Saint Grégoire de Narek - Eglise en Arménie

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Claude le Liseur
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Re: Saint Grégoire de Narek - Eglise en Arménie

Message par Claude le Liseur »

Nikolas a écrit :N'ayant toujours pas eu de réponse à mon précédant message, j'en conclu malheureusement que personne n'est en mesure de me répondre.

Je voudrais aussi poser deux questions à Claude:

Lorsque vous utiliser l'expression "Eglise arménienne grégorienne", dans votre message du 31 Oct 2006 9:09 de ce fil ou encore dans le très intéressant fil "De l'Albanie du Caucase à l'Albanie des Balkans", vous entendez par là Eglise apostolique Arménienne actuelle ?
Claude le Liseur a écrit :J'ai moi-même été pendant près de neuf ans un partisan acharné de la déclaration de Chambésy et de l'union avec les Eglises anciennes orientales. Plus j'ai progressé dans ma connaissance du dossier, plus j'ai déchanté. Et il y a d'autres problèmes que la christologie.
Je suis moi même actuellement très intéresser par ces questions, ayant été pendant plusieurs années passionnés par l'histoire et la vie de l'Eglise d'Ethiopie entre autres. Mais je connais mal les questions théologiques à ce sujet.
Peut être auriez des conseils de lecture à me donner sur le sujet?
Ou pourriez vous faire une analyse de la question sur le forum?

J'ai remarqué que dans le dernier ouvrage de Jean CLaude Larchet, Personne et nature, La Trinité - Le Christ - L’homme , collection « Théologies », Ed. Cerf, il y avait un article sur les fondements et la nature du monophysisme de l’Église arménienne.
Mais ce genre d'article peut il s'appliquer à la théologie des autres églises non-chalcédoniennes?
1re question: oui, "arménien grégorien" est une autre manière de dire "arménien apostolique".
2e question: le texte de Larchet qui avait été publié dans le Messager orthodoxe; le livre de Nina Garsoïan; les monographies qui existent sur chacune de ces Eglises (notamment dans la collection Fils d'Abraham).
3e question: entre nous, je doute fort que l'Eglise apostolique arménienne ait encore une théologie dogmatique. Je pense donc que ce qui concerne l'Eglise arménienne ne s'applique pas aux autres Eglises non-chalcédoniennes, qui peuvent au moins se référer à Sévère d'Antioche et qui me semblent dès lors avoir une position plus solide et moins sujette à variations circonstancielles.
Nikolas
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Re: Saint Grégoire de Narek - Eglise en Arménie

Message par Nikolas »

Nikolas a écrit :J'ai remarqué que dans le dernier ouvrage de Jean CLaude Larchet, Personne et nature, La Trinité - Le Christ - L’homme , collection « Théologies », Ed. Cerf, il y avait un article sur les fondements et la nature du monophysisme de l’Église arménienne.
Ce dernier ouvrage du docteur Larchet doit reprendre je pense les articles publiés dans le Messager Orthodoxe que vous évoqué, car dans la recension sur Orthodoxie.com, l'on peut lire entre autres:
Il reprend ses deux études célèbres sur « La question du Filioque » et « La question christologique. À propos du projet d’union entre l’Église orthodoxe et des Églises non chalcédoniennes », après les avoir actualisées en fonction des publications et déclarations parues depuis leur première édition jusqu’à cette année.
La deuxième étude est complétée par une étude, précédemment parue dans la revue de l’Académie théologique de Moscou mais encore inédite en français, sur les fondements et la nature du monophysisme de l’Église arménienne ».
[...]
http://www.orthodoxie.com/2011/12/-pers ... rchet.html
Je précise aussi que l'on peut lire sur le lien ci-dessous une brève vie de St Grégoire de Narek:
http://orthodoxie.centerblog.net/642853 ... 25-fevrier
Nikolas
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Re: Saint Grégoire de Narek - Eglise en Arménie

Message par Nikolas »

Dimanche 30 Décembre, l'emission Chrétien d'Orient (en général consacrée aux églises uniates) était consacré à l'Eglise Apostolique d'Arménie. Elle n'est hélas visible que durant encore 2 jours.
http://pluzz.francetv.fr/videos/orthodoxie.html
Y sont présenter notamment quelques lieux importants de l'Eglise d'Arménie, dont la fosse où fut jetter st Grégoire, ainsi que des reliques importantes, ou encore des évènements marquants comme la consécration du myrrhon.

