Théologie trinitaire et christologie

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Antoine
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Message par Antoine »

Pour le nombre trois, voici la citation que je cherchais:
Elle est empruntée à Vladimir Lossky, Essai sur la théologie mystique de l'Eglise d'Orient ed du cerf Coll. Foi Vivante, p 46-47.
Trois, -- « ce mot unit des choses unies par nature et ne laisse point disperser les inséparables par un nombre qui sépare» , dit saint Grégoire de Nazianze. Deux est le nombre qui sépare, trois -- le nombre qui dépasse la séparation : le un et le multiple se trouvent rassemblés: et circonscrits dans la Trinité. « Lorsque je nomme Dieu, je nomme le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Non pas que je suppose une divinité diffuse, — ce serait ramener le trouble des faux dieux ; non pas que je suppose la divinité recueillie en un seul, — ce serait la faire bien pauvre. Or je ne veux ni judaïser à cause de la monarchie divine, ni helléniser à cause de l'abondance divine » ». Saint Grégoire de Nazianze ne cherche pas justifier la trinité des personnes devant la raison humaine ; il laisse voir simplement l'insuffisance d'un nombre autre que trois. Mais on peut se demander si l'idée du nombre peut s'appliquer à Dieu, si on ne. soumet pas la divinité à une détermination extérieure, à une forme propre à notre entendement, celle du nombre trois ? Saint Basile répond à cette objection : « Nous ne comptons pas en composant, allant de l'un au multiple par augmentation, disant un, deux, trois, ou le premier, le second., le troisième. Car je suis le Dieu premier et Je suis plus que cela (Is. XLIV, 6). Jamais jusqu'à ce jour on n'a dit : le second Dieu, -- mais adorant le Dieu de Dieu, confessant l'individualité des hypostases sans diviser la nature en multitude, nous demeurons dans la monarchie.(1) » En d'autres termes, il ne s'agit pas ici du nombre matériel qui sert à calculer et n'est nullement applicable dans le domaine spirituel où il n'y a pas d'accroissement quantitatif. En particulier, quand il se rapporte aux hypostases divines indivisiblement unies et dont l'ensemble (« la somme », pour nous exprimer d'une manière impropre) ne fait toujours qu'unité, 3 = 1, le nombre trine n'est pas une quantité comme nous l'en-tendons habituellement : il exprime l'ordre ineffâble dans la divinité.


1. Liber de Spirite Sancto, § 45, P. G., t. 32, col. 149 B ;— Th. De Régnon, I, 98.
A suivre...
Dernière modification par Antoine le jeu. 08 nov. 2007 12:10, modifié 1 fois.
Antoine
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Message par Antoine »

Bertrand a écrit :5- Que pensez vous de cet énoncé ?
« Si le Père est le Source et l'Origine de TOUTE la Divinité, et que le Fils doit sa Gloire et SA DIVINITE à son Père, alors le Père est plus grand que lui car c'est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré. »
Oui ce que vous dîtes à propos de Jn14.28 (le Père est plus grand que moi) est juste. Le verset entier dit ceci:
« Vous l'avez entendu, je vous ai dit: "Je m'en vais et je viens à vous". Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père, car le Père est plus grand que moi»

Cette grandeur ne concerne aucunement des rapports de quantité, de puissance ou de dignité mais qualifie la cause, le principe. Et il faut la replacer dans le contexte général de l'Ecriture qui exprime toujours l'égalité du Fils et du Père.
Voici par exemple des éléments du contexte scripturaire qui doivent toujours être mis en relation avec cette citation de Jn 14.28 (Ma classification avec les titres en italiques est sommaire et demanderait à être retravaillée d'une façon plus théologique et plus fournie. Mais je la livre telle quelle pour avancer dans cette réponse à vos questions.)


- Voir le Fils = voir le Père

Jn12.45 et celui qui me voit, voit aussi celui qui m'a envoyé.

