mention du nom de l’Église locale dans la prière, lors de la consécration de l’évêque, c’est-à-dire dans cet acte constitutif de l’institution épiscopale, montre que l’évêque n’est consacré évêque de l’Église catholique qu’en passant par une rela-tion avec une Église locale. Par conséquent, en tant que membre du synode, lequel exprime l’unité de l’Église à un niveau plus large que l’Église locale, chaque évêque participe au synode, non pas en tant qu’individu, mais en tant que personne incarnant son Église localepour laquelle il a été nommé. C’est précisément pour cette raison que toute décision synodale, dont la validité doit être universelle pour toute l’Église, ne peut être considérée comme complète, avant d’être approuvée par ce qu’on appelle la « conscience » de l’Église, c’est-à-dire par chaque Église locale 25.
La relation qui unit l’évêque à l’Église locale n’est qu’une des conséquences que nous pouvons tirer de l’étude des sources liturgiques et canoniques anciennes pour une meilleure compréhension de l’institution synodale. L’autre aspect est que l’évêque, toujours par sa con-sécration, est lié, non seulement avec une certaine Église locale, mais aussi avec « l’Église catholique répandue par tout l’univers » [« tin kata tin oikoumenin katholikin Ekklisian »]. Cela remonte aux sources suivantes, liturgiques et canoniques, de l’Église ancienne.
D’abord, la “Tradition Apostolique” d’Hippolyte, oeuvre des débuts du 3e siècle, mais dont le noyau liturgico-canonique date très probablement du milieu du 2e siècle, prescrit que toute investiture épiscopale soit célébrée par deux évêques au moins. Le 4e canon du Ier Concile oecuménique donne à cette pratique liturgique sa validité canonique, en stipu-lant : « L’évêque doit être avant tout consacré par tous les évêques de l’éparchie ; mais si une nécessité urgente ou la longueur de la route s’y opposaient, trois évêques absolument doivent y se réunir, munis néanmoins du consentement écrit des évêques absents qui ont, eux aussi, votés, puis procéder à la ordination ». Ce canon a été avancé par certains chercheurs 26 , comme preuve que les synodes n’étaient initialement que les prolongements des synaxes des Églises locales, auxquelles participaient les Églises environnantes. Une telle interprétation permettrait d’expliquer la haute importance de la praxis liturgique ancienne, qui voulait que la consécration de chaque évêque se déroulât dans son Église locale, dont il devenait automatiquement le proéstos de l’Eucharistie 27 .
L’importance ecclésiologique de cette taxis liturgico-canonique est de nous conduire à la conclusion que la participation de chaque évêque à la praxis synodale de l’Église est un droit et un devoir qui découlent directement de sa consécration et ne dépend d’aucune pratique ni acte de nature administrative ou autre. Par conséquent, chaque évêque, par le droit que lui confère sa consécration épiscopale, peut et doit participer aux synodes qui concernent, de quelque façon que ce soit, les débats et les décisions touchant la vie de son Église locale et de l’Église en général.

