Que penser du manifeste suivant?

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Geoffroy le Bouillonnant

Que penser du manifeste suivant?

Message par Geoffroy le Bouillonnant »

Bonjour,

Le manifeste suivant a été publié hier par un autre forum.


Il s'agit du forum Orthodoxie : groupe d'information et de discussion hébergé sur Yahoo à l'adresse

http://fr.groups.yahoo.com/group/orthodoxie

Que signifie-t-il exactement? Qu'en penser? Concrètement ça veut implique quoi? Ca me fait penser à de belles paroles...
L’unité orthodoxe en France et en Occident :

notre responsabilité commune





Que nous soyons issus des différentes émigrations du XXe siècle ou bien d’origine française, tous nous avons reçu de nos Pères dans la foi l’Orthodoxie comprise comme « l’Église du Christ sur terre » laquelle « n’est pas une institution, mais une vie nouvelle avec le Christ et en Christ, mue par le Saint Esprit » (Père Serge Boulgakov, L’Orthodoxie, Paris, 1932). Une telle conception de l’Orthodoxie nous a fait comprendre, grâce à l’éducation que nos Pères nous ont donnée, que la vocation de l’Église orthodoxe a toujours été celle du témoignage et de la mission. Partout où elle se trouve – et l’Orthodoxie est maintenant planétaire – elle est appelée à « épouser » les cultures locales car étant « vie nouvelle en Christ », elle est universelle.

En Europe occidentale, nous nous sommes retrouvés ensemble entre Orthodoxes de différentes origines et nous avons compris qu’il nous revenait de témoigner de l’Orthodoxie en dialogue fraternel avec les autres chrétiens et devant un monde souvent non chrétien. C’est pourquoi, depuis plusieurs décennies, nous cherchons à œuvrer, dans la confiance et la transparence, pour un rassemblement de tous les Orthodoxes dans l’unité eucharistique et dans une structure canonique qui soit conforme à l’ecclésiologie orthodoxe. Il s’agit donc d’une ecclésiologie territoriale d’où est absente toute forme de « nationalisme » (ce qui ne signifie aucunement, bien sûr, une rupture avec les cultures et les langues des uns et des autres).

Cette ecclésiologie implique la catholicité/conciliarité, dont l’exercice est indissociable de la primauté, actuellement exercée par le Patriarcat de Constantinople, la « Nouvelle Rome ». La primauté ou « présidence dans l’amour et à l’amour » doit être assumée dans l’esprit du 34e canon apostolique : « Les évêques de chaque territoire [mot à mot : chaque nation, habitant un territoire donné] doivent reconnaître celui qui, parmi eux, est le premier [leur primat], et le considérer comme leur tête, et ne rien faire d’exceptionnel sans son avis. Chacun d’eux ne doit s’occuper que de ce qui concerne son diocèse et les territoires qui en dépendent. Mais que le premier non plus ne fasse rien sans l’avis de tous les autres. Ainsi la concorde régnera-t-elle, et Dieu sera-t-il glorifié – Père, et Fils, et Saint-Esprit. »

Il nous semble que notre devoir d’Orthodoxes vivant en Europe occidentale est de poursuivre les efforts entrepris depuis longtemps en vue de « réconcilier » les Orthodoxes d’origines diverses afin qu’ils se reconnaissent tous comme avant tout orthodoxes.

L’unité ecclésiale et la communion eucharistique dans laquelle nous nous trouvons tous est, somme toute, un fait assez récent et, sans doute, encore bien fragile. Mais « la puissance de Dieu s’accomplit dans la faiblesse » (2 Co 12,9). Et tous, nous sommes responsables de cette unité, appelés à la garder (Ep 4,3) et à veiller à ce que rien ni personne ne vienne l’altérer. « Il y a un seul Corps et un seul Esprit…, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous… » (Ep 4,4-5).

En France, nous avons la chance d’avoir aujourd’hui une « Assemblée des Évêques Orthodoxes de France », et non plus un « Comité inter-épiscopal » comme il y a encore quelques années. Ce changement constitue une avancée importante vers la synodalité, et il est dû à la collaboration confiante qui s’est développée entre nous tous. L’« Assemblée des Évêques » a été créée dans l’esprit de la décision de la « Commission préparatoire au Saint et Grand Concile Pan-orthodoxe » réunie à Chambésy (Genève) en 1993 et signée par les représentants des principales Églises Orthodoxes. Il nous paraît indispensable de soutenir et même d’encourager nos Évêques dans leur travail commun grâce auquel on peut espérer que les Églises Orthodoxes autocéphales du monde entier arriveront à surmonter les difficultés qui existent encore.

Une pleine réconciliation de toutes les Églises autocéphales permettrait de conférer à l’Orthodoxie en Europe Occidentale un statut véritablement canonique par un acte accompli ensemble dans l’esprit conciliaire qui est celui de l’Orthodoxie traditionnelle. Nous croyons nécessaire de promouvoir tous les actes allant dans ce sens, en refusant les tentations de morcellement et de replis identitaires, incompatibles avec la nature profonde de l’Église où tous nous sommes appelés à être « un en Christ » (Ga 3,28).



13 juillet 2004.







