thierry55 a écrit :Après trois tentatives promptement effacées de formuler, à votre invitation, un témoignage, je me rends compte qu' il n'est pas décent de témoigner de son expérience personnelle.Je vais donc témoigner de ce forum, de ce qu' il m' a apporté. Depuis mon inscription,j' ai relu et lu beaucoup de choses .Je dirais que ce corpus est nettement "apophatique", il détaille beaucoup ce que n' est pas l' orthodoxie. Pour qui a connu une traversée pénible, on y retrouve d' autres témoignages , d' autres faits qui vous permettent de faire recoupements et part des choses. On y a aussi des réserves sur des remarques à l' emporte pièce. L' ensemble dessinerait un horrible dessous du panier de crustacés ecclésiastiques à qui vous hésiteriez à confier vos ennemis. Même en écartant les "écclesioles" et les vagants, l' avenir local semble indéchiffrable, entre les mains d' Eglises Mères soeurs mais toujours un peu (c'est un euphémisme) rivales, veillant à rassembler jalousement leurs troupeaux dans un climat de paupérisation mondialisée, souffrant cependant la présence d' autochtones qui gardent un air de parasites .Encore en vous lisant,et en en lisant d' autres, on entrevoit à l' horizon une crise des traditions et des langues qui résisterait à une hypothétique fondation locale et une.On ne peut avoir partout une nef avec un dialecte et une crypte avec un autre, l' immobilier est trop cher...Comme vous y faisiez allusions dans un article sur l' Amérique,peut-être devrions nous songer à tout traduire en anglais, la langue mainstream , tout le monde partageant fraternellement une même frustration ?
Certains semblent regretter un fléchissement de participation sur ce forum.Sans légitimité aucune ni érudition, je peux prudemment me risquer à y participer...
Voilà un message très riche qui provoque beaucoup de réflexions!
En ce qui me concerne - et uniquement en ce qui me concerne, car je n'ai pas la prétention de parler autrement qu'en mon nom -, je pense que, quelque soit la situation des Eglises locales, et tout en admettant que nous avons d'une manière générale des hiérarchies très en-dessous de toutes les attentes, fussent-elles modestes, il faut à tout prix se tenir à l'écart des ecclésioles, des vagants et des dissidents, parce que c'est un milieu où il n'existe aucune forme de discipline et où tout - absolument tout - est possible.
En ce qui concerne les Eglises locales, il y aurait une longue paraphrase de votre message à faire, en laissant de côté les Eglises qui ne sont pas présentes en Europe occidentale, soit parce qu'elles ont (contrairement à toutes les autres!) une vision claire de ce qu'est leur territoire (Alexandrie, Albanie, Finlande, Estonie, Japon, Amérique), soit parce qu'elles sont à l'agonie (Jérusalem), soit parce qu'elles n'ont pas les moyens de leurs ambitions (Géorgie, Pologne, Tchécoslovaquie), soit parce qu'elles se tiennent prudemment à l'écart de tout ce qui se passe ici en vertu d'accords passés il y a longtemps avec le patriarcat oecuménique (Grèce, Chypre). Au fond, ce qui nous intéresse, c'est l'attitude des seules Eglises locales qui sont présentes en Europe occidentale, à savoir les patriarcats de Constantinople, Antioche, Moscou, Serbie, Roumanie et Bulgarie.
Laissons de côté le patriarcat de Moscou parce qu'il est dans une situation sociologique et géopolitique différente de toutes les autres Eglises locales. Je sais d'expérience que toute tentative d'organisation durable de l'Orthodoxie en Europe occidentale se heurtera toujours à l'opposition de Moscou qui est toujours dans son rêve d'un Yalta ecclésiastique avec le Vatican et qui soutient à propos de l'Europe occidentale des positions qui n'ont aucun fondement spirituel et dont Jean-Claude Larchet a souligné l'inanité mieux que je pourrais le faire. Peu importe que la stratégie de Moscou soit à ce point-là peu en adéquation avec la réalité en Europe occidentale qu'elle heurte même d'anciens citoyens soviétiques qui, vivant en Europe occidentale, voudraient conserver leur foi et faire la distinction entre religion et nationalité. En effet, le patriarcat de Moscou est la seule Eglise locale qui - toujours d'un point de vue purement sociologique - pourrait perdre toute son émigration (au demeurant fort modeste en proportion de la population restée au pays) sans en subir la moindre conséquence. Allons plus loin: le patriarcat de Moscou pourrait même perdre la Biélorussie, la Moldavie et l'Ukraine, sans être touché dans ses forces vives. Son territoire canonique incontesté - incontesté depuis que l'urbanisation a réduit à fort peu de choses la dissidence des Vieux-Croyants - représente une force dont ne dispose aucune autre Eglise locale. La Russie est immense, très peuplée - avec une tendance qui, sur quelques générations, fera passer la population de confession orthodoxe des 20% qu'elle représentait sous le communisme à 60 ou 70%, ce qui veut dire que les cent millions de baptisés seront atteints un jour ou l'autre -, en plein renouveau culturel (et pour ne même pas parler de la puissance économique, à première vue secondaire d'un point de vue religieux, mais qui a tout de même l'utilité de fournir à l'Eglise les moyens nécessaires pour l'édition, la construction d'églises, etc.), et, de plus, constitue une civilisation à part entière, ce qui peut expliquer, sans entièrement la justifier, la totale indifférence de son Eglise locale face à l'éventuelle résurrection de l'Orthodoxie en Europe occidentale. On peut sans peine concevoir que le patriarcat de Moscou ait d'autres centres d'intérêt.
Plus inexplicable est l'attitude des autres Eglises locales représentées en Europe occidentale, pour qui la situation ici et maintenant implique de tout autres enjeux. Et c'est vraiment ces Eglises - celles auxquelles appartiennent la plupart des participants au présent forum - qui connaissent ce que vous appelez si joliment la "paupérisation mondialisée".