IV. L’IMPORTANCE ECCLÉSIOLOGIQUE DE L’INSTITUTION SYNODALE

Des observations précédentes, il ressort que l’élément primordial du contenu ecclésio-logique de l’institution synodale est que cette institution est appelée à maintenir l’équilibre entre, d’une part, l’Église locale, en tant que subsistance de l’Église catholique dans son inté-gralité, et, d’autre part, « l’Église catholique répandue à travers tout l’univers » que constitue l’unité des Églises « réparties dans l’espace » [« kata topous »] en un seul corps. Cette fonction que l’institution synodale, de par sa nature ecclésiologique, est appelée à réaliser, est l’une des fonctions les plus subtiles et les plus complexes de toute la structure canonique de l’Église, d’autant qu’elle court constamment le danger de partialité et de suppression de cet équilibre susmentionné, dont elle vise la réalisation. Examinons tout d’abord la question, telle qu’elle ressort des sources historiques et ca-noniques. L’un des principes les plus fondamentaux du Droit Canon de l’Église ancienne est que nul évêque ne peut intervenir dans l’administration d’une autre épiscopie que la sienne. Ce principe est formulé par saint Cyprien de la manière la plus stupéfiante et la plus absolue. Il écrit : « Pourvu que le lien de la concorde subsiste et que le mystère de l’Église catholique demeure indivisible, chaque évêque règle lui-même ses actes et son administration comme il l’entend, n’ayant de compte à rendre qu’au Seigneur » 28 . Lorsqu’on lit un tel texte, on ne peut que s’interroger : comment une telle conception peut-elle être compatible avec la notion d’institution synodale ? Si chaque évêque administre son épiscopie, « n’ayant de compte à rendre qu’au Seigneur », quel pouvoir le Synode peut-il exercer sur l’Église locale et son évêque ? Comment peut-on concevoir une institution synodale sans pouvoir d’intervention sur l’Église locale ? Ces questions se compliquent encore davantage, si l’on songe que St Cyprien est l’un des principaux témoins de la praxis synodale de l’Église ancienne. Il ne fait aucun doute que nous touchons là à l’un des problèmes les plus ardus de l’Ecclésiologie et du Droit Canon, posés par l’institution synodale. Il n’est pas permis que la sauvegarde de la catholicité et de l’autonomie ecclésiale [avtoteleia] de l’Église locale soit mise en danger par l’institution synodale ; et celle-ci ne doit pas être mise en danger par l’autonomie ecclésiale de l’Église locale. Il y a là un équilibre ecclésiologique et canonique qui n’est pas toujours facile à trouver, mais, il constitue, malgré tout, un aspect fondamental de la formation de l’institution synodale, ainsi que le prouve l’étude des premiers canons qui s’y rapportent.
Les anciens canons, dont nous pourrions nous servir pour l’étude de ce problème, sont le 5e canon du Ier Concile oecuménique, que nous avons déjà évoqué, le 19e canon du Concile local d’Antioche 29et le fameux 34e canon des saints Apôtres. Ces canons présupposent, ou, en tout cas, sont associés à l’apparition et au développement du système métropolitain de l’Église ancienne. Ils sous-tendent donc la relation qui liait historiquement la formation de l’institution synodale à l’apparition du système métropolitain, à partir du 4e siècle.
Le premier [5e canon] de ces canons concerne, comme nous l’avons déjà noté, le pro-blème des excommunications de la divine Communion, qui avaient pu être imposées par dif-férents évêques au sein de leurs Églises locales. Le texte de ce canon révèle que, dans ce canon, le problème auquel l’Église se trouvait confrontée, n’était autre en substance que ce que nous avons appelé ici l’équilibre de la catholicité entre l’Église locale et l’Église « répandue par tout l’univers ». Ce canon souligne aussi que « celui qui a été exclu de la communion par l’un [évêque] ne doit pas être admis par les autres [évêques] », ce qui équivaut à la reconnaissance de l’autonomie de l’Église locale et de son évêque, étant donné que la décision d’excommunication que l’évêque prend à l’égard d’un des membres de son Église engage tous les évêques. D’autre part, cependant, le même canon ajoute aussitôt : « Il faut s’assurer que l’évêque n’a pas porté cette sentence d’excommunication par étroitesse d’esprit, par esprit de contradiction ou par quelque sentiment d’aversion et, à cause de cela, ceux-ci “étaient condamnés à être exclus de la synagogue”. Afin qu’un tel examen puisse avoir lieu, il a paru bon que […], on tînt deux fois par an un synode […] ». Quelle est la signification de ce canon ? De toute évidence, le problème qui est ici sous-jacent est celui de la relation entre l’Église locale et l’Église répandue par l’univers, telle que cette dernière s’exprime dans la communion eucharistique. La solution à laquelle le canon aboutit peut être formulée comme suit : la divine Eucharistie exprime à la fois la catholicité de l’Église locale et celle de l’Église répandue à travers tout l’univers ; de ce fait, il n’est pas possible de participer à la Divine Eucharistie d’une autre Église locale sans pouvoir également participer à l’Eucharistie de sa propre Église locale (= renforcement de l’autorité de l’évêque local) ; mais, exactement pour la même raison, l’excommunication d’un membre du corps eucharistique, bien que ce soit, au départ, un droit reconnu à l’évêque local, touche finalement toutes les autres Églises locales et doit être soumise à l’approbation des autres évêques (= renforcement de l’autorité du Synode). C’est, par conséquent, la nature de la communion eucharistique telle qu’elle est, qui rend l’institution synodale indispensable. Cependant, l’oeuvre du Synode ne consiste pas à dénier le droit d’excommunier un fidèle de la divine Communion à l’évêque local, mais plutôt à contrôler les motivations des décisions de l’évêque : c’est dans la mesure où la décision n’est pas prise pour des motivations viles et « personnelles », qu’elle est valable pour toute l’Église. Voilà ce qu’on peut conclure de l’examen de ce canon.
Le deuxième canon, que nous devons examiner maintenant, fait un pas en avant en direction du renforcement du pouvoir du Synode. Le 19e canon du Concile local d’Antioche ne renvoie pas à la communion eucharistique, mais aux élections et aux consécrations des évêques qui apparaissent donc liées à la formation de l’institution synodale 30 . Nous lisons dans ce canon : « Un évêque ne peut être ordonné sans synode et sans la présence de l’évêque métropolitain de l’éparchie ; en plus de la présence indispensable de celui-ci, il est certes mieux que soient présents tous les évêques concélébrants de l’éparchie et que l’évêque métropolitain devra les convoquer par lettre. Si tous viennent, ce sera pour le mieux ; si cela est difficile, il faut que la majorité des évêques soit absolument présente ou qu’elle envoie par écrit son assentiment à la consécration en sorte que l’ordination ait lieu soit en présence de la majorité soit avec son approbation écrite. Si l’on contrevient à cette ordonnance, l’ordination n’aura aucune valeur. Si au contraire, tout se passe selon cette ordonnance, et que quelques-uns s’y opposent par esprit de contradiction, que l’on observe le vote de la majorité ». Si nous comparons ce canon au 4e canon du Ier Concile oecuménique, qui fait également référence aux élections et aux ordinations des évêques, il apparaît clairement que le canon d’Antioche constitue, avec une hésitation notable, un pas en direction du renforcement du pouvoir du Synode au détriment de l’Église locale. Ce pas important consiste en l’introduction (pour la première fois ?) 31 du principe de majorité dans l’institution synodale. Ce principe soulève de sérieux problèmes ecclésiologiques, parce qu’il sous-tend que la quantité est un critère décisif de l’unité de l’Église, ce qui va à l’encontre du caractère (“éthos”) de l’Ecclésiologie ancienne (il est très probable qu’à cette époque, les hérétiques étaient majoritaires). Le principe de majorité, qui est à la base du droit séculier des régimes démocratiques, risque de transformer l’institution synodale en une institution purement juridique ; c’est la raison pour laquelle il n’était pas appliqué dans les synodes de l’Église ancienne, sauf lorsque toutes les tentatives de parvenir à l’unanimité s’étaient avérées infructueuses.
Venons-en, à présent, au fameux 34e canon apostolique, dont les récentes études ont particulièrement débattu et qui, selon certains auteurs 32 , est très ancien, en tout cas probable-ment plus ancien que les canons du Ier Concile oecuménique. Ce canon stipule que : a) dans chaque « nation » 33 existe un « protos » évêque, qui doit être reconnu comme « tête » ; b) tous les évêques de cette circonscription doivent toujours agir en accord avec le « protos », dans toutes les questions qui ne relèvent pas directement de leurs provinces ; et c) le « protos » doit également éviter d’agir sans l’accord des autres évêques. Bien que ce canon ne se réfère pas expressément aux synodes, il montre clairement qu’il est intimement lié à tout ce qui repré-sente la base canonique initiale des anciens synodes, locaux ou régionaux (métropolitains). L’importance de ce canon pour notre sujet est que nous y retrouvons la conception que saint Cyprien a formulée sur l’autonomie ecclésiale de l’Église locale, et dont nous avons parlé plus haut. Rappelons que, conformément à cette conception, l’évêque étant responsable de toutes les affaires de l’Église locale, ni le synode ni le « protos » n’ont le droit d’intervenir. En accord avec st Cyprien, c’est ce qui est prévu par le 34e canon apostolique. Néanmoins, alors que tout ce qui touche à l’Église locale est de la compétence de l’évêque local, conformément au même canon, ces mêmes affaires, concernant aussi les autres Églises de la circonscription, relèvent de la compétence de tous les évêques de la région, sous la direction de leur « protos ». Dans ce canon, la compétence et le pouvoir du « protos » sont définis de manière inté-ressante. Sa relation avec les autres évêques est une relation d’interdépendance : le « pro-tos » ne peut agir sans les autres, comme les autres évêques sans le « protos » (toujours sur des questions concernant plus qu’une Église locale, bien entendu). Il s’agit d’une vraie com-munion d’Églises entre elles, selon le prototype de la vie de la Sainte Trinité. L’institution synodale, dans l’esprit de ce canon, ne représente pas une organisation ecclésiastique de struc-ture pyramidale, mais se met au service d’une communion d’Églises locales, par l’intermé-diaire de leurs évêques. La fonction du « protos » consiste à assurer l’équilibre entre l’Église locale et l’institution synodale. À l’issue de cette analyse, nous sommes en mesure d’évaluer, du point de vue canonique et ecclésiologique, les unités synodales plus vastes que l’ancienne circonscription métropolitaine, apparues postérieurement dans l’Histoire. La formation de l’institution de la Pentarchie et des Patriarcats, au cours de la période byzantine, de même que la plus récente formation du système des Églises autocéphales, voire l’institution des Conciles oecuméniques — bien qu’il soit difficile de parler d’“institution” à leur sujet — tout cela, à la lumière du 34e canon apostolique, cesse d’être perçu comme des structures d’organisation supra-locales, comme s’il s’agissait de la création d’une institution quelconque supérieure à celle de l’insti-tution épiscopale. Concevoir des Églises autocéphales, organisées selon une structure pyrami-dale, avec une institution synodale exerçant un pouvoir absolu face aux Églises locales, ou avec un « protos » exerçant ce pouvoir sur les synodes, constitue des déviations dangereuses de l’esprit ecclésiologique des canons. Par conséquent, l’institution synodale peut, si l’on n’y prend garde, mener à l’anéantissement de la notion de catholicité de l’Église, telle que cette notion s’est formée dans l’Église ancienne et, comme nous l’avons vu, telle qu’elle a été res-pectée par les saints canons et l’ancien système synodal. À la lumière de ces remarques, nous pouvons procéder à l’examen ecclésiologique et canonique du Concile oecuménique. Un peu plus haut, nous avons émis un doute : est-il possible de parler d’institution au sujet des Conciles oecuméniques ? En effet, nombre de canonistes et d’historiens parlent du Concile oecuménique comme d’une institution, et l’envi-sagent même comme le degré supérieur du système synodal. Mais des raisons historiques et ecclésiologiques contestent le bien-fondé de cette thèse. Pour pouvoir parler d’“institution”, il serait nécessaire qu’interviennent certaines con-ditions préalables de nature structurelle, et qu’il existe un certain degré de permanence de cette institution. En ce qui concerne les anciens Conciles oecuméniques, il est pratiquement impossible de parler de « conditions préalables » de nature formelle, étant donné que certains Conciles, qui avaient la vocation de Conciles locaux (par exemple, le IIe Concile oecuménique de Constantinople [381]), ont été reconnus comme oecuméniques par la suite, tandis que d’autres, tel que le Concile d’Éphèse, en 449 ap. J.-C., se sont réunis en tant que Conciles oecuméniques du point de vue des conditions préalables formelles, mais n’ont pas été recon-nus en tant que tels. L’importance de ce fait ne réside pas seulement dans l’importance de la « réception » d’un Concile oecuménique par la « conscience » de l’Église, mais en ce qu’aucune condition préalable spéciale de forme juridique ne semble régir les Con-ciles oecuméniques. Dans la mesure où un Concile local peut, du point de vue institutionnel, être proclamé oecuménique, l’attribution aux Conciles [oecuméniques] de la notion d’ « institution » est inexacte. Il en va de même de la permanence de l’institution. Alors que les canons anciens parlent clairement de réunion régulière des Synodes/Conciles locaux, rien de tel n’est prévu pour les Conciles oecuméniques. Par conséquent, à chaque fois que l’Église convoque un Concile oecuménique, il s’agit d’un acte ad hoc , c’est-à-dire d’un événement plutôt que d’une institution, et cet événement ne peut, en aucun cas, être a priori caractérisé comme « Concile oecuménique » 34 . Par conséquent, il est erroné de représenter le système synodal comme une pyramide, couronnée par le Concile oecuménique. Bien entendu, lorsqu’un synode d’évêques est reconnu a posteriori comme oecuménique, il acquiert une autorité suprême dans l’Église. Mais cette autorité ne tient pas à l’institution du synode en soi, qui, comme nous l’avons vu, pourrait ne pas être « oecuménique », mais à d’autres facteurs qui ne peuvent être ni prévus ni décrits canoniquement. Cela a permis à l’Église de vivre, pendant de longs siècles, en l’absence de Conciles oecuméniques, alors que, au niveau local, le système synodal ne cessait de fonctionner comme institution a posteriori dans le futur, cette remarque nous conduit à la conclusion ecclésiologique que, « l’Église catholique répandue par tout l’univers » ne s’exprime pas institutionnellement et n’a pas de structure canonique spécifique. Cela ne vaut que pour l’Ecclésiologie orthodoxe 35.