L'une des reliques présentée est un bras reliquaire du saint apôtre Thadée (d'après le doc ci-dessous) ou Ananias (d'après le clerc arménien le présentant), que l'on peut apercevoir ici (hélas de dos)
http://www.spectacles-selection.com/arc ... isuels.htm
A la 18-19e minute, la question du présentateur de l'émission est, que signifie le signe des doigts de la main représentée. (Il s'agit de la positionner des doigts lorsqu'un clerc bénit).
Le clerc arménien lui répond : C'est le signe de bénédiction. Les trois doigts levés (index, majeur, auriculaire) signifie la Sainte Trinité, et les deux doigts joints (pouce et annulaire) représente l'union des deux natures du Christ.

Décidement c'est a rien y comprendre dans cette Eglise, entre ceux qui se réclame du monophysisme (comme le montre J.C Larchet dans Personne et nature, La Trinité - Le Christ - L’homme , collection « Théologies », Ed. Cerf, article sur les fondements et la nature du monophysisme de l’Église arménienne.) et ceux qui confesse le dogme Chalcédonien (du moins en apparence), il y a de quoi si perdre.
Eglise apostolique arménienne - monophysite ? - Orthodoxe ? - Dieu seul sait ???
Claude le Liseur
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Re:

Message par Claude le Liseur »

Jean-Louis Palierne a écrit :On ne peut, ni négliger les différends doctrinaux sous prétexte que nous ne saurions pas où l’Église n’est pas (sous-entendu ; donc elle ne saurait avoir de limites), ni dramatiser l’attitude des leaders en pensant qu’ils ont réussi à créer une “autre Église”, c’est-à-dire une pseudo-église et entraîné avec eux la masse des chrétiens ex-orthodoxes qu’ils ont réussi à duper. Ce phénomène d’entrainement s’est effet produit en Occident, où les chefs des schismes et hérésies latines ont réussi à créer un nouveau type d’hommes et une structure pseudo-ecclésiale (et encore il y aurait beaucoup de réserves à faire, mais on en a déjà abondamment parlé). Mais l’expérience montre que ça n’a pas été le cas dans les Églises anti-xhalcédoniennes, qui s’obstinent à répéter des phrases condamnées et à vénérer des maîtres anathématisés. Mais ils ne sont pas parvenus (et d’ailleurs jamais vraiment tenté) de condtruire un autre type d’homme, vicant dans un autre type d’Église. C’est pourquoi l’Église orthodoxe, tout en maintenant ses condamnations et tout en réaffirmant ses anathèmes, a adopté à l’égard de leurs fidèles, lorsqu’ils viennent rejoindre l’Église orthodoxe, une attitude très compréhensive, qui équivaut à considérer que les querelles dogmatiques avec les anti-chalcédoniens ne sont que des querelles de chefs.

Combien sage était cette réflexion de notre frère Jean-Louis Palierne d'éternelle mémoire!