Jn14.9 Jésus lui dit: «Je suis avec vous depuis si longtemps, et cependant, Philippe, tu ne m'as pas reconnu! Celui qui m'a vu a vu le Père. Pourquoi dis-tu: "Montre-nous le Père"?

- Identité de puissance

Jn17.10 et tout ce qui est à moi est à toi comme tout ce qui est à toi est à moi.

- Consubstantialité

Jn10.30 Moi et le Père nous sommes un».

He1.3 Ce Fils est resplendissement de sa gloire et expression de son être.
(La bible de Jérusalem traduit ainsi: « Resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance »
Et explique en note:
Ces deux métaphores empruntées à la théologie alexandrine de la Sagesse et du Logos, Sg 7 25-26, expriment l'identité de nature entre le Père et le Fils autant que la distinction des personnes. Le Fils est le «resplendissement» ou le reflet de la gloire lumineuse (cf. Ex 24 16+) du Père, Lumen de Lumine. Et il est «l'effigie», cf. Col 1 15+, de sa substance, comme l'empreinte exacte que laisse un sceau, cf. Jn 14 9. )


Ph2.6 lui qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu.

Jn1.1 Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu.


- Identité de dignité

Jn5.23 afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n'honore pas le Fils, n'honore pas non plus le Père qui l'a envoyé.


- Les juifs d'ailleurs ne s'y sont pas trompés et trouvaient cette identité affichée blasphématoire. La notion même de "Père" sonnait à leurs oreilles comme une autoproclamation de divinité

Jn5.18 Dès lors, les Juifs n'en cherchaient que davantage à le faire périr, car non seulement il violait le sabbat, mais encore il appelait Dieu son propre Père, se faisant ainsi l'égal de Dieu.



- Ainsi le "plus grand que moi " exprime la monarchie du Père, principe et unité de la trinité.Et ceci est présent dès l'ancien testament.

Ps 2.7 Je publierai le décret: le SEIGNEUR m'a dit: «Tu es mon fils; moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.
Jean-Mi
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Message par Jean-Mi »

Emmanuel a écrit :
Pascal-Yannick a écrit :Je suis a la recherche de La Mystagogie du Saint Esprit de saint Photius.Il semble ne plus etre disponible en francais,pourriez vous me dire ou je pourrai le trouver en anglais?Il en est de meme de L'Eucharistie,l'Eveque et l'Eglise durant les trois premiers siecles du metropolite Jean ZIZIOULAS.
Comme vous, je n'ai pas réussi à mettre la main sur une version française de ces livres.
Je me suis procuré l'ouvrage du metropolite Jean à la librairie en ligne du seminaire grec de Holy Cross (USA) qui l'edite en anglais.

http://store.holycrossbookstore.com/1885652518.html

Apparemment, ils proposent egalement la Mystagogie du Saint Esprit :

http://store.holycrossbookstore.com/091658688x.html

Dans la Vie de saint Photius que je viens de publier ici :

http://stmaterne.blogspot.com/2008/02/v ... he-de.html

j'ai rajouté le lien pour la version disponible en ligne, en anglais:

http://www.geocities.com/trvalentine/or ... agogy.html

j'ai posté une traduction de ses épitomes à sa Mystagogie ici:
http://stmaterne.blogspot.com/2008/02/p ... saint.html
mais toujours pas trouvé de relecteur dans mon entourage..

mon grec remonte à trop loin pour pouvoir le faire, mais si d'aventure j'attaquais un jour la traduction de ce texte dense et si important qu'est la Mystagogie complète, il faudra bien que je me trouve un relecteur ayant le texte grec sous la main. C'est trop délicat et important et précis pour risquer une traduction "sans filet"

sainte fin de semaine
Jean-Mi
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Comme je relis ce fil que je n’avais pas pu approfondir, il me vient quelques réflexions.