V. CONSÉQUENCES CANONIQUES

1. Sur la juridiction des synodes

Si l’analyse des sources à laquelle nous venons de nous livrer, relativement à la genèse et à la formation de l’institution synodale, s’avère exacte, l’un des éléments ecclésiologiques fondamentaux de cette institution réside dans la sauvegarde de l’équilibre entre la catholicité de chaque Église locale-épiscopale, d’une part, et, d’autre part, l’union et catholicité de toutes les Églises locales dans un corps unique. Par conséquent, la juridiction des synodes ne couvre pas l’ensemble des aspects de la vie de l’Église 36 , mais se limite aux questions touchant la vie de plus d’une Église locale-épiscopale.
C’est à propos d’une question primordiale de nature plus générale que, comme nous l’avons vu, l’institution synodale a surgi : celle de la communion eucharistique. Étant donné que tout membre de l’Église, ayant droit à participer à la divine Eucharistie de sa propre Église locale, est automatiquement en droit de participer à l’Eucharistie dans toutes les Églises locales, tout acte ou décision l’excluant de la communion eucharistique de son Église locale influence automatiquement la vie de toutes les Églises locales. Il est donc à raison prévu, dans les Chartes statutaires d’administration des Églises orthodoxes 37, que le droit d’excommunication appartient au Synode 38.
Une tâche également importante dont se chargent les synodes est l’élection et la con-sécration des évêques. Cela est dû à ce que chaque évêque est, comme nous l’avons analysé en détail, non seulement le centre de l’unité de sa propre Église, mais aussi le chaînon entre son Église locale et les autres Églises locales réparties dans le monde. Par conséquent, il n’est pas possible que l’élection et l’intronisation des évêques soient « une affaire intérieure » d’une seule Église locale, même si l’élection de l’évêque et sa consécration la concernent directement. Par conséquent, toute question concernant essentiellement l’unité des Églises locales les unes par rapport aux autres, comme les actes constitutifs par excellence de cette unité de l’Église, à savoir la divine Eucharistie et l’élection et la consécration de l’évêque, relèvent naturellement, et pour des raisons ecclésiologiques fondamentales, de la compétence du Synode.
C’est précisément et uniquement pour des raisons similaires que les anciens synodes s’occupaient aussi de questions de foi et d’enseignement. Le droit d’enseigner au peuple et de juger de la conformité de la foi appartient à chaque évêque 39, qui, bien sûr, n’agit que dans les seules limites de son épiscopie. Le synode n’a pas, automatiquement et de plein droit, la possibilité d’imposer une forme quelconque de foi ou d’enseignement à une Église locale, sauf si cette Église, par l’intermédiaire de son évêque, a participé à la prise de décisions à ce sujet et consentie par l’approbation de ces décisions. À partir de là, il est évident que la participation de tous les évêques aux décisions synodales est indispensable , nous le verrons bientôt plus en détail, puisqu’il s’agit d’éviter la soumission, ecclésiolo-giquement dangereuse, de l’Église locale et de son évêque au pouvoir du synode. Le synode tire son autorité, non pas de l’institution qu’il représente, mais de la communion des Églises entre elles, — par le biais de leurs évêques. L’Église est un corps de communion et de liberté, et non de contraintes juridiques.
Il ressort de ce qui précède que le Synode n’a aucun droit de contourner, pour ainsi dire, l’évêque local dans sa relation avec les fidèles de son Église. De la même façon, les autres charismes de l’Église (prêtres, diacres, laïcs, etc.) ne peuvent entrer en relation directe avec l’institution synodale (soit en tant que membre du synode, soit d’une autre manière) autrement que par l’intermédiaire de leurs évêques, de même que le synode ne peut instituer de relation, quelle qu’elle soit (ni négative ni positive) avec les fidèles de l’Église, autrement que par l’intermédiaire de l’évêque. Tout cela implique une responsabilité énorme pour l’évêque, peut-être unique en son genre. Au cas où un évêque, de quelque manière que ce soit, ne pourrait plus assumer cette responsabilité, il pourra être certes remplacé, mais, en aucun cas, ne sera contourné par une relation directe entre le synode et les fidèles [le plérôme].
La raison de l’importance extrême de cette question est que toute création de relations directes entre les fidèles et le synode impliquerait automatiquement une fragmentation de l’Église locale et un individualisme dans l’Ecclésiologie. Si un fidèle — ou un clerc — peut nouer une relation directe avec l’Église dans son ensemble, et pas seulement une relation passant par son Église locale et l’évêque qui l’incarne, l’Église devient dès lors « l’ensemble des croyants en Christ », comme, malheureusement, les « Confessions Orthodoxes » ultérieures la définissent, autrement dit comme un ensemble de personnes, et non une communion de communautés et d’Églises. Le synode ne fait plus, dans ce cas, que se substituer à un « évêque universel » 40, c’est-à-dire à une institution ou à un fonctionnement unissant les fidèles en un seul corps, afin que l’on puisse parler d’une seule Église et éviter finalement l’individualisme. Rien de moins accessoire, donc, que la question de la juste relation entre le synode et l’évêque (d’une Église locale) et le problème canonique connexe des limites de la juridiction de l’institution synodale.
Tout cela conduit en fin de compte à la distinction et à l’évaluation des degrés de validité et d’autorité dans le système synodal. Étant donné que le synode ne peut contourner l’Église locale dans ses décisions, on ne peut reconnaître la même validité et la même autorité à toutes les formes de synode. En l’occurrence, nous pouvons procéder aux distinctions sui-vantes : a) Les synodes, prenant leurs décisions à la majorité, et non à l’unanimité, peuvent voir leur autorité contestée, à moins qu’il ne soit prouvé, ainsi que le prévoit le 19e canon d’Antioche, que la minorité a agi en raison d’une « querelle particulière ». b) Les synodes locaux, dans la mesure où ils représentent la communion des Églises d’une circonscription, ont, dans cette région, une autorité qu’ils ne peuvent revendiquer automatiquement dans d’autres zones géographiques. c) Les synodes, qui expriment l’unanimité et la communion de tous les évêques « répandus à travers tout l’univers », ont une validité et une autorité suprêmes ; néanmoins, même ces synodes ne peuvent contourner les Églises locales, leur validité et leur autorité n’étant, finalement, approuvées que par le seul « Amen » du peuple de Dieu 41.