En effet, d'un côté on ne voit, à vue humaine, aucun espoir d'union entre les Églises "monophysites" et l'Orthodoxie, d'un autre côté, il est aussi réjouissant de voir à quel point leurs fidèles, lorsqu'ils fréquentent nos paroisses, ont les mêmes réflexes et les mêmes attitudes que nous: Jean-Louis avait raison de dire que ces "hérésies"-là, contrairement à la Papauté, n'avaient pas eu pour but de "construire un autre type d'homme, vivant dans un autre type d’Église".
Exemple observé dans une paroisse d'une région rurale de mon pays, avec un prêtre autochtone qui a eu beaucoup à lutter pour y reconstruire une vie liturgique normale après les ravages faits par d'éternels mécontents, qui furent vieux-calendéristes un jour et monophysites le lendemain. Les Serbes, qui constituent l'écrasante majorité des orthodoxes nominaux loin à la ronde, ne viennent pas: les bienveillants disent qu'ils vont dans les grandes villes, là où il y a des églises russes; les neutres que le titisme les a trop déchristianisés; les mauvaises langues qu'on leur dit de ne fréquenter que les paroisses de leur ethnie. Les autochtones ne sont pas très nombreux et ne le seront pas avant longtemps: c'est le syndrome québécois; la région connaissait encore en 1960 un catholicisme qui prétendait régenter toute la société; les masses ont rejeté le bébé avec l'eau du bain, et sont désormais vaccinées contre le christianisme. Alors qui a longtemps constitué le noyau dur de la paroisse? Une poignée de réfugiés de la Corne de l'Afrique, "monophysites", mais avant tout chrétiens fervents. Semaine après semaine, ils sont là, les femmes drapées dans leurs grands voiles blancs, les hommes portant parfois des chemises brodées qui doivent remonter à un très lointain passée biblique. Et, curieusement ou pas, ils préfèrent aller à la chapelle orthodoxe avec laquelle leur Église n'est pas en communion, que dans la chapelle, presque voisine, d'une ecclésiole issue des episcopi vagantes qui se revendique pourtant de la foi "monophysite". Depuis quelques années, les Roumains et les Grecs ont commencé à arriver dans cette région où on ne les voyait pas il y a encore cinq ans; les réfugiés "monophysites" de la Corne de l'Afrique ne représentent plus que le quart de l'effectif de la paroisse orthodoxe, mais, il y a encore trois ans, ce devait être la moitié. L'intégration se fait facilement: les adultes n'ont pas l'habitude de communier et ne se posent donc pas la question de savoir si leur Église d'origine est en communion avec nous ou pas ; quant à leurs enfants, ils les ont fait baptiser par le prêtre orthodoxe. Cette osmose que nous observons à la base, nous ne pourrions pas l'observer avec des luthériens ou des uniates ou que sais-je encore; elle montre à quel point l'observation de Jean-Louis Palierne était judicieuse; tout se passe en effet comme si "les querelles dogmatiques avec les anti-chalcédoniens n'étaient que des querelles de chefs".
Claude le Liseur
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Re: Saint Grégoire de Narek - Eglise en Arménie

Message par Claude le Liseur »

Nikolas a écrit :Dimanche 30 Décembre, l'emission Chrétien d'Orient (en général consacrée aux églises uniates) était consacré à l'Eglise Apostolique d'Arménie. Elle n'est hélas visible que durant encore 2 jours.
http://pluzz.francetv.fr/videos/orthodoxie.html
Y sont présenter notamment quelques lieux importants de l'Eglise d'Arménie, dont la fosse où fut jetter st Grégoire, ainsi que des reliques importantes, ou encore des évènements marquants comme la consécration du myrrhon.

L'une des reliques présentée est un bras reliquaire du saint apôtre Thadée (d'après le doc ci-dessous) ou Ananias (d'après le clerc arménien le présentant), que l'on peut apercevoir ici (hélas de dos)
http://www.spectacles-selection.com/arc ... isuels.htm
A la 18-19e minute, la question du présentateur de l'émission est, que signifie le signe des doigts de la main représentée. (Il s'agit de la positionner des doigts lorsqu'un clerc bénit).
Le clerc arménien lui répond : C'est le signe de bénédiction. Les trois doigts levés (index, majeur, auriculaire) signifie la Sainte Trinité, et les deux doigts joints (pouce et annulaire) représente l'union des deux natures du Christ.