Astérios ARGYRIOU, professeur émérite à l’université de Strasbourg. Marguillier de la paroisse grecque des Trois-Saints-Hiérarques à Strasbourg, membre du conseil diocésain (diocèse du patriarcat œcuménique) ;



Irina BOBROVA, marguillier de la paroisse Saint-Séraphin-de-Sarov à Chelles (Seine-et-Marne) (archevêché des paroisses de tradition russe, patriarcat œcuménique) ;



Dimitri CADÉRÉ, ingénieur microélectronique. Membre du conseil paroissial, paroisse roumaine Sainte-Parascève et Sainte-Geneviève à Paris (patriarcat de Roumanie) ;



Jean-Paul DARD, docteur en médecine, secrétaire de l’Association pour le maintien et l’entretien de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge. Membre de la paroisse francophone de la Crypte de la Sainte-Trinité, rue Daru à Paris (archevêché des paroisses de tradition russe, patriarcat œcuménique) ;



Velizar GAJIC, membre-fondateur de Syndesmos, fédération mondiale de la jeunesse orthodoxe. Membre-fondateur de la paroisse serbe Saint-Sava à Paris (patriarcat de Serbie) ;



Natalia GORBANEVSKAYA, poète, journaliste. Membre de la paroisse de la Présentation de la Mère de Dieu au Temple, rue Olivier de Serres à Paris (archevêché des paroisses de tradition russe, patriarcat œcuménique) ;



Père Jean GUEIT, maître de conférences à l’université d’Aix-en-Provence. Recteur de la cathédrale Saint-Nicolas à Nice et de la paroisse Saint-Hermogène à Marseille, doyen des paroisses du Sud-Est (archevêché des paroisses de tradition russe, patriarcat œcuménique) ;



Georges HABET, cadre supérieur dans l’agroalimentaire, membre du Mouvement de la jeunesse orthodoxe (MJO) du patriarcat d’Antioche. Membre de la paroisse francophone de la Crypte de la Sainte-Trinité, rue Daru à Paris (archevêché des paroisses de tradition russe, patriarcat œcuménique) ;



Claude HIFFLER, docteur en médecine. Fondateur et marguillier de la paroisse Saints-Côme-et-Damien à Avignon, membre du conseil diocésain (diocèse du patriarcat œcuménique) ;



Père Razvan IONESCU, docteur en génie biomédical, diplômé de la Faculté de théologie de Bucarest, étudiant en maîtrise à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge. Recteur de la paroisse roumaine Sainte-Parascève et Sainte-Geneviève à Paris (patriarcat de Roumanie) ;



Ibrahim ISSID, docteur en chimie organique. Maître de chapelle aux paroisses arabophones Saint-Étienne à Paris et Saints-Archanges-Michel-et-Gabriel au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) (patriarcat d’Antioche) ;



Valentin KORELSKY, cadre bancaire, membre du bureau de la Voix de l’Orthodoxie (émissions radiophoniques en langue russe). Membre de la paroisse cathédrale Saint-Alexandre-Nevski, rue Daru à Paris (archevêché des paroisses de tradition russe, patriarcat œcuménique) ;



Édouard LAHAM, docteur en médecine. Membre du conseil diocésain (diocèse d’Europe occidentale du patriarcat d’Antioche) ;



Nicolas LOSSKY, professeur émérite à l’université de Paris-X – Nanterre, professeur à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, ancien membre de la commission « Foi et Constitution » du Conseil œcuménique des Églises, membre de la délégation orthodoxe au Conseil d’Églises chrétiennes en France (CECEF), du Comité français de dialogue théologique catholique-orthodoxe et des Rencontres théologiques entre orthodoxes et protestants. Diacre à la paroisse francophone Notre-Dame-Joie-des-Affligés et Sainte-Geneviève, rue Saint-Victor à Paris (patriarcat de Moscou) ;



Mère OLGA (Slezkine), licenciée en droit, docteur en études slaves, ancien maître-assistant à l’Institut national des langues orientales, ancienne responsable du service orthodoxe des pèlerinages en Terre sainte. Supérieure du monastère Notre-Dame de Toute-Protection à Bussy-en-Othe (Yonne) (archevêché des paroisses de tradition russe, patriarcat œcuménique) ;



Vladimir PRODANOVIC, diplômé du séminaire de Prizren (Kosovo, Serbie), ancien élève de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge. Membre de la paroisse serbe Saint-Sava, rue du Simplon à Paris (patriarcat de Serbie) ;



Michel STAVROU, ingénieur diplômé de l’École Centrale de Lyon, titulaire d’une maîtrise en théologie, chargé de cours à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, cosecrétaire du Comité français de dialogue théologique catholique-orthodoxe. Membre de la paroisse francophone de la Crypte de la Sainte-Trinité, rue Daru à Paris (archevêché des paroisses de tradition russe, patriarcat œcuménique) ;



Archimandrite SYMÉON (Cossec), supérieur du monastère Saint-Silouane à Saint-Mars-de-Locquenay (Sarthe) (patriarcat de Moscou) ;



Jean TCHÉKAN, ancien assistant à l’Institut national des langues orientales, ancien élève de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, diplômé de l’Institut supérieur de liturgie de Paris, ancien secrétaire général du Scoutisme russe (ORUR), fondateur du Service orthodoxe de presse (SOP), membre du Comité français de dialogue théologique catholique-orthodoxe et des Rencontres théologiques entre orthodoxes et protestants ;



Alexandre VICTOROFF, ingénieur ENSAM, directeur d’usine, président de l’Action chrétienne des étudiants russes – Mouvement de jeunesse orthodoxe (ACER-MJO).
Dernière modification par Geoffroy le Bouillonnant le mar. 20 juil. 2004 12:15, modifié 1 fois.
Antoine
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Message par Antoine »

Ca me fait penser à de belles paroles...
Un jugement qui mériterait de plus amples explicitations...