2. Sur la composition des synodes

La principale conclusion que l’on peut tirer de la présente étude est que, du point de vue historique et ecclésiologique, la composition épiscopale des synodes est la seule valable. Nous avons longuement analysé les sources dans les paragraphes précédents et nous n’allons pas nous répéter. Bien entendu, ce fait n’exclut pas la participation des personnes autres que les évêques, clercs ou même laïcs, en tant que conseillers, mais la décision finale n’appartient qu’aux évêques. La plus importante raison ecclésiologique de cette composition des synodes ne peut être trouvée que dans la notion d’Église locale, formant un seul corps. Ainsi qu’il a été démontré plus haut relativement à la juridiction des synodes, dans l’Ecclésiologie orthodoxe, qui est, en cela, strictement fidèle à l’Église ancienne, aucun fidèle, laïc ou clerc, ne peut entrer directement en relation avec l’unité de l’Église, autrement dit individuellement. La relation ne peut être établie qu’en tant que membre d’une Église locale. Par conséquent, les synodes, ecclésiologiquement considérés, constituent des assemblées d’Églises, c’est-à-dire d’unités déjà formées et non « décomposées » — pour employer une expression de saint Ignace d’Antioche 42— et divisées. Par conséquent, les Églises locales ne peuvent participer aux synodes, qu’en tant qu’unicité indivisible, « d’une seule bouche et d’en un seul coeur », ainsi que l’exige l’unité eucharistique. L’évêque n’est que la bouche unique de son Église, non pas dans le sens de la représentation démocratique, mais dans le sens de celui qui, icône du Christ, transmet la bénédiction et le pouvoir du Seigneur au peuple et, proéstos de l’Eucharistie, unit le peuple en un corps. Par conséquent, si l’on refuse la composition épiscopale des synodes, on aboutit à une « décomposition » de l’Église locale, étant donné qu’on ne lui reconnaît plus la possibilité de communier avec les autres Églises, en tant qu’unité indivisible et indissoluble, c’est-à-dire comme la veut Dieu et la présuppose la véritable notion d’Église.
Cette raison profonde et très essentielle de la composition épiscopale des synodes a été pratiquement oubliée sous l’influence des conceptions moyenâgeuses de la théologie sco-lastique occidentale, lesquelles ont déplacé dans une autre sphère le sens de la fonction épiscopale. Conformément à cette dernière théologie, l’évêque est considéré comme un in-dividu qui, de par sa consécration, a reçu un certain pouvoir (potestas) pour administrer l’Église. Ce pouvoir lui a été donné par l’apposition des mains d’autres évêques, qui garantissent la succession apostolique. De ce fait, l’évêque n’a nul besoin d’être lié à une Église pour devenir évêque, il lui suffit d’être lié aux Apôtres par l’apposition des mains d’autres évêques, eux-mêmes liés aux Apôtres par une chaîne ininterrompue.
Fidèle à cette ligne, l’Église catholique romaine peut aisément soutenir que les évêques, par leur consécration, sont greffés sur « le corps des évêques » et « des apôtres » en général, avant d’acquérir le pouvoir de paître un diocèse. Le droit d’administrer un diocèse ne coïncide pas avec l’acquisition de la qualité épiscopale, mais est accordé postérieurement (par le Pape) 43, Néanmoins, si, pour la théologie catholique romaine, il est possible de séparer la qua-lité épiscopale du lien avec une certaine Église locale en raison des conditions théologiques que nous avons mentionnées plus haut 44, cette séparation est totalement inconcevable pour la théologie orthodoxe. Ainsi que nous l’avons souligné précédemment, la mention du nom de l’épiscopie est comprise dans l’acte constitutif de la fonction épiscopale, c’est-à-dire dans la prière de la consécration. Le Saint Esprit, conformément à la praxis liturgique ortho-doxe, fait de la personne consacrée, l’évêque d’une certaine épiscopie, et non un évêque en général et de manière abstraite. Par conséquent, dans l’Église orthodoxe, il n’y a pas d’évêque sans diocèse, ni dans la réalité, ni dans la pensée.
Cette thèse fondamentale est indissociablement liée au principe selon lequel, pour l’Église orthodoxe, toute séparation entre l’aspect mystérique [sacramentel] et l’aspect administratif de la consécration des évêques est inconcevable. Toutefois, dans la pratique récente, il est clair que, sous l’influence de l’Occident, cette séparation a été introduite dans la vie des Églises Orthodoxes et qu’elle crée des problèmes de nature canonique, en particulier au sujet des synodes. En effet, en certaines circonstances, l’Église, en consacrant des évêques, les consacre à la condition claire qu’il ne leur serait pas confié de devoirs administratifs, aussitôt après leur ordination. Aujourd’hui, dans les Églises orthodoxes, deux cas de consécrations épiscopales illustrent cette situation. Le premier cas est celui desdits évêques « titulaires » et le second celui des évêques « auxiliaires ». Dans le premier cas, l’intention de l’Église va, dès le début, c’est-à-dire dès le moment de l’élection, dans le sens de leur priver tout droit d’administration 45, tandis que, dans le cas des évêques auxiliaires, il advient quelque chose de bien pire : l’objectif est, non seulement que l’évêque consacré ne soit pas chargé de l’administration, mais aussi qu’il doive se soumettre au pouvoir administratif d’un autre évêque. Ces cas démontrent clairement que l’Église prend, d’avance, la décision consciente de séparer l’aspect mystérique de l’aspect administratif de la consécration ; il serait donc contradictoire qu’elle entreprenne de les rattacher a posteriori, en appelant ces mêmes évêques à devenir membres du synode, qui, par définition, est chargé de l’administration.
Un autre cas, tout à fait différent, peut se présenter, lorsque l’Église, en consacrant un évêque, ne procède pas d’avance à la séparation entre l’élément mystérique et l’élément administratif, mais considérant l’évêque consacré comme un évêque dans sa fonction épiscopale incapable, pour des raisons différentes, indépendantes de la volonté de l’Église, de se charger de l’administration de son épiscopie. En ce cas, l’évêque consacré n’est pas séparé de son Église locale selon le dessein de l’Église, si ce n’est en raison des conditions historiques exis-tantes, et reste capable d’accomplir une tâche administrative par sa participation aux affaires administratives du ressort territorial de l’Église, à laquelle appartient son éparchie 46.
Il nous reste à examiner la question de savoir si tous les évêques en fonction doivent participer aux synodes de leur circonscription. De l’analyse qui précède et de l’étude des sources, il apparaît que la réponse est, bien entendu, affirmative. Aucun évêque ne peut être interdit de participation aux synodes qui concernent son épiscopie, car, s’il en était exclu, il serait en droit de refuser la validité et l’autorité de ce synode et de ses décisions, du moins pour tout ce qui touche à sa province. Au nom de quel pouvoir un synode imposerait ses vues à un évêque qui en a été exclu et à son Église ? L’ecclésiologie orthodoxe ne permet pas la contrainte juridique. Les synodes, comme nous l’avons souligné auparavant, expriment la communion libre des Églises, dont ils tirent leur autorité.
Néanmoins, s’il n’est pas concevable d’exclure des évêques de la praxis synodale de l’Église, cela ne signifie pas qu’il soit toujours possible, en pratique, Néanmoins, s’il n’est pas concevable d’exclure des évêques de la praxis synodale de l’Église, cela ne signifie pas qu’il soit toujours possible, en pratique, d’avoir la participation simultanée de tous les évêques aux synodes d’une région donnée. Dans quelles conditions est-il possible de faire face aux difficultés pratiques, sans porter atteinte à des principes ecclésio-logiques fondamentaux ?
Conformément aux Chartes statutaires de l’Église de Grèce en vigueur depuis 1923, la structure en vigueur est la suivante : l’ « autorité suprême » de l’Église de Grèce est son “Synode de la Hiérarchie”, composé de tous les évêques administrant des diocèses (soulignons « tous » et « administrant des diocèses », ou, comme il a été plus justement formulé plus tard, évêques « en fonction ») 47. Cela introduit le juste principe de la participation de plein droit de tous les évêques en fonction au Synode de cette Église autocéphale. Cependant, étant donné que la convocation d’un tel synode n’est pas toujours réalisable en pratique, on désigne comme « représentant » de ce Synode, un Synode de moindre portée, qui doit rendre compte au Synode de la Hiérarchie.
Ce petit synode aurait présenté un grave problème ecclésiologique, s’il avait été permanent ou “aristindin” [élitiste], c’est-à-dire s’il excluait d’avance un certain nombre d’évêques de la participation à la praxis synodale. Mais, étant donné qu’il est prévu que tous les évêques participeront à ce petit synode, par roulement et successivement, une solution est donnée aux difficultés pratiques, sans créer de problèmes ecclésiologiques 48.
Un autre cas de non-participation de tous les évêques aux synodes, qui revêt une im-portance toute particulière pour la convocation du Grand et Saint Concile à venir de l’Église orthodoxe, est celui de certains anciens synodes, et surtout des Conciles oecuméniques, aux-quels participait un certain nombre de représentants des Patriarcats et non tous les évêques. Dans quel cas une telle composition se heurterait-elle aux principes ecclésiologiques fondamentaux ?
Encore une fois, la question cruciale est de savoir si un tel synode imposerait ses décisions « d’en haut », aux Églises locales et s’il y serait pris des décisions qui négligeraient les problèmes et l’avis de certaines Églises locales 49. Dans le cas des anciens synodes, la participation à ces synodes, par des représentants d’une ou plusieurs Églises, supposait que les Églises représentées soient préalablement d’accord avec les décisions de ce synode et que ces personnes rendent compte au synode des problèmes et de l’avis des évêques absents. C’est, du moins, ce qu’on peut déduire de l’absence de témoignage du contraire 50. Néanmoins, si l’on suppose que certains évêques aient refusé d’accorder cette procuration et aient insisté pour assister en personne au synode, en ce cas, l’exclusion de ces évêques comportait le risque qu’ils refusent les décisions du synode et, de cette manière, qu’ils mettent en cause son autorité oecuménique. L’essentiel c’est l’approbation de tous les évêques, même si tous les évêques ne peuvent être présents physiquement au synode. Ce problème ne peut être infléchi par la notion de l’« autocéphalie ». En effet, l’exclusion d’un évêque, qui se fonderait sur le principe d’« autocéphalie », c’est-à-dire sur l’idée que l’approbation des administrateurs des Églises autocéphales, des primats ou même des synodes, suffit pour constituer un synode panorthodoxe ou d’autorité oecuménique, sans qu’il soit besoin de tenir compte de la volonté de chaque évêque, éloignerait ce synode des fondements de l’Ecclésiologie orthodoxe et mettrait en danger son autorité et son acceptation par la conscience de l’Église 51.