Décidement c'est a rien y comprendre dans cette Eglise, entre ceux qui se réclame du monophysisme (comme le montre J.C Larchet dans Personne et nature, La Trinité - Le Christ - L’homme , collection « Théologies », Ed. Cerf, article sur les fondements et la nature du monophysisme de l’Église arménienne.) et ceux qui confesse le dogme Chalcédonien (du moins en apparence), il y a de quoi si perdre.
Eglise apostolique arménienne - monophysite ? - Orthodoxe ? - Dieu seul sait ???
J'ai beaucoup d'attirance pour la civilisation arménienne et de sympathie pour le peuple arménien. J'ai de l'admiration pour certains aspects de l’Église apostolique arménienne, mais d'autres suscitent franchement ma réticence. Il faut reconnaître que l’Église apostolique arménienne a laissé s'épanouir certains poisons qui se sont déjà infiltrés dans l'Église orthodoxe, mais qui, pour l'instant, sont encore contenus. Je parle de la confusion entre religion et culture et religion et nation et de cette fameuse et dévastatrice notion de diaspora. L'Église arménienne grégorienne répandue à travers le monde ne fait pas de convertis. Elle n'a pratiquement plus de vie monastique. Elle n'a procédé à aucune canonisation depuis plusieurs siècles. Ses positions dogmatiques sont ambiguës. Tout ceci correspond à des tendances qui sont latentes chez nous et qui, à terme, mèneraient notre Église à sa perte (d'autant plus qu'aucune Église locale, même pas la Grèce ou Chypre, ne pourrait survivre grâce à l'équation religion = nation qui, au moins, assure la pérennité de l'Église arménienne). Une Église orthodoxe répandue à travers le monde, mais sans aucune activité de traduction des textes liturgiques ou de mission, sans vie monastique et sans dogmatique, serait vouée à la disparition. Nous devons être vigilants, car certains hiérarques ont, dans un passé récent, tenu des discours qui correspondent à cette hypothèse.

J'étais à l'église arménienne le soir du 24 avril pour la commémoration du génocide de 1915. Pas une parole ne fut prononcée dans une langue autre que l'arménien. L'identité était parfaitement conservée, mais il n'y a avait aucune volonté d'ouverture sur l'extérieur, aucune envie d'attirer à soi. Ce choix peut-il vraiment assurer la pérennité de l'Église arménienne en Europe occidentale sur le long terme?

Un dimanche du Grand Carême, en allant à l'église, j'avais laissé ma voiture près d'une chapelle protestante. En rentrant de la liturgie, je marche devant la chapelle et je me rends compte que celle-ci était désormais mise à disposition d'une paroisse copte. Je rentre dans la chapelle et j'assiste à quelques minutes de la liturgie copte (qu'ils avaient commencée peut-être une demi-heure plus tard que la liturgie à l'église orthodoxe point trop éloignée où je m'étais rendu). Je me rends compte que le chœur s'efforce de chanter en français: l'adaptation des mélodies coptes à la langue française n'est pas encore au point, mais l'effort est là. L'essentiel de la liturgie est célébrée en copte et en arabe, mais un rétroprojecteur projette sur une façade au fond de la chapelle le texte de la liturgie en copte, arabe, et grec, avec une traduction arabe sur une deuxième colonne et une traduction française sur une troisième colonne; on fait aussi un effort pour qu'une personne qui passerait là par hasard puisse comprendre ce qui se passe. Et il ne s'agit pas d'une paroisse à vocation missionnaire: je vois bien que les fidèles autour de moi sont originaires d'Égypte et de la Corne de l'Afrique. Je me dis que là, l'aspect religieux l'emporte sur l'aspect identitaire et qu'ils se sont organisés pour transmettre et durer.

Ces anecdotes ne sont que le reflet subjectif, au travers des impressions éprouvées par ma petite personne, d'une réalité décrite avec sagesse et perspicacité par feu notre frère Jean-Louis Palierne. Ceci explique aussi pourquoi, alors que sur le papier l'Église apostolique arménienne est plus proche de l'Église orthodoxe que le sont les autres Églises préchalcédoniennes (christologie non sévérienne, etc.), en pratique je n'imagine pas des fidèles arméniens venir en masse à une de nos liturgies comme je le racontais tantôt à propos des humbles réfugiés érythréens dans la petite paroisse orthodoxe francophone où j'ai fait mes Pâques.