Contrairement à ce qu'affirme ce manifeste, les évêques ne se sont pas constitués en "assemblée des évêques orthodoxes de France" mais en "assemblée des évêques orthodoxes en France".
Et pour cause puisqu'aucun pratiquement n'a pris le titre d'une localité et d'un diocèse de France.
On peut se demander comment il se fait que cette initiative ne provienne pas justement de la dite assemblée? N'est-ce pas le signe que cette assemblée n'en est pas une et que le manifeste l'appelle à le devenir enfin?
"Là où est l'évêque là est l'Eglise"......... sauf en France bien sûr!
Jeanne Saint Gilles
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Que pensez du communiqué de l'OLTR?

Message par Jeanne Saint Gilles »

Feu Geoffroy le Bouillonnat nous avait communiquer ce manifeste. En réponse, le forum

http://fr.groups.yahoo.com/group/orthod ... ssage/1104

portait à notre connaissance le communiqué de l'OLTR qui se propose d'oeuvrer en vue d'une Eglise locale. Je trouve que le communiqué ne manque pas d'intérêt notamment sur les voies d'accroître les liens interorthodoxes en Europe occidentale où chacun reste trop souvent un peu dans son coin alors que nous vivons dans une même ville, pays...

Personnellement, j'y ai apprécié aussi la "mise au point" ecclésiologique sur la Primauté de Cosntantinople :

Si dessous l'intégralité du communiqué :
_____________________________________________________________


COMMUNIQUE DE PRESSE



COMMUNIQUE-COMMUNIQUE-COMMUNIQUE-COMMUNIQUE-COMMUNIQUE



O L T R

(Orthodoxie Locale de Tradition Russe en Europe occidentale)



OLTR / COM.N°3 - 10/09/2004 :



"Car Dieu n'est pas un Dieu de désordre mais un Dieu de paix."

1 Corinthiens, 14,33.

Les membres de l'OLTR ont pris connaissance avec grand intérêt du texte de la déclaration intitulée "L'unité orthodoxe en France et en occident : notre responsabilité commune". Ils pensent qu'elle constitue un apport important au débat sur l'organisation de l'Église orthodoxe en Europe occidentale, débat qu'ils ne cessent d'appeler de leurs vœux et qui nous concerne tous.

Il est tout d'abord réconfortant de constater que les analyses des signataires sont, sur la majorité des points, identiques à celles qui ont été exprimées par l'OLTR.

Ils appellent à œuvrer "pour un rassemblement de tous les orthodoxes … dans l'unité eucharistique et dans une structure canonique qui soit conforme à l'ecclésiologie orthodoxe… ecclésiologie territoriale … " sans "nationalisme" mais sans "rupture avec les cultures et les langues des uns et des autres". Ce sont, presque mot pour mot, les objectifs statutaires de l'OLTR. Il convient de rappeler ici que l'un des buts principaux de celle-ci est d'œuvrer activement pour le rétablissement plein et complet de la communion eucharistique entre tous les orthodoxes et en particulier, avec les seuls orthodoxes qui en restent partiellement exclus en Europe, à savoir les membres de l'EORHF (Eglise Orthodoxe Russe Hors Frontières).

De même, il y a plein accord pour reconnaître le chemin parcouru. Tous les orthodoxes vivant en Europe de l'Ouest, quelle que soit leur origine, ont conscience de l'existence des autres orthodoxes et les reconnaissent comme tels. La création du Comité inter-épiscopal a manifesté, en son temps, cette prise de conscience. Sa transformation en "Assemblée des Évêques Orthodoxes de France" a donné plus de poids à cet organisme, sans toutefois, changer sa nature. Il reste l'expression d'une "situation transitoire, qui préparera le terrain pour une solution strictement canonique du problème" selon les termes mêmes de la Commission préparatoire au Saint et Grand Concile Pan-orthodoxe, qui en a recommandé la constitution. Et ce n'est pas faire offense aux évêques qui le composent que de rappeler cet état, encore non conforme aux Canons et provisoire, de l’AEOF et les encourager à aller plus loin.

Malgré tout le désir qu'on en a, il paraît en effet prématuré de parler, comme le font les signataires du document, de "l'unité ecclésiale et la communion eucharistique dans laquelle nous nous trouvons…" Communion eucharistique, oui, mais certains orthodoxes en sont encore exclus. Unité ecclésiale, pas vraiment, puisqu'une demi-douzaine d'évêques exercent, par exemple, leur juridiction sur une ville comme Paris et plusieurs y résident. " Là où est l'évêque, là est l'église " dit l'adage patristique. S'il y a plusieurs évêques en un même lieu, y a-t-il vraiment "unité ecclésiale", aussi profonde que puisse être leur foi commune et aussi bonnes que puissent être leurs relations ?

Il ne convient pas d'occulter le fait que nous restons divisés en juridictions, et que cela demeure une aberration ecclésiologique. Certes, le chemin parcouru est appréciable, mais l'essentiel reste à faire. Idéaliser la situation actuelle et la pérenniser risque de brouiller la vision qu'ont les orthodoxes de nos contrées de l'organisation de l'Église. On trouve déjà, par exemple, des orthodoxes qui souhaiteraient rattacher leur paroisse à "l'Assemblée des évêques", ce qui signifierait que la fonction épiscopale peut être exercée conjointement par plusieurs personnes. Or celle-ci, à l'image du Christ, est toujours personnelle et unique.