3. Sur la convocation et la présidence du synode

De l’analyse des anciens canons que nous avons examinés dans la présente étude, il ressort qu’on ne peut concevoir de synode sans « protos » ou « tête ». La place et la présence du « protos » sont d’une telle importance dans l’institution synodale que le 34e canon apos-tolique prévoit expressément que les autres évêques soient dans l’impossibilité d’agir, au sy-node, sans le « protos ». L’importance de ce principe, pour la convocation et la présidence du synode, peut être résumée dans les observations suivantes.
(a) Il ne peut y avoir aucune séparation entre les compétences de la convocation et la présidence d’un synode. Celui qui convoque et celui qui préside ne doivent être que la même personne, à savoir le « protos ». Le 19e canon d’Antioche, dont nous avons déjà longuement parlé, prévoit expressément que le « protos » sera celui qui convoque et préside le synode : « Il est certes nécessaire que l’évêque métropolitain [c’est-à-dire le protos] doit convoquer par lettre ». D’ailleurs, il serait manifestement contraire à l’esprit des canons et à leur bon sens, que la personne qui convoque puisse être autre que le président, étant donné que l’esprit et la logique de ces canons sont régis par le principe selon lequel, au synode, les Églises locales doivent agir dans l’unité et non dans la dispersion. Ainsi s’explique l’insistance du 34e canon apostolique, par exemple, sur le fait qu’aucun évêque ne peut agir en synode sans le « protos » : l’oeuvre du « protos » est liée à l’expression de l’unité des Églises et, par consé-quent, indissociable de la praxis de la convocation du synode 52.
(b) Il est inconcevable que le « protos » convoque le synode sans l’approbation des autres évêques. Encore une fois, cela ressort clairement du 34e canon apostolique. Le « pro-tos » est effectivement celui qui convoque le synode, mais, en réalité, toutes les Églises locales, par l’intermédiaire des évêques, participent à l’événement de la convocation. Le « protos » est chargé de convoquer le synode, mais en tant que bouche et expression de la volonté de tous les évêques. Ainsi, il est impossible d’affirmer que le « protos » détient des droits « monarchiques » et qu’il peut exercer le pouvoir inhérent à sa fonction, de plein droit et automatiquement, sans tenir compte de l’avis et de la volonté des autres évêques 53. C’est précisément en cela que réside le caractère ecclésiologique de la fonction du « protos » : il exprime, par sa personne, la communion des Églises et non un pouvoir qui ne soit concevable que juridiquement.
(c) Toute idée de coprésidence du synode est inacceptable, parce que, encore une fois, elle va à l’encontre de la raison d’être du synode, qui n’est que le regroupement et l’union des Églises locales en un corps. Jamais les anciens canons n’ont prévu de présidence collective du synode 54 , parce que, dans l’esprit de l’ancienne Église, un principe dominant est que, bien que tout, dans l’Église, s’entende comme communion, cette communion n’est exprimée que par le biais d’ une seule personne. C’est aussi sur ce principe qu’est fondé celui de la fonction épiscopale (l’Église locale est une communion exprimée par l’intermédiaire d’une seule per-sonne, de la personne de l’évêque), principe lié, dans sa profondeur, à la notion de vie trinitaire de Dieu, en laquelle la communion des trois personnes devient unité en une seule personne , l’hypostase du Père.
Le fait que la question de la fonction du « protos » et de l’institution synodale soit liée à des conditions théologiques inhérentes à l’esprit des canons est attesté par le 34e canon apostolique, le plus important en l’occurrence. Ce canon justifie tout ce qui concerne la relation synode et « protos » par une référence à la communion et la gloire du Dieu Trinitaire 55. Ainsi, il est démontré qu’aucune des institutions de l’Église ne peut être considérée comme indispensable du point de vue canonique et ecclésiologique, si elle n’est liée, de quelque manière que ce soit, à la foi dogmatique la plus profonde de l’Église 56. Cela vaut aussi pour l’institution synodale que nous avons examinée dans la présente étude. Les aspects canoniques, liturgiques et historiques de l’institution du synode se rejoignent dans l’ensemble de l’enseignement dogmatique de l’Église, sans lequel ils sont inconcevables. Pour cette raison, le Droit Canon orthodoxe ne doit permettre ni évolutions ni modifications de caractère historique, qui, de quelque manière que ce soit, portent atteinte au contenu ecclésiologique le plus profond de l’institution synodale, qui a fait l’objet de la présente étude.
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Voici les notes :

* L’article original “ O synodikos thesmos : Istorika ekklisiologika kai kanonika provlimata”, est publié dans Timitikon aphieroma eis ton Mitropolitin Kitrous Barnaban [“Mélanges en l’honneur du Métropolite Barnabas de Kitros”], Athènes, 1980, p. 161-190 (en grec) ; traduit du néo-hellénique par l’Archim. Grigorios D. PAPATHOMAS, professeur de Droit Canon à l’Institut de Théologie Orthodoxe “Saint Serge” de Paris.

1 Voir J. N. KARMIRIS, Ecclésiologie orthodoxe, 1973, p. 521 et 523 (en grec) : « La synodalité est inhé-rente à l’essence de l’Église ». Voir également Archim. STYLIANOS CHARKIANAKIS (actuel Archevêque d’Australie), Sur l’infaillibilité de l’Église, 1965, p. 86 (en grec).

2 Sur la question de la séparation des saints Canons [en Canons dogmatiques et en Canons administratifs], qui s’est posée en Grèce, voir K. MOURATIDIS, L’Église et la Constitution, Athènes, 1968, p. 10 et ss. (en grec).

3 À cet égard, les quatre premiers siècles ont une importance cruciale, étant donné que c’est au cours de ces siècles que se sont formées les institutions ecclésiastiques et qu’ont été éclaircis les critères ecclésiologiques sur la base desquels ces institutions ont vu le jour. Toute évolution de ces institutions doit être examinée à la lumière de ces critères.