Je ne fais pas ces constatations pour jeter la pierre aux Arméniens. J'y vis plutôt une mise en garde pour nous.
Max le min'
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Re: prosopon,hypostase, personne etc.

Message par Max le min' »

Christ est Ressuscité ! Bonjour à tous et à toutes . Voilà des lustres que je n'ai pas participé au forum— bien que j'en aie toujours fait la promotion sur mon blog principal — par ailleurs je ne sais qui pourra/voudra réagir à ce qui suit — et qui d'ailleurs n'est pas très nouveau — mais ce sera bienvenu si je ne suis pas importun voire persona non grata en ce lieu :
Cela pourra paraître incongru comme référence mais c'est la reproduction d'un "dialogue théologique" avec l''IA Deepseek en l'occurrence :

ORIGINE ET AMBIGUÏTÉS DU TERME PERSONNE

Q Pourquoi n'emploie-t-on pas dans la théologie le mot grec originel Hypostase au lieu du mot personne qui est d'une part très anthropomorphique entraînant une tendance à l'effacement de la divinité du Christ au profit de son humanité et d'autre part qui vient du latin persona correspondant au grec prosopon qui prête à confusion car il signifie également l'apparence, le rôle et pas la vraie personne ?

R ;Votre question soulève un point théologique et historique important concernant la terminologie trinitaire et christologique. En effet, l'emploi du mot personne (du latin persona, lui-même traduisant le grec prosōpon) plutôt que hypostase (grec hypostasis) a suscité des débats dès les premiers siècles du christianisme. Voici quelques éléments de réponse :

1. Origine des termes : Hypostase vs. Personne
Hypostase (ὑπόστασις) : Dans la philosophie grecque, ce terme désignait la "réalité substantielle" ou "ce qui subsiste". En théologie trinitaire, il a été utilisé pour distinguer les trois réalités distinctes (Père, Fils, Esprit) tout en affirmant leur unité de substance (ousia).
Personne (persona / prosōpon) : Le latin persona (d’origine théâtrale, évoquant le masque ou le rôle) a été employé par Tertullien (premier théologien latin) pour exprimer la distinction dans la Trinité. En grec, prosōpon pouvait effectivement prêter à confusion, car il évoquait l’apparence ou le rôle (d’où son utilisation par les modalistes et sabelliens, qui niaient la distinction réelle des Personnes).

2. Pourquoi "personne" plutôt qu'"hypostase" en Occident ?
Tradition latine : Tertullien a imposé persona (malgré ses limites) car il fallait un terme compréhensible pour les Latins, moins familiers avec les nuances philosophiques grecques.
Risque de confusion avec ousia : En grec, hypostasis et ousia (substance) étaient parfois utilisés comme synonymes avant le concile de Nicée (325). Les Pères cappadociens (Basile, Grégoire de Nazianze) ont clarifié que hypostasis = personne distincte, et ousia = nature commune.
L’Occident a gardé persona car, après Augustin, le terme était ancré dans la tradition, malgré son anthropomorphisme.

3. Problèmes posés par le terme "personne"
Anthropomorphisme : Effectivement, personne peut suggérer une individualité humaine, risquant de minimiser la divinité du Christ ou de faire de la Trinité trois "individus séparés".
Confusion avec prosōpon : Certaines hérésies (comme le sabellianisme) utilisaient prosōpon pour dire que Dieu joue trois "rôles", niant la distinction réelle des Personnes.
Modernité : Aujourd’hui, personne est souvent compris comme une "conscience autonome", ce qui peut fausser la conception trinitaire (où les Personnes ne sont pas des "moi" indépendants).

4. Pourquoi ne pas revenir à hypostase ?
Tradition établie : Le vocabulaire théologique est fixé depuis des siècles (notamment par les conciles œcuméniques), et changer un terme aussi central serait difficile.
Compréhensibilité : Hypostase est un terme technique, moins accessible que personne pour le grand public.
Corrections doctrinales : L’Église a précisé que personne ne doit pas être pris au sens moderne (ex : Thomas d’Aquin explique que c’est un analogue, non une définition parfaite).