Mais comment avancer ? Les signataires de la déclaration du 13 juillet préconisent, fort justement, de s'en remettre à "toutes les Eglises autocéphales" pour "conférer à l'orthodoxie en Europe Occidentale un statut véritablement canonique"

Les membres de l'OLTR considèrent que cette attente ne nous dispense pas d’agir. La construction de l'Église locale concerne avant tout les orthodoxes "d'ici et de maintenant". Certes, elle devra obligatoirement être approuvée par les Eglises Autocéphales, mais c'est à nous qu'il appartient de préparer les décisions. L'Assemblée des évêques n'aurait sans doute pas existé si les orthodoxes de France n'avaient pas, par leur acharnement, obtenu la création du comité inter-épiscopal.

La voie que propose l'OLTR, s'inspirant de la proposition du primat de l'Eglise russe, est de demander à chaque Église mère, qui entretient un ou des diocèses en Europe Occidentale, de conférer l'autonomie d'administration à ces diocèses, en vue de la construction de l'Eglise locale. La responsabilité de construire cette Église serait ainsi confiée aux principaux intéressés. Alors l'unité orthodoxe en France et en Europe occidentale serait véritablement notre responsabilité commune. Il faudrait que les membres de ces entités autonomes, c'est à dire nous-mêmes, s'entendent sur un découpage de l'Europe en diocèses, ne se recouvrant pas, et sur les modalités d'élection des évêques et du Primat.

Cette voie, que soutient l'OLTR, aurait bien des avantages :


Elle donnerait une perspective concrète de travail et de progrès réels vers l'Église locale.


L'unité des orthodoxes en Europe occidentale serait l'œuvre commune de tous les orthodoxes qui y vivent, et à travers eux, de leurs Églises mères. Cette unité serait construite ensemble, à partir non pas d'un archevêché ou d'une métropole particulière, ce qui paraîtrait prétentieux et irréaliste, mais à partir de tous les diocèses existants.


Elle permettrait à chaque personne ou communauté de garder la culture et la tradition à laquelle il est attaché tout en étant pleinement dans l'Église "Une".


Elle permettrait à une AEOEO, (Assemblée des Évêques Orthodoxes d'Europe Occidentale), qui serait bien entendu au cœur de ce processus, d'évoluer vers un véritable synode pour ensuite désigner en son sein un primat (1).


Elle permettrait d'éviter que les malentendus qui peuvent parfois exister entre Églises Autocéphales sur d'autres questions, comme par exemple sur celui de la primauté, ne viennent empêcher la solution de notre problème ecclésiologique (2).

C'est bien parce que l'appel du primat de l'Église russe ouvre toutes ces perspectives que l'OLTR s'y est intéressée. Elle appelle tous les orthodoxes, que l'état de division juridictionnelle de l'Orthodoxie dans nos pays accable, à réagir à ces propositions, porteuses d'espérance pour beaucoup, à les soutenir, les critiquer ou les améliorer. Enfin l'OLTR est en plein accord avec les signataires de la lettre pour refuser les tentations de morcellement ou de replis identitaires, si tant est qu'elles existent chez certains.

Séraphin Rehbinder

Président






L'assemblée des évêques d'une Église locale rassemble les évêques des différents diocèses de cette Eglise et non pas les différents évêques titulaires du même diocèse géographique, ce qui est le cas de l’AEOF.


Les signataires de la lettre du 13 juillet appellent à utiliser, de façon assez hardie, le 34ieme canon apostolique, qui s'applique à l'intérieur d'une Église autocéphale ou d'une province, aux relations entre les églises autocéphales. On peut certes défendre cette thèse, mais cela reste une opinion. En réalité le problème de la primauté a resurgi dans l'Église orthodoxe depuis le début du 20ieme siècle. La façon de la concevoir peut différer depuis lors, entre les diverses Églises locales. C'est un problème important. La question de la primauté a été, en son temps, un des points de désaccord avec le patriarcat de Rome. Et nous pourrions, nous Européens de l'ouest, essayer de faire progresser la réflexion sur ce sujet. Pourquoi l'Institut Saint Serge n'organiserait-il pas des colloques sur ce thème ?



Pour tous renseignements :

OLTR : Siège social, 13, rue Robert Lindet – 75015 PARIS – France

OrthodoxieLocaledeTraditionRusse@yahoo.fr



ANNEXE EXPLICATIVE AU COMMUNIQUE N°3 DE L'OLTR



Cette annexe à pour objectif de faciliter la compréhension correcte des références canoniques concernant la primauté contenues dans la lettre du 13 juillet 2004.

La déclaration du 13 juillet 2004 comporte le paragraphe suivant :

" Cette ecclésiologie implique la catholicité/conciliarité, dont l’exercice est indissociable de la primauté, actuellement exercée par le Patriarcat de Constantinople, la " Nouvelle Rome ". La primauté ou " présidence dans l’amour et à l’amour " doit être assumée dans l’esprit du 34ième canon apostolique : " Les évêques de chaque territoire [mot à mot : chaque nation, habitant un territoire donné] doivent reconnaître celui qui, parmi eux, est le premier [leur primat], et le considérer comme leur tête, et ne rien faire d’exceptionnel sans son avis. Chacun d’eux ne doit s’occuper que de ce qui concerne son diocèse et les territoires qui en dépendent. Mais que le premier non plus ne fasse rien sans l’avis de tous les autres. Ainsi la concorde règnera-! t-elle, et Dieu sera-t-il glorifié… Père, Fils, et Saint-Esprit. "

Quelqu’un qui lirait rapidement ce texte pourrait comprendre que les évêques de chaque nation orthodoxe (ethnie), habitant le territoire France, doivent reconnaître la primauté du " représentant " du patriarcat de Constantinople, puisque ce Patriarcat est détenteur de la primauté dans l’Eglise orthodoxe.