4 Une importance particulière est accordée à la formation et à l’évaluation ecclésiologique des institutions ecclésiales, du point de vue orthodoxe, ainsi qu’à la praxis liturgique de l’Église, comme il apparaîtra dans la suite de la présente étude. Ecclésiologie, Histoire ecclésiastique et Liturgique sont imbriquées dans le Droit Canon orthodoxe.

5 Voir P. MONCEAUX, De Communi Asiæ provinciæ, 1885, p. 117 ; C. LÜBECK, Reichseinteilung und Kirchliche Hierarchie des Orients bis zum Ausgange des vierten Jahrhunderts, 1901 ; A. HARNACK, Entstehung und Entwicklung der Kirchenverfassung und des Kirchenrechts, in den zwei ersten Jahunderten, 1910, p. 115-116.

6 Ainsi, plus anciennement, P. BATIFFOL, bien qu’il ait exclu les influences d’institutions extra-ecclésiastiques sur les synodes en ce qui concerne l’Asie, a reconnu l’influence de l’institution du sénat romain sur la praxis synodale en Afrique. (Voir “Le règlement des premiers conciles africains et le règlement du sénat romain”, in Bulletin d’Ancienne Littérature et d’Archéologie Chrétiennes, t. 3, n° 1 (1913), p. 1-19. Récemment, cette thèse a été soutenue par F. DVORNIK, Emperors, Popes and General Councils, 1951, p. 1-23.

7 De même, G. KRETSCHMAR, Die Konzile der alten Kirche : Die ökumenischen Konzile der Christenheit, hrsg. ; H. J. MARGUL, 1961, p. 17. Voir plus anciennement P. de LABRIOLLE, La crise montaniste, 1913, p. 30.

8 Voir EUSÈBE, Histoire Ecclésiastique, V, 16, 10, et V, 23, 2-3.

9 J. D. ZIZIOULAS, “The Development of Conciliar Structures to the Time of the First Ecumenical Coun-cil”, dans collectif : Councils and the Ecumenical Movement, Genève, C.O.E. (coll. WCC Studies, n° 5), 1968, p. 34-51.

10 À l’appui de la thèse défendue dans cette étude [note 9], à savoir que l’institution synodale est issue de la structure de l’Église locale, voir L. MORTARI, Consacrazione Episcopale e Collegialità, 1969. Cet ouvrage associe la genèse de l’institution synodale plutôt à la praxis de la consécration des évêques qu’à la place de l’évêque en tant que proéstos de la Divine Eucharistie. Sur le rapport des principes de l’institution synodale avec la vie de l’Église à l’époque du Nouveau Testament qui ne fait, toutefois, aucune mention particulière de la structure de l’Église locale, voir Em. LANNE, “L’origine des synodes”, in Theologische Zeitschrift, t. 27 (1971), p. 201-222.

11 Tout le texte est assez confus sur cette question. Au v. 12, alors qu’il était écrit auparavant (v. 6) que seuls « les apôtres et les presbytres » s’étaient assemblés, le texte ajoute subitement que « toute la foule a fait silence ». Que représente ici la « foule » ? S’agit-il de la foule des apôtres et des presbytres, en ce cas, l’usage du terme « foule » n’est plus spécialisé (foule = église locale) ou bien s’agit-il de l’Église locale et, ce cas, il y a contradiction avec le v. 6 qui parle de la synaxe des seuls « apôtres et presbytres » ?

12 On trouve également la variante « les apôtres et les presbytres et les frères », mais la plupart des interprètes préfèrent « les apôtres et presbytres, les frères », « les frères » renvoyant non pas à l’Église locale, mais aux « apôtres et presbytres ». Voir, par exemple, C. S. C. WILLIAMS, A Commentary on the Acts of the Apostles, (Black’s New Testament Commentary), 1957, p. 185.

13 Voir, sur cette question, G. KONIDARIS, Sur la prétendue différence des formes dans la situation du Christianisme primitif, Athènes, 21959 (en grec).

14 IGNACE, Philadelphiens, 8, 1 ; cf. Magnésiens, 6, 1, et Tralliens, 3, 1.

15 Voir explicitement le texte le plus proche de l’“Ecclésiologie d’Ignace”, venant du même lieu et datant des débuts du 3e siècle, dans l’oeuvre, la Didascalie des Apôtres syriaque, ch. 11 (éd. CONOLLY, p. 109-115).

16 TERTULLIEN, Apologétique, 39. Cet auteur mentionne de plus (voir De jejunio, 13, 6) et « des synodes » (concilia) des Églises « dans les régions helléniques », mais on ne sait pas avec certitude s’il s’agit de synaxes orthodoxes ou montanistes.

17 Cela ressort clairement de la description des premiers synodes par Eusèbe. Ainsi, en ce qui concerne les synodes qui se sont réunis en raison du montanisme : « En effet, les fidèles d’Asie se réunirent souvent à cette fin en de nombreux endroits de l’Asie ; ils examinèrent les discours récents et montrèrent qu’ils étaient profanes ; et, après avoir condamné l’hérésie, ils chassèrent ainsi de l’Église ses sectateurs et les retranchèrent de la communion » (Histoire Ecclésiastique, V, 16, 10 [S. C., t. 41 (II), p. 49]. Cf. aussi 28, 9 : « exclus de la communion »). De même, en ce qui concerne la querelle de Pâques : « Là-dessus, le proéstos de l’Église des Romains, Victor, entreprend de retrancher en masse de l’unité commune les chrétientés de toute l’Asie en même temps que les Églises voisines, comme étant hétérodoxes ; il publie par lettres [sa condamnation] et proclame que tous les frères de ces pays-là, sans exception, sont exclus de la communion » (Histoire Ecclésiastique, V, 24, 9 [S. C., t. 41 (II), p. 69]). Il n’est donc pas douteux que le but de ces premiers synodes était non pas de formuler un enseignement, ni même d’éliminer simplement les hérésies, mais de traiter la question de la communion eucharistique.

18 Cf. les canons 12 et 32 des Saints Apôtres.

19 Ce fait est des plus importants pour la thèse soutenue ici. Voir JEAN CHRYSOSTOME, “Sur les obscurités des prophètes, 2, 6”, in P. G., t. 56, col. 182. Voir IDEM, “Homélie sur la Première Épître aux Corinthiens, 27, 3”, in P. G., t. 61, col. 228 ; IDEM, “Homélie sur les premières Pâques 3, 2”, in P. G., t. 48, col. 864 ; IDEM, “Homélie sur la conversion”, in P. G., 49, col. 336. De même, JÉRÔME, “Epistula ad Heliodorum, 12”, in P. L., t. 22, col. 597.

20 Ainsi que le remarque pertinemment H. E. W. TURNER, The Pattern of Christian Truth, 1954, p. 357.


21 Pour l’analyse des sources relatives à cette question, voir J. D. ZIZIOULAS, L’unité de l’Église dans la divine Eucharistie et autour de l’évêque au cours de trois premiers siècles, Athènes, 1965, p. 87 et ss. (en grec). [Cet ouvrage existe également en français : Métropolite de Pergame JEAN (ZIZIOULAS), L’Eucharistie, l’Évêque et l’Église durant les trois premiers siècles (traduit du grec par Jean-Louis PALIERNE), Paris, Desclée de Brouwer (coll. Théophanie), 1994, 279 p. ; NdT].

22 Pour plus de précisions, voir J. D. ZIZIOULAS, “La communauté eucharistique et la catholicité de l’Égli-se”, in Istina, t. 14, n° 1 (1969), p. 67-88 [cf. IDEM, L’être ecclésial, Genève, Labor et Fides (coll. Per-spective orthodoxe, n° 3), 1981, p. 111-135 ; NdT].

23 Voir, entre autres, le 6e canon du IVe Concile oecuménique de Chalcédoine.

24 Contrairement, par exemple, aux habitudes apparues récemment chez les Églises pré-chalcédoniennes, qui utilisent aujourd’hui les termes d’ « évêque à l’instruction religieuse », d’ « évêque des affaires extérieu-res », etc. !