Tout d’abord, mon cher Bertrand, les conciles n’ont pas traité de tout. Ils furent réunis quand un problème se présentait, soit théologique soit canonique, afin de le résoudre dans la concorde. Une formulation qui ne pose question à personne ne risque pas de se voir mettre à l’ordre du jour d’un concile. Mais pour ce qui est de la formule : « Le Père engendre le Fils de toute éternité », c’est le cœur même du concile de Nicée contre l’arianisme, l’un des piliers du homoousios et je me souviens l’avoir lu sous cette forme et avec cette référence dans le catéchisme catho romain de mon enfance à l’usage des enfants des écoles*. Ce fut même ma première expérience de la difficulté qu’éprouve un être humain vivant dans le temps pour se représenter l’éternité. C’est peut-être d’ailleurs la seule formule commune à l’Eglise orthodoxe et à l’Eglise romaine en ce qui concerne la théologie trinitaire, la seule qui n’est pas gauchie par le filioque.

Quand vous dites : « On sait que Dieu a une seule nature divine mais « exprimé » en trois hypostases : Père/Fils/Esprit-Saint. » , vous faites exactement l’erreur d’Augustin. Vous mettez en avant la nature divine comme si c’était le donné ontologique premier, dominant, après quoi on peut effectivement pinailler à l’infini : pourquoi 3 hypostases et pas 5 ou 10 000 ? Cela revient à faire des personnes ou hypostases divines de simples aspects, de simples expressions de l’unité fondamentale. Cela revient aussi à soumettre Dieu à sa propre nature comme Jupiter au Fatum. On pourrait imaginer, même si une telle science est hors de notre portée d’hommes, qu’une intelligence supérieure puisse dégager les lois internes de la nature divine, lois auxquelles les personnes divines seraient contraintes d’obéir puisque inscrites dans leur nature. Comment alors un Dieu non libre pourrait-il être donateur de liberté ? Augustin s’est pris les pieds en permanence dans ces contradictions et c’est la source même des hérésies de Rome.
Quand nous disons que le Père est source, il faut l’entendre aussi comme source infiniment libre de la nature divine. Comment, sous quel mode ? Désolée, la comprenette humaine n’est pas assez subtile et vaste pour l’aborder, et les catégories aristotéliciennes particulièrement inadaptées. Mais c’est pourquoi la foi orthodoxe pose d’abord les hypostases divines dans sa contemplation. Quand le Christ enseigne ses disciples, mais c’est déjà vrai des prophètes d’Israël, il ne fait pas un cours magistral sur la nature divine comme Parménide sur le sphairos, il nomme les hypostases, il nomme le Père, il nomme l’Esprit. Et n’oubliez pas les premiers pas de la révélation. Avec Abraham, Dieu parle de personne à personne. Genèse 12, 1. « Le Seigneur dit à Abram : » Direct, pas de fioriture, pas de dissertation. Et Genèse 18, 1-3. « Le Seigneur apparut à Araham (…) il aperçut trois hommes debout près de lui (…) il se prosterna et dit : Mon Seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux… » Avec Moïse, dans le buisson ardent, Exode 3, 4-6. Dieu appelle : « Moïse ! Moïse ! » puis se nomme : « Je suis le Dieu de ton père, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. » Et que demande Moïse au verset 13 ? Ce qu’est ce Dieu ? Non, QUI il est, « Quel est son nom ? » Toujours le registre interpersonnel.

Tous les versets sur le Fils qui serait sorti « à un moment donné » illustrent parfaitement… notre difficulté à penser ce qui est hors du temps. L’éternité n’est pas un temps infini. Elle semble n’être même pas identique à ce que les physiciens nomment l’ailleurs, où le temps est du genre espace et peut être appréhendé comme un paysage. D’abord parce que le cône de Minkowski n’est qu’un modèle – approximatif comme tous les modèles. Quand on lit ce qui a été écrit de plus intelligent à partir de ce modèle, cela décrit peut-être l’univers angélique mais pas ce que nous apprend de Dieu la révélation des Evangiles. L’éternité transcende le temps, qu’il se manifeste du genre temps ou du genre espace !


*Quand il y avait encore dans l’Eglise de Rome un catéchisme transmettant des données théologiques, ce qui ne nous rajeunit pas.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
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