Bien entendu ce serait une fausse interprétation, certainement contraire à l’intention des auteurs. Il convient tout d’abord de distinguer les niveaux de primauté qui sont présentés dans ce texte.

Le premier niveau de primauté se situe à l’intérieur de chaque Eglise autocéphale. Les évêques de chacune de ces Eglises reconnaissent parmi eux un primat, généralement l’évêque de la capitale.

A cet égard, le patriarche de Constantinople est le primat de tous les évêques dont le diocèse se trouve sur le territoire canonique de l’Eglise de Constantinople. De même, le patriarche de Moscou est le primat de tous les évêques dont le diocèse se trouve sur le territoire canonique de l’Eglise de Russie, etc.

Si l’on prend maintenant le cas de la France, elle se trouve sur le territoire canonique du patriarcat de Rome, qui a cessé d’être orthodoxe. Elle n’appartient donc au territoire canonique d’aucune Eglise orthodoxe autocéphale. De ce fait, lorsque des orthodoxes de diverses origines se sont fixés en France, les diverses Eglises autocéphales, dont ces orthodoxes étaient issus, ont été amenées, par souci pastoral, à créer, chacune, un diocèse englobant la France. Il existe ainsi un diocèse rattaché à l’Eglise de Constantinople, dirigé par un évêque qui reconnaît comme primat le patriarche de Constantinople ; il y a aussi un diocèse rattaché à l’Eglise d’Antioche dont l’évêque reconnaît comme primat le patriarche d‘Antioche, de même il y a un diocèse rattaché à! l’Eglise de Russie, dont l’évêque reconnaît comme primat le patriarche de Moscou, et ainsi de suite pour les diocèses serbe (patriarche de Belgrade), roumain (patriarche de Bucarest) et un diocèse de paroisses russes (l’Archevêché) rattaché à l’Eglise de Constantinople.

Si l’on comprend le processus historique qui a abouti à cette situation où il y a plusieurs évêques sur le même territoire (la France) on doit admettre que cette situation est fondamentalement contraire aux canons de l’Eglise (" qu’il n’y ait pas deux évêques dans la même ville " canon _8 de I.-Nic.I). Saint Ignace d’Antioche explique même : " Là où paraît l’évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Eglise catholique " Il ne peut y avoir deux évêques puisque le Christ est unique. En ne respectant pas ces canons nous péchons donc contre notre foi elle-même et contre la Sainte Trinité qui est le modèle selon lequel vit l’Eglise.

Le deuxième niveau de primauté se situe à l’échelon des primats des Eglises Autocéphales qui sont tous égaux entre eux, mais parmi lesquels le patriarche de Constantinople occupe la première place, depuis les temps où Constantinople était la capitale du " monde " romain (cf. canon 28 de IV- Chalcédoine, qui accorde à la " nouvelle Rome la même préséance qu’a l’ancienne "). Jusqu’à présent, cette primauté n’est contestée par personne, malgré les changements historiques. Mais cette primauté ne crée pas, pour le patriarche de Constantinople, de relation particulière avec les évêques des autres Eglises autocéphales, par-dessus le primat de chacune de ces Eglises. Autrement dit, cette primauté ne confère pas au primat de l'Église de Consta! ntinople la possibilité d'intervenir dans les affaires intérieures des autres Eglises Autocéphales, dont les évêques continuent a ne reconnaître qu'un seul primat, celui de leur Église.

Il résulte de ce qui précède que l’assemblée des évêques de France (AEOF), qui réunit des évêques appartenant à des Eglises différentes, ne peut être une instance canonique, non pas parce qu’il n’y a pas de consensus pour qu’elle le soit, mais parce qu’elle ne peut pas trouver sa place dans l’organisation canonique de l’Eglise orthodoxe. Et ceci est compréhensible si l’on songe qu’elle émane d’une situation fondamentalement contraire à l’ordre canonique.

Cela ne veut pas dire que l’AEOF soit un organisme inutile. Au contraire, elle marque la bonne volonté réciproque et peut être précieuse dans la recherche d’une solution véritable de notre problème. Mais il n’est pas possible de lui donner un rôle canonique quelconque. Le vrai problème qui doit être résolu est celui de la multiplicité des évêques sur le même territoire. Il convient donc de créer des diocèses territoriaux, ne se recouvrant pas. Ceci ne peut se faire que par l’émergence d’une Eglise locale, que l’OLTR appelle de ses vœux.

Quant au 34ième canon apostolique, qui est également évoqué dans la déclaration, il se rapporte au premier niveau de primauté cité plus haut. Il donne une description de l’exercice de la primauté à l’intérieur d’une Eglise autocéphale. Mais il faut surtout éviter de le mal interpréter. Par exemple, le théologien et canoniste grec Nikolaos A. Daldas explique que ce canon est invoqué par les adeptes du phylétisme, qui prennent le terme " nation " dans le sens " ethnie " et il ajoute que le Concile de 1872 (qui a condamné le phylétisme) précise très justement que :

" le même canon 34 des Apôtres éclaircit le sens du mot nation en ces termes : "‘chacun (évêque) doit faire ce qui est du ressort de sa paroisse (παροικία) et des pays (ται̃ς υ‘π’ αυτόν χώραις) qui lui sont soumis", termes qui nous montrent qu’il s’agit d’ιglises "locales" et non d’églises "nationales""

Autrement dit, il faut surtout éviter de croire que ce canon parle des diverses ethnies qui vivent sur un même territoire.