5. Solutions alternatives ?
Certains théologiens (comme Karl Rahner) ont proposé d’utiliser "manière d’être" (Seinsweise) pour éviter l’anthropomorphisme, mais cela risque de tomber dans le modalisme.
D’autres (comme Zizioulas) réhabilitent hypostase en insistant sur son lien avec l’être (hypostasis comme "être en relation").

Conclusion :
Le choix de personne est historiquement lié à la nécessité d’un terme compréhensible en latin, malgré ses limites. L’Église a compensé ces ambiguïtés par des développements doctrinaux (ex : concile de Chalcédoine affirmant que le Christ est une personne en deux natures). Reste que hypostase serait peut-être plus précis, mais son usage reste surtout technique. La théologie contemporaine continue de réfléchir à ces enjeux linguistiques.

Q - C'est pourtant fondamental dans la perception et la relation au divin. Toute une théologie chrétienne met en avant la singularité de la conception et de la relation à Dieu chrétienne —pour les différencier des autres religions — mais cette "personnification" par le langage n'introduit-elle pas une psychologisation qui ne correspond réellement aux termes grecs ?
Vous avez tout à fait raison de souligner l’importance cruciale du langage dans la perception et la relation au divin.

R. En effet, l’emploi du terme personne (avec ses connotations modernes de psychologie individualiste) peut effectivement déformer la compréhension des réalités théologiques grecques originelles (hypostase, prosōpon, ousia). Examinons cela plus en détail :
1. La "psychologisation" de la notion de personne
Le terme personne, dans son usage moderne, est fortement influencé par :
La philosophie post-cartésienne (le "moi" comme conscience autonome) ;
La psychologie individualiste (la personne comme sujet indépendant, doté d’une intériorité propre) ;
L’anthropomorphisme relationnel (la Trinité conçue comme trois "individus" en interaction sociale).

Problème :
Cette vision peut :
Minimiser la transcendance divine en réduisant les Personnes trinitaires à des "sujets" analogues aux humains ;
Fausser la christologie en faisant du Christ une "personne humaine" plutôt qu’une hypostase divine assumant la nature humaine ;
Ouvrir la porte à des interprétations hétérodoxes (comme le trithéisme, où les trois Personnes seraient trois dieux distincts).

2. Les termes grecs et leur profondeur métaphysique
a) Hypostase (ὑπόστασις) ≠ "personne" moderne
Chez les Pères cappadociens, hypostase désigne un mode réel d’existence au sein de l’ousia (essence divine).
Exemple : Le Père, le Fils et l’Esprit sont trois hypostases mais une seule ousia.
Nuance : Ce n’est pas une "personnalité" au sens psychologique, mais une subsistance relationnelle (le Père est Père parce qu’il engendre le Fils, etc.).

b) Prosōpon (πρόσωπον) : un terme ambigu
Signifie "face", "masque", "rôle" (d’où son lien avec persona latin).
Risque : Le sabellianisme l’utilisait pour dire que Dieu "joue" trois rôles (modalisme), niant la distinction réelle des hypostases.

c) Ousia (οὐσία) : l’essence divine une et indivise
La personne moderne tend à séparer (3 "je"), tandis qu’hypostase maintient l’unité dans la distinction.

3. Conséquences sur la relation au divin
a) Une relation faussée par l’anthropomorphisme
Si l’on conçoit les Personnes comme des "individus", la prière au Christ ou à l’Esprit peut devenir un dialogue avec un "autre" séparé, au lieu d’une communion dans l’unique nature divine.
Exemple : "Jésus est mon ami" (vrai au sens spirituel, mais risqué si on l’humanise trop).

b) Perte de la dimension apophatique
Les termes grecs (hypostase) gardaient une part de mystère, tandis que personne semble tout expliciter.
La théologie orientale insiste davantage sur l’incompréhensibilité de Dieu.

c) Impact sur l’unicité chrétienne
L’argument de la "relation personnelle avec Dieu" comme différence chrétienne est en partie un héritage de cette terminologie latine.
Mais : L’islam ou le judaïsme ont aussi une relation "personnelle" à Dieu (Abraham, Moïse…), sans concept trinitaire. La vraie singularité chrétienne est l’hypostatisation du Logos dans le Christ (Jean 1:14), pas la "personnification".