25 Voir Ham. ALIVIZATOS, L’Église orthodoxe hellénique, Athènes, Université d’Athènes, 1955, p. 72-73 (en grec), et L. STAN, “Concerning the Church’s Acceptance of the Decisions of Ecumenical Synods” in Councils and the Ecumenical Movement, dans collectif : Councils and the Ecumenical Movement, Genève, C.O.E. (coll. WCC Studies, n° 7), 1968, p. 68-75.

26 Par exemple, R. SOHM, Kirchenrecht I, 1892, p. 281 et ss., et N. AFANASSIEFF, “Le concile dans la théologie orthodoxe russe” in Irénikon, t. 35, n° 3 (1962), p. 320.

27 Il faut remarquer l’écart que l’on peut constater aujourd’hui par rapport à la praxis ancienne qui voulait que la cérémonie de la consécration de l’évêque fût célébrée dans la cathédrale de son éparchie, cette altération contribue à affaiblir la conscience du fait que l’évêque est investi (ce terme montre bien que la consécration est l’ « installation » sur le trône épiscopal de l’éparchie) tel, dans et par la divine Eucharistie dont il est lui-même le proéstos aussitôt après sa consécration, en présence de ses ouailles. (C’est d’ailleurs ainsi qu’est interprété l’acte par lequel l’évêque consacré devient le proéstos de la divine Eucharistie célébrée pendant son ordination). Une consécration d’évêque dans une autre épiscopie, sur un autre trône, dans une autre Église locale, etc., aurait été inconcevable dans les premiers siècles. La cérémonie de l’ « intronisation » ne peut, en aucun cas, remplacer la consécration comme « investiture » sur le syntrônon de sa cathédrale, c’est-à-dire sur sa « cathedra » épiscopale au moment de sa consécration.

28 CYPRIEN, Epistula 55 (52), 21, 2.

29 En l’an 341 ap. J.-C. ? Il s’agit probablement d’un autre Concile local d’Antioche, de date inconnue. Voir une bibliographie relative dans L. MORTARI, op. cit., p. 65 et ss.

30 Les historiens qui lient l’apparition des synodes, exclusivement ou principalement, à l’élection et à la con-sécration des évêques, commettent l’erreur d’ignorer ou de méconnaître d’autres sources, y compris le 5e canon du Ier Concile oecuménique. Dans la présente étude, nous avons choisi d’examiner les sources liant explicitement la naissance de l’institution synodale aux problèmes posés par la communion eucharistique et la concernant. Le point de vue le plus pertinent est que « les deux réalités (communauté eucharistique et consécration d’évêques) […] ne s’excluent pas l’une l’autre », comme raison de l’apparition et de la formation des synodes (J. KARMIRIS, op. cit., p. 654, note 2).

31 Il est remarquable que les synodes qui se sont tenus à l’époque de saint Cyprien semblent avoir été régis par le principe d’unanimité. Dans le 19e canon d’Antioche, il est fait mention du principe de majorité, uni-quement comme recours ultime, et à la condition que les mobiles des opposants soient vils et intéressés.

32 Voir Em. LANNE, op. cit.

33 Bien que ce canon soit utilisé en rapport avec ce qu’on appelle aujourd’hui l’ « autocéphalie » des Églises orthodoxes, il est évident que le terme de « nation » ne doit pas être entendu dans le sens des « nations » modernes, et sans aucune nuance de « nationalisme ».


34 Par conséquent, c’est à juste raison que les Églises orthodoxes ont aujourd’hui évité de caractériser a priori comme « oecuménique » le Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe en cours de préparation, bien que beaucoup aient l’intention de le désigner comme tel en temps voulu.

35 La position de la théologie catholique romaine aurait, bien entendu, été différente sur cette question, étant donné qu’elle part de la condition préalable que le « collège des évêques » (analogue au « collège des Apôtres » sous Pierre) constitue une structure supérieure, au-dessus des Églises locales (bien que, après Vatican II, non indépendamment des Églises locales). Le problème, pour les Orthodoxes, ne réside pas en ce que la théologie catholique romaine reconnaît un régime ecclésiastique « monarchique », tandis que les Orthodoxes ont un régime « collégial » et « démocratique » (comme, malheureusement, on le décrit habituellement), mais en la relation entre la direction synodale « collective » de l’Église et l’institution épiscopale ou l’Église locale. Par là, la conception moderne, qui est apparue au sein de l’Église catholique romaine, de collégialité de l’épiscopat nécessite bien des discussions avant d’être identifiée avec le concept orthodoxe de synodalité, et cela n’est pas seulement nécessaire du point de vue de la primauté papale.

36 Dans l’Église ancienne, la liberté de chaque évêque s’étendait jusqu’au droit de composer les prières de l’Anaphore eucharistique. Bien sûr, elle a été réduite, en raison de l’apparition d’hérésies, mais bien des traits fondamentaux de la vie de chaque Église locale relèvent de la juridiction de son évêque et il n’est pas concevable qu’ils soient réglés par un synode (par exemple, la chirotonie des prêtres, etc. Cf. 9e canon d’Antioche).

37 Par exemple, voir, au sujet de l’Église de Grèce, les articles relatifs à ces questions des Chartes statutaires publiées par le Métropolite de Kitros BARNABAS D. TZORTZATOS, La législation statutaire de l’Église de Grèce depuis la création du Royaume de Grèce, Athènes, Apostoliki Diaconia, 1967 (en grec). De même, IDEM, Les institutions fondamentales de l’administration de l’Église orthodoxe de Grèce, Athènes, Apostoliki Diaconia, 1977, p. 63, 65. De plus, en ce qui concerne l’Église de Chypre, voir IDEM, Les institutions fondamentales de l’Église autocéphale de Chypre, Athènes, Apostoliki Diaconia, 1974, p. 42, 79 et 85.

38 À ce sujet, voir le 5e canon du Ier Concile oecuménique, dont nous avons longuement parlé plus haut, qui précise que l’excommunication de la divine Communion, prononcée par l’évêque d’une Église locale, n’est valable qu’après décision du synode.

39 D’après saint Irénée, tous les évêques reçoivent le don de la vérité (Contre les Hérésies, IV, 26, 2).

40 Il faut remarquer que la théorie du Konziliarismus, apparue vers la fin du Moyen Age en Occident, pré-voyait le remplacement du Pape par le Synode, en tant que centre de l’unité de l’Église, sans nécessairement croire que l’Église est avant tout liée à chaque évêque et que ce n’est que par cette voie qu’on peut atteindre le synode. C’est pourquoi cette théorie s’éloigne du concept orthodoxe de synodalité.

41 De cette manière, l’institution synodale retourne à sa source, qui est aussi source et expression ultime de toute l’unité de l’Église, c’est-à-dire, dans la communion eucharistique. De même que, dans la divine Eu-charistie, le « Amen » du peuple de Dieu se trouve parmi les conditions sine qua non définissant la sub-stance ecclésiologique des actes célébrés (pour les Orthodoxes, il n’est pas permis que la divine Eucharistie soit dite par le prêtre seul), de même dans le système synodal, le consentement du peuple est indispensable. Il faut cependant souligner que l’autorité et la validité des décisions et actes synodaux ne prennent pas leur source dans le peuple (comme il advient dans la démocratie), mais en Dieu par l’intermédiaire des évêques dans la communion de l’Église.

42 IGNACE, Philadelphiens, 3, 1-2.

43 Voir la missio canonica catholique romaine, qui pose problème aux Orthodoxes, comme l’observe le catholique romain P. DUPREY, “The Synodical Structure of the Church in Eastern Orthodox Theology”, in One in Christ, t. 7 (1971), p. 173 et 176 et ss. Voir, sur cette question essentielle toutes les observations de PANTÉLÉÏMON RODOPOULOS (actuel Métropolite de Tyroloè et de Serention) sur la distinction faite par le Droit canonique catholique romain entre « pouvoir sacerdotal » (potestas ordinis) et « pouvoir juridictionnel » (potestas jurisdictionis), sur laquelle se fonde la missio canonica, c’est-à-dire que c’est le Pape qui accorde le pouvoir juridictionnel, après la consécration (L’Organisation hiérarchique de l’Église d’après la constitution de Vatican II au sujet de l’Église, Thessalonique, Sphakianakis, 1969, p. 30-31). Voir aussi STYLIANOS CHARKIANAKIS (actuel Archevêque d’Australie), La constitution de Vatican II au sujet de l’Église, 1969, p. 180-184.