Les propositions de l’OLTR visent à relâcher quelque peu le lien canonique (sans le couper dans un premier temps) qui lie les différents évêques orthodoxes en Europe occidentale aux Eglises mères auxquelles ils appartiennent. Le moyen en serait l’octroi d’un statut d’autonomie (d’auto-administration) à tous ces diocèses européens. Non pas pour qu’ils aient plus de liberté dans l’absolu, mais pour qu’ils puissent resserrer les liens qui les unissent entre eux. Alors il sera possible pour eux de discuter d’un découpage en diocèses territoriaux. Et une fois ce travail achevé, il faudra présenter à la conscience de l’Eglise orthodoxe cette nouvelle " province " dont les évêques pourront alors élire leur véritable primat local.

C'est cette voie qui est explicitement proposée dans la lettre du primat de l'Église russe. Il propose de conférer un statut de métropole autonome (auto administrée) aux juridictions issues de l'Église russe, de façon à ce qu'elle devienne la composante de tradition russe de la future Église locale.

L’avantage de cette proposition est d’envisager un chemin, clair, sans erreurs canoniques et laissant vraiment la responsabilité de l’avancement aux Européens.

Séraphin Rehbinder

Président
Jérusalem quand pourrai-je te voir?
pascal
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Message par pascal »

sur le site de l'ECOF on peut trouver l'analyse suivante de la 34è règle apostolique:

ANALYSE DU 34ème CANON APOSTOLIQUE

Monseigneur Jean, évêque de Saint-Denis

«Il est bon que les évêques de chaque peuple reconnaissent parmi eux le premier et le considèrent comme un chef, n'agissant pas en ce qui surpasse leur pouvoir sans lui demander son opinion ; que chacun n'agisse que dans le domaine de son diocèse et les lieux qui lui sont attachés. Mais que le premier, non plus, ne fasse rien sans l'opinion de tous. Ainsi sera la concorde et glorifié sera DIEU par le SEIGNEUR dans le SAINT-ESPRIT, PÈRE, FILS et SAINT ESPRIT.»

Nul canon n'a présenté avec tant d'évidence le rapport intime entre les décisions pratiques de l'Église et leur Archétype : la Gloire de la Divine Trinité. Certes, tous les canons sont des reflets de la vie trinitaire, mais aucun ne l'exprime aussi pleinement. En ses quelques lignes, le bon sens se marie à la sublime connaissance, et, tel un anneau d'or, l'esprit pratique se soude à la pensée de la vraie sagesse où le haut rectifie le bas, où le bas imite le haut. Zonaras le nomme : «Alliance de la charité chrétienne[1]».

Relations humaines et relations divines

Selon le même canoniste, c'est par cette règle que les évêques peuvent réaliser fidèlement le précepte évangélique : «Que votre lumière brille devant les hommes, et qu'en voyant vos bonnes actions, ils glorifient le Père qui est aux cieux». «L'unité de l'esprit et l'amour de Dieu» sont informés par le canon 34, enseigne Balsamon.

Cette règle réclame une analyse serrée si nous voulons profiter de sa sagesse apostolique et nous initier à la pensée canonique de l'Église.

Elle n'annonce pas un principe absolu, mais l'adapte à des conditions relatives, sous forme de conseil. En effet, elle débute par ces paroles «il est bon que[2]...». Les théologiens romains l'auraient définie non pas de droit divin, mais de droit ecclésiastique ; nous préférons dire règle d'économie. Elle ne trace pas dogmatiquement les formes et les proportions de l'Église, elle les modifie sans en trahir le dessin initial. Ainsi, celui qui prendrait ce canon à la lettre commettrait l'erreur d'un canoniste superficiel et ne dépasserait pas le parvis du temple, cependant que celui qui, par la lettre et dans la lettre, en pénètre l'esprit, sauvegarde la valeur pratique de la maxime apostolique et acquiert la joie de contempler en lui-même le canon de la charité ecclésiastique.

Ce canon n'emploie pas, comme tant d'autres, une méthode chirurgicale, il n'est pas écrit sous la pression d'un danger contre l'unité de l'Église et s'offre en thérapeutique.

"Organisation» orthodoxe"

Les auteurs, au nom des Apôtres, enseignent les évêques de chaque peuple, à travers les siècles; nous avons bien mesuré, bien pesé chaque terme, disent-ils ; si vous êtes fidèles à notre prescription, vous réaliserez la concorde, vous approchant progressivement de l'archétype divin. De deux côtés, les maladies vous guettent : à droite, la centralisation avec la subordination qui en découle ; or, où il y a subordination, il n'y a plus de concorde, car la subordination confond les Personnes divines et n'est plus trinitaire ; à gauche, c'est l'isolement, chacun pour soi, l'absence d'unité, l'anarchie, les Personnes divines sont séparées les unes des autres.