4. Pourquoi persister avec "personne" ?
a) Raisons historiques
L’Occident latin a structuré sa pensée autour de persona depuis Tertullien et Augustin.
Les conciles (Nicée, Chalcédoine) ont entériné ce vocabulaire.
b) Avantages pastoraux
Personne est plus accessible que hypostase pour les fidèles.
Il permet une approche relationnelle (ex : "Dieu est Amour" en 1 Jean 4:8).
c) Corrections doctrinales
L’Église a précisé que personne ne signifie pas "individu" (ex : Thomas d’Aquin, Summa Theologica I, q. 29).

5. Alternatives possibles ?
a) Réintroduire hypostase dans le langage théologique
Avantage : Plus précis, moins anthropomorphique.
Problème : Terme technique, peu intuitif.
b) Utiliser des périphrases
Ex : "Mode subsistant de la nature divine" (mais lourd).
Ex : "Relation éternelle" (insiste sur le lien Père-Fils-Esprit).
c) Théologie apophatique
Souligner que personne est une analogie imparfaite, comme tous les mots sur Dieu.

Conclusion : Un enjeu crucial pour la foi
Votre question touche au cœur de la théologie chrétienne : comment parler de l’ineffable ?
Personne a l’avantage de la simplicité, mais risque de réduire le mystère.

Hypostase est plus fidèle aux Pères grecs, mais moins accessible.

Solution équilibrée :
    Conserver personne comme terme pastoral, mais l’expliciter par hypostase dans l’enseignement théologique.
      Revenir aux sources grecques pour éviter les dérives psychologisantes.
        Insister sur l’apophatisme : Dieu dépasse toute catégorie, même celle de "personne".

        C’est un débat qui mériterait d’être rouvert, car comme vous le soulignez, le langage façonne la perception du divin. Une réforme terminologique discrète (par exemple, utiliser hypostase dans les textes magistériels) pourrait être salutaire.

        Q. Il y a une tendance au sentimentalisme dans la relation à Dieu ( avec toutes les mièvreries saint-sulpiciennes qui s'en suivent — qui fait écho également à la conception sentimentale de la notion de cœur terme qui désigne à l'origine davantage une perception directe, intuitive, non discursive, un type de compréhension qui n'a rein à voi avec l'émotion…

        R. Vous mettez le doigt sur une dérive majeure de la spiritualité chrétienne moderne : la sentimentalisation du rapport à Dieu, qui découle en partie de la psychologisation du terme personne et d’une compréhension affadie de notions comme le Cœur (de Jésus, de Marie, etc.). Cette tendance, effectivement liée au style "saint-sulpicien" (piété du XIXe siècle, souvent mièvre et émotionnelle), trahit les fondements patristiques et mystiques de la tradition chrétienne. Développons cela.