44 Il faut remarquer qu’après Vatican II, le problème est de nouveau posé et reste ouvert pour la théologie catholique romaine. Cela constitue un élément positif pour l’ouverture d’un dialogue théologique entre Catholiques romains et Orthodoxes.

45 Entendons un droit directement attaché à la fonction épiscopale, comme l’est, par exemple, la synodalité. La question de savoir si l’Église, en élisant un évêque titulaire, a d’avance l’intention de lui confier des charges administratives, pouvant aussi être accomplies par des personnes autres que les évêques, est, en l’occurrence, sans importance.

46 Il est remarquable que la praxis du Patriarcat oecuménique a, de tout temps, séparé les évêques « en fonction » des évêques « titulaires », et cela, précisément en rapport avec le droit de partici-pation aux synodes. Cela prouve que cette question était, de tout temps, particulièrement sensible pour l’Église de Constantinople, alors même que l’institution des évêques titulaires et auxiliaires y avait déjà pénétré. Cette sensibilité doit être conservée, parce qu’elle préserve la conscience ecclésiologique ancienne concernant la nature de l’institution synodale. La conception selon laquelle les évêques titulaires et auxiliai-res peuvent participer à un Synode (voir, par exemple, le Métropolite de Philadelphie BARTHOLOMÉOS, “Remarques sur le Saint et Grand Concile à venir de l’Église orthodoxe”, in Hommages au Métropolite de Chalcédoine Méliton, 1977, p. 157 et ss.) conduirait en effet à la disparition de cette sensibilité ; elle poserait de plus un problème : comment peut-on exclure ces évêques de l’institution synodale existante tout en ayant droit de participer au Saint et Grand Concile [panorthodoxe] à venir ?

47 Voir Métropolite de Kitros BARNABAS D. TZORTZATOS, La législation statutaire de l’Église de Grèce depuis la création du Royaume de Grèce, Athènes, Apostoliki Diaconia, 1967, ouvrage qui contient toutes les Chartes statutaires de l’Église de Grèce.

48 Cette participation alternée de tous les évêques au synode, qui, autrefois, était de règle au Patriarcat de Constantinople, a été introduite dans l’Église de Grèce, sur demande expresse du Patriarcat oecuménique, au moment où elle est devenue autocéphale. Voir le Tomos patriarcal et synodal dans Métropolite de Kitros BARNABAS D. TZORTZATOS, op. cit., p. 21 ; de même, IDEM, Les institutions fondamentales de l’administration de l’Église orthodoxe de Grèce avec aperçu historique, Athènes, Apostoliki Diaconia, 1977, p. 23.

49 Le terme d’« Église locale » est toujours utilisé, dans la présente étude, dans le sens d’épiscopie. Par conséquent, l’avis d’une « Église locale » dans le sens d’Église autocéphale, ne suffit pas, s’il s’agit, pour elle, de contourner l’avis d’un évêque.

50 Cela est particulièrement vrai pour les représentants de l’Église de Rome dans les anciens synodes, étant donné que Rome était considérée comme le représentant de toutes les Églises en Occident.

51 Il faut toutefois souligner que, pour que le synode prenne tout son sens, il est bon que le plus grand nombre possible d’évêques y participe, cela pour des raisons formelles-canoniques, mais aussi pour des raisons spirituelles et théologiques plus profondes. Ainsi, canoniquement, il n’est pas fortuit que les anciens canons aient imposé aux évêques leur participation aux synodes, en menaçant les contrevenants d’une peine des plus sévères (voir, par exemple, 19e canon du IVe Concile oecuménique et 40e canon du Concile local de Laodicée). Cela est dû au fait que les synodes expriment la communion de toutes les Églises. D’ailleurs, il faut tenir compte de ce qui suit : a) L’événement synodal, dans son essence et son issue ultime, se réalise sous l’égide du Saint Esprit et, par conséquent, il n’est pas possible de prévoir a priori les décisions d’un synode et de donner « procuration » à certains évêques pour qu’ils traitent des questions dont s’occupent d’autres évêques. b) C’est précisément pour cette raison que se réunit le synode : il évite que la commu-nication entre évêques se fasse par correspondance ou par d’autres moyens. Si la présence physique des évêques n’était pas indispensable, l’institution synodale serait inutile dans son ensemble. c) De ce fait il s’impose que nul évêque et nulle Église autocéphale n’arrivent au synode avec des décisions prises d’avance — en dehors de leur préparation normale — mais avec l’esprit et le coeur ouverts au souffle du Saint Esprit, Qui peut conduire l’Église sur des voies totalement imprévues par l’intermédiaire d’un événement synodal.

52 Des précédents historiques, qui se sont produits dans l’Empire byzantin, ne doivent pas être mêlés au Droit Canon, comme s’il s’agissait de principes permanents de caractère ecclésiologique et canonique. L’éventuelle implication des empereurs byzantins dans la convocation ou la présidence des anciens synodes a une importance seulement historique, non ecclésiologique ou canonique, étant donné que l’Église a vécu et vit encore l’institution synodale, indépendamment de l’existence ou non d’un empereur orthodoxe. Ainsi, en ce qui concerne les synodes locaux, le droit de les convoquer et de les présider appartient au protos de cette région. En ce qui concerne un Concile oecuménique, cela appartient au protos, qui, selon le système de l’Église ancienne, est l’évêque de Rome. Pour l’Église orthodoxe d’Orient, en particulier, « après le schisme, il ne reste aucun doute que [le protos] est l’évêque de Constantinople », ainsi que le Métropolite de Sardes MAXIMOS le déduit pertinemment de l’étude des sources, Le Patriarcat oecuménique dans l’Église orthodoxe, Thessalonique, Institut Patriarcal d’Études Patristiques, 1972, p. 350. [Cet ouvrage existe également en français : IDEM, Le Patriarcat oecuménique dans l’Église orthodoxe (Étude historique et canonique, traduit du grec par Jacques TOURAILLE), Paris, Beauchesne (coll. Théologie historique, n° 32), 1975, 422 p. Le même a été aussi traduit en anglais ; NdT]. En conséquence, le droit canonique de convoquer et de présider un synode de toute l’Église orthodoxe d’Orient appartient incontestablement à l’évêque de Constantinople. Voir plus en détail, dans Métropolite de Philadelphie BARTHOLOMÉOS, op. cit., p. 147-157.

53 Ainsi que le remarque pertinemment le Métropolite de Sardes MAXIMOS (op. cit., p. 351-2), le « protos », dans l’Orthodoxie, agit « toujours à la condition fondamentale et indispensable de ne jamais porter atteinte, d’une part, au principe de synodalité et de collégialité pour les responsabilités de l’Église, et, d’autre part, au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Églises, ces deux principes étant les deux principes canoniques fondamentaux de la haute administration ecclésiastique, tels qu’ils ont été expri-més et formulés dans le 2e canon du IIe Concile oecuménique » ; autrement dit, le « protos » agit « dans des questions ecclésiastiques d’ordre plus général, et toujours en collaboration avec les autres patriarches ».

54 C’est à juste titre que le Métropolite de Philadelphie BARTHOLOMÉOS qualifie cette pratique d’ « amo-rale », voir IDEM, op. cit., p. 157, de cette étude.

55 « Car la concorde régnera ainsi et Dieu sera glorifié par le Christ dans l’Esprit Saint, le Père, le Fils et le Saint Esprit ».

56 Voir J. N. KARMIRIS, op. cit., p. 521. Voir également, en rapport avec l’importance ecclésiologique du dogme de la Sainte Trinité, dans Métropolite de Sardes MAXIMOS, op. cit., p. 4 et ss.


Cher Jean-Louis, pouvez-vous, s'il vous plaît, publier sur ce forum un extrait du livre "L’Eucharistie, l’Évêque et l’Église durant les trois premiers siècles", qui traite des "débuts de l’institution synodale" et que Mgr. Zizioulas n'a pas jugé "nécessaire de répéter ici, dans tous ses détails..." ?
Stephanopoulos
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