Jean-Louis Palierne a écrit :On ne peut, ni négliger les différends doctrinaux sous prétexte que nous ne saurions pas où l’Église n’est pas (sous-entendu ; donc elle ne saurait avoir de limites), ni dramatiser l’attitude des leaders en pensant qu’ils ont réussi à créer une “autre Église”, c’est-à-dire une pseudo-église et entraîné avec eux la masse des chrétiens ex-orthodoxes qu’ils ont réussi à duper. Ce phénomène d’entrainement s’est effet produit en Occident, où les chefs des schismes et hérésies latines ont réussi à créer un nouveau type d’hommes et une structure pseudo-ecclésiale (et encore il y aurait beaucoup de réserves à faire, mais on en a déjà abondamment parlé). Mais l’expérience montre que ça n’a pas été le cas dans les Églises anti-xhalcédoniennes, qui s’obstinent à répéter des phrases condamnées et à vénérer des maîtres anathématisés. Mais ils ne sont pas parvenus (et d’ailleurs jamais vraiment tenté) de condtruire un autre type d’homme, vicant dans un autre type d’Église. C’est pourquoi l’Église orthodoxe, tout en maintenant ses condamnations et tout en réaffirmant ses anathèmes, a adopté à l’égard de leurs fidèles, lorsqu’ils viennent rejoindre l’Église orthodoxe, une attitude très compréhensive, qui équivaut à considérer que les querelles dogmatiques avec les anti-chalcédoniens ne sont que des querelles de chefs.
Combien sage était cette réflexion de notre frère Jean-Louis Palierne d'éternelle mémoire!
En effet, d'un côté on ne voit, à vue humaine, aucun espoir d'union entre les Églises "monophysites" et l'Orthodoxie, d'un autre côté, il est aussi réjouissant de voir à quel point leurs fidèles, lorsqu'ils fréquentent nos paroisses, ont les mêmes réflexes et les mêmes attitudes que nous: Jean-Louis avait raison de dire que ces "hérésies"-là, contrairement à la Papauté, n'avaient pas eu pour but de "construire un autre type d'homme, vivant dans un autre type d’Église".
Exemple observé dans une paroisse d'une région rurale de mon pays, avec un prêtre autochtone qui a eu beaucoup à lutter pour y reconstruire une vie liturgique normale après les ravages faits par d'éternels mécontents, qui furent vieux-calendéristes un jour et monophysites le lendemain. Les Serbes, qui constituent l'écrasante majorité des orthodoxes nominaux loin à la ronde, ne viennent pas: les bienveillants disent qu'ils vont dans les grandes villes, là où il y a des églises russes; les neutres que le titisme les a trop déchristianisés; les mauvaises langues qu'on leur dit de ne fréquenter que les paroisses de leur ethnie. Les autochtones ne sont pas très nombreux et ne le seront pas avant longtemps: c'est le syndrome québécois; la région connaissait encore en 1960 un catholicisme qui prétendait régenter toute la société; les masses ont rejeté le bébé avec l'eau du bain, et sont désormais vaccinées contre le christianisme. Alors qui a longtemps constitué le noyau dur de la paroisse? Une poignée de réfugiés de la Corne de l'Afrique, "monophysites", mais avant tout chrétiens fervents. Semaine après semaine, ils sont là, les femmes drapées dans leurs grands voiles blancs, les hommes portant parfois des chemises brodées qui doivent remonter à un très lointain passée biblique. Et, curieusement ou pas, ils préfèrent aller à la chapelle orthodoxe avec laquelle leur Église n'est pas en communion, que dans la chapelle, presque voisine, d'une ecclésiole issue des
episcopi vagantes qui se revendique pourtant de la foi "monophysite". Depuis quelques années, les Roumains et les Grecs ont commencé à arriver dans cette région où on ne les voyait pas il y a encore cinq ans; les réfugiés "monophysites" de la Corne de l'Afrique ne représentent plus que le quart de l'effectif de la paroisse orthodoxe, mais, il y a encore trois ans, ce devait être la moitié. L'intégration se fait facilement: les adultes n'ont pas l'habitude de communier et ne se posent donc pas la question de savoir si leur Église d'origine est en communion avec nous ou pas ; quant à leurs enfants, ils les ont fait baptiser par le prêtre orthodoxe. Cette osmose que nous observons à la base, nous ne pourrions pas l'observer avec des luthériens ou des uniates ou que sais-je encore; elle montre à quel point l'observation de Jean-Louis Palierne était judicieuse; tout se passe en effet comme si "les querelles dogmatiques avec les anti-chalcédoniens n'étaient que des querelles de chefs".