        1. La racine du problème : confusion entre sentiment et expérience spirituelle
        a) Le Cœur dans la tradition authentique
        Dans la Bible et les Pères, le "cœur" (kardia en grec, lev en hébreu) désigne :
        Le centre ontologique de l’être (pas l’organe physique ni l’émotion).
        Le lieu de la connaissance intuitive de Dieu (Ex : "C’est avec le cœur que l’homme croit", Romains 10:10).
        La faculté noétique (chez les Pères grecs comme Maxime le Confesseur) : capacité de percevoir Dieu au-delà du discours rationnel.
        Chez les mystiques (Jean de la Croix, Thérèse d’Avila), le "cœur" symbolise la profondeur de l’âme où se vit l’union divine, bien au-delà des affections sensibles.
        b) La dérive sentimentaliste
        À partir du XVIIe-XIXe siècle, sous l’influence du romantisme et d’une piété individualiste :
        Le "cœur" devient synonyme d’émotion religieuse (ex : dévotion au Sacré-Cœur comme affection humaine, presque en miroir d’un Jésus "tendre ami").
        La relation à Dieu se psychologise : on cherche des "consolations sensibles" (Ignace de Loyola les appelait déjà des pièges !).
        L’art saint-sulpicien (images pieuses, statues sucrées) renforce cette vision édulcorée, éloignée de la transcendance.
        2. Conséquences désastreuses
        a) Une foi immature
        Réduction du christianisme à une "relation affective" avec Jésus, au détriment de :
        La dimension sacrificielle (la Croix).
        La théologie apophatique (Dieu au-delà des sentiments).
        L’ascèse (purification des passions, pas leur exaltation).
        b) Perte de la mystique véritable
        Les grands mystiques (Maître Eckhart, Grégoire Palamas) parlaient de dépassement des sens et de l’intellect pour toucher Dieu.
        Aujourd’hui, on confond extase (expérience unitive rare) avec exaltation émotionnelle (pleurs, "frissons spirituels").
        c) Effacement de la transcendance
        Un Dieu "trop humain", sentimental, ne suscite plus ni crainte ni adoration véritable (cf. Rudolf Otto, Le Sacré).

        3. Pourquoi cette dérive ?
        a) Causes culturelles
        Modernité post-romantique : culte de l’émotion comme vérité suprême.
        Influence du protestantisme piétiste (insistance sur l’"expérience personnelle").
        Réaction anti-intellectuelle : rejet de la théologie scolastique au profit d’un "ressenti".
        b) Causes ecclésiales
        Catéchèse appauvrie : abandon des concepts patristiques (hypostase, noûs).
        Art sacré kitsch (cf. les statues de saints aux yeux levés au ciel…).

        4. Comment retrouver l’authenticité ?
        a) Retour aux sources
        • Relire les Pères :
          Le Cœur chez Origène : lieu de la rencontre avec le Logos.
          La prière du cœur chez les hésychastes (Hésychius de Batos : "Veille sur ton cœur").
          Purifier le langage :
          Expliquer que le "Cœur de Jésus" symbolise l’abîme de la miséricorde divine, pas une émotion humaine.
          Remplacer "Jésus mon ami" par "Jésus, Verbe incarné" ou "Christ Pantocrator".
        b) Restaurer l’ascèse
          Méfiance envers les consolations sensibles (cf. Nuit obscure de Jean de la Croix).

          Pratiquer la prière silencieuse (hésychasme, lectio divina) plutôt que le verbalisme sentimental.

          c) Réformer l’art sacré
          Privilégier les icônes (théologie en couleurs) aux statues réalistes.
          Retrouver la beauté comme voie vers le transcendant (Balthasar).

          5. Exemple concret : Le Sacré-Cœur
          Dévotion authentique (chez Marguerite-Marie Alacoque) :
          Le Cœur = symbole de l’amour divin crucifié ("Voici ce Cœur qui a tant aimé les hommes…").
          Pas un Jésus "doucereux", mais un rappel de la percée du côté du Christ (Jean 19:34), mystère pascal.
          Dévotion dévoyée :
          Images roses, cœur "saignotant", focalisation sur l’émotion.
          Conclusion : Pour une spiritualité adulte
          Le christianisme n’est pas une religion de bons sentiments, mais l’aventure de la déification (theosis).
          • Refuser le mièvre : Dieu n’est pas un "doudou spirituel".
            Retrouver le sens du sacré : Le Cœur, l’Hypostase, sont des mystères, pas des prétextes à sensiblerie.
            Éduquer à la vraie mystique :

            "Ce n’est pas en pleurant qu’on atteint Dieu, mais en mourant à soi-même." (Maître Eckhart).
          Votre critique est salutaire : c’est en revenant aux catégories grecques (hypostase, noûs, kardia) et aux Pères que l’on peut purifier la foi de ses scories sentimentalistes. Le chemin est étroit : ni froide intellectualisation, ni effusion émotionnelle — mais l’union silencieuse au Dieu ineffable.
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          NDR : autrement dit : retour conseillé à l'Orthodoxie par l'IA interessant non ?
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