Cette règle nous décrit une organisation qui nous déroute de prime abord. Chaque peuple est dirigé par plusieurs évêques et non par un seul ; l'unité est donc en bas : le peuple; la pluralité en haut : les évêques. Précisons : la règle ne dit pas que chaque peuple avec son propre évêque se groupe en fédération de peuples dirigée par la concorde de ses évêques, mais elle dit : «les évêques de chaque peuple». Une pareille communauté peut paraître au sens commun une monstruosité sociale... Évidemment, il semble normal d'avoir plusieurs unités en bas, reliées à un centre supérieur. Et voici, en place d'une pyramide solidement posée au sol, nous voyons une étrange construction en éventail, risquant de tomber de toutes parts ; folie pour les romains, non-sens pour un esprit d'ordre - et pourtant, telle est la base de l'Église.

Pour que cette société ne se détruise pas, un indispensable élément de liaison est sous-entendu, et cet élément, auquel on ne songe pas à l'ordinaire... est Dieu. Sa présence réelle, Son action dans l'Église forment une organisation plus stable que celles de ce monde ! Mais, c'est une forme sociale qui réclame sans cesse et un effort vers la charité de la part de ses membres, et la présence invisible, mais réelle, du Christ ressuscité («Là où deux ou trois sont réunis en Mon Nom, Je suis parmi eux...» ), et enfin, l'invocation ininterrompue du Saint-Esprit.

Cette organisation est une ébauche de la vie trinitaire ici-bas et ne vise pas à installer l'humanité dans la quiétude ; dynamique et non statique, elle veut transfigurer les rapports entre les hommes.

Souvent, l'on vante la solidité centraliste de l'Église romaine, sans remarquer que si elle est encore debout, c'est malgré sa propre organisation. Sa puissance réside en sa fidélité au Christ, ses messes fréquentes, ses communions, les prières de ses saints et son amour du Christ. Au contraire, son «Ordre extérieur» si vanté est coupable de la désunion des chrétiens, des schismes avec l'Orient, de la multiplicité des Églises protestantes et de la révolte de l'esprit laïque et séculier contre l'Église du Christ.

D'autre part, l'exemple du démembrement du protestantisme est maintes fois cité. La cause n'est pas dans l'absence d'une organisation pyramidale, mais dans l'individualisation, l'isolement, son ecclésiologie et sa conception du dogme de l'Eucharistie.

Enfin, que de fois il fut reproché à l'Église Orthodoxe moderne d'avoir des schismes. Ni l'Église comme telle, ni le canon 34, ni fa formule «les évêques de chaque peuple» n'en sont responsables. Ces schismes sont tous nés du désir de partager l'Église selon les éléments de ce monde (les nations, les idéaux politiques ou culturels) au lieu de se presser autour du Christ ressuscité.

«Les évêques de chaque peuple»

En accord avec l'enseignement de saint Paul, c'est dans la faiblesse et la fragilité de cette formule, «les évêques de chaque peuple», que la force divine se réalise pleinement et pousse l'homme à la perfection. Les évêques d'un seul peuple forment une couronne, dont le cercle de base est le peuple et les fleurons (trois, douze ou plus), les évêques eux-mêmes.

Le changement apporté par le canon 34 est la reconnaissance parmi les évêques d'un primat, considéré «comme un Chef[3]». Nous ne pouvons nier que, mal interprété, ce canon ne puisse servir, autant en Orient qu'en Occident, à l'élévation illégitime des métropolites, des archevêques, des patriarches, et des papes au-dessus des frères-évêques. Les Pères de l'Église, à plusieurs reprises, sentirent le danger d'une concorde «enfumée» par la vanité des grands, l'amoindrissement sournois de la liberté des enfants de Dieu par le souci exagéré de l'unité extérieure.

Ceux qui défendent la thèse facile de l'évolution de la conscience de l'Église, à la manière des idéalistes germaniques, opèrent volontiers avec le 34ème canon, proclamant que peu à peu l'Église prend conscience d'elle-même, réunit les évêques des lieux en métropoles avec un chef plus ou moins constitutionnel, puis rattache les métropoles aux patriarcats, pour aboutir enfin à la papauté romaine. Ceux qui considèrent l'évolution historique comme la pénétration de l'humain dans la pureté évangélique, se plaisent à voir en cette règle le premier échantillon de la laïcisation de l'Église primitive, une sorte de paganisation de l'œuvre du Christ. Est-ce exact ? Avant d'étudier les termes «premier» et «comme un chef», ainsi que les rapports entre le premier et les autres évêques, rappelons le sens exact de cette règle. Le sens de toute règle canonique est dans son but et le but de celle-ci s'exprime avec une netteté sans équivoque : il est moral et théologique.

Recherche de l'«homonia»

Le but moral est homonia. «Homonia», dans le langage grec courant, peut se traduire par «concorde», traduction non littérale, mais fidèle à l'esprit. Les slaves traduisent : «unité de pensée». Homonia-concorde est une expression parfaite, nous introduisant dans le sain climat canonique ; c'est une expression délicate, nuancée, qui ne force rien, prévoit l'opinion libre de chacun, la compréhension mutuelle, l'unité non imposée, mais propre à tous. Homonia-concorde exige l'égalité absolue de ceux qui se placent en état concordant. La subordination brise la concorde ; certes, on peut admettre que les membres de cette concorde acceptent de se soumettre plus ou moins à un chef, mais, dans ce cas, l'esprit de concorde étant préservé, cette soumission de tous à un seul, librement décidée, n'existe qu'en fonction de leur décision en commun, et tant qu'elle exprime leur unité d'esprit.

Le mot grec «homonia», plus riche que le mot concorde, suppose dans l'accord des personnes libres, une unité-base, unité d'esprit qui facilite la concorde des opinions. Ce n'est pas la recherche de l'unité extérieure avec un manque d'unité intérieure, mais une certaine actualisation, une manifestation de l'unité existante.

Le but moral d'homonia-concorde se confond avec le but théologique, la vraie concorde entre les hommes n'étant que le reflet des relations entre les Personnes divines. La concorde appelle l'unité dans la vérité et la charité, et la distinction sans confusion entre des personnes libres.

Le but théologique de cette règle est la Glorification de la Tri-Unité ; elle est exprimée par une double doxologie, la doxologie paulinienne «glorifié sera Dieu par le Seigneur dans le Saint-Esprit», et la doxologie baptismale : «Père, Fils et Saint-Esprit».

La présence côte à côte des deux formules trinitaires, gênante pour les puristes du style, curieuse pour la critique historique, est précieuse pour l'expert canoniste. Elle veut couper net avec le sens subordonationiste. Les ariens n'ont-ils pas faussement profité de la doxologie paulinienne pour tirer une conclusion hérétique d'inégalité entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Saint Basile n'a-t-il pas propagé cette deuxième formule avec énergie, subissant les critiques, précisément pour en finir avec l'hérésie arienne ; et si elle est une ajoute postérieure à notre règle, alourdissant grammaticalement la phrase, elle vient de la main orthodoxe, de la tradition vivante de l'Église.

Les expressions de la gloire ou la glorification de Dieu ont besoin d'être remises en lumière. Car notre langage moderne les a vidées de leur contenu biblique traditionnel. La gloire divine ou la gloire de Dieu, dans l'enseignement de l'Église, signifient la présence presque palpable de la Divinité dans un lieu. Ainsi, pour ne citer que deux exemples de l'Ancien Testament : lorsque la Gloire du Seigneur descendit dans le Temple de Salomon, comme une nuée, Israël comprit que Dieu était là, habitant parmi eux, et lorsqu'Isaïe contemplait la Trinité, il entendit les voix des Chérubins chantant : «Saint, Saint, Saint le Seigneur Dieu Sabaoth, la terre est remplie de Ta gloire».

Glorifier Dieu ne veut pas dire le louer seulement, le remercier pour ses bienfaits, mais le confesser, le témoigner, le reconnaître, connaître sa Présence. Ainsi, le but du canon 34, par les formes qu'il assigne à l'Église, est le témoignage de la présence palpable, concrète, remplissante, presque envahissante de la Divine Trinité dans chaque Église locale, dans les rapports des évêques, et la moindre des parties du corps de l'Église.

«Primas inter pares»

C'est à la lumière de ce but moral et théologique que nous en étudierons les détails. D'abord, arrêtons-nous sur le terme : le premier, primus, protos. L'expression classique primas inter pares (premier parmi les égaux) prend racine dans cette règle. Le terme «primas-protos» a grandement troublé les historiens, les philosophes et les théologiens. Au cours de la polémique entre papistes et anti-papistes, ce terme joua un grand rôle. Et le célèbre texte de saint Irénée sur la primauté de l'Église de Rome provoque tous les dix ans des cris de victoire ou de défaite dans les deux clans opposés. «Primus», «principales», «primauté», voici les arguments bons pour les deux côtés !

Le grec a deux expressions : arché et proto. Tout en reconnaissant que, dans le langage courant, ces expressions sont employées indifféremment, se remplaçant l'une l'autre, il est nécessaire de souligner la différence initiale de ces deux mots. Arché a le sens de : source d'origine, principe ; proto est : le premier de la série, premier comme exemple; tous deux peuvent servir dans le sens d'excellence, de superlatif; ainsi a-t-on pris la mauvaise habitude de dire que le métro est «archi-comble», mais à l'époque de notre canon une expression pareille n'aurait pu être prononcée[4].

Lorsqu'on emploie le mot «archi» dans le sens supérieur, on saisit facilement la nuance. L'Aréopagite dit que Dieu est «Archi-Dieu», voulant exprimer par cela que l'Insaisissable surpasse même la définition de Dieu, mais il n'aurait pu dire qu'il est proto-Dieu. Un proto-Dieu. Un proto-Dieu supposerait un Dieu second et un Dieu troisième.

Entre Dieu et Archi-Dieu, il y a l'élévation vers l'inconnu; entre proto-Dieu et Dieu, la différence est graduée.

Les sens d'archi - origine ou supériorité - ne sont pas inévitablement liés ; on peut les employer parallèlement. Le Père est l'Archi, source du Fils et de l'Esprit; il n'est pas l'Archi du point de vue supériorité de divinité. Quant à dire du Père qu'il est Proto-Dieu par excellence, cela est impensable.

Quittons le langage trinitaire et redescendons vers le plan humain. Archi est hors de série, proto est premier de la série. La phrase de notre canon : «reconnaître parmi eux le premier (protos)» indique que les évêques n'en reconnaissent pas un qui serait au-dessus d'eux, comme sur un plan supérieur, hors ligne, mais un parmi eux, qui résume, condense en quelque sorte leurs propres qualités, leur propre pouvoir.

Définition orthodoxe de la primauté

A l'école, le «premier» est un exemple de la classe et sa primauté ne fait pas de lui le maître des élèves.

Pierre, parmi les Douze (la concorde des Douze précède notre règle et reste son prototype), est appelé proto-apôtre, prince des apôtres, parce qu'il a confessé le premier de tous. Il est donc le premier de la série, celui qui confessa pour tous, icône de leur unité, premier comme quelqu'un qui réunit ce que les autres possèdent, premier comme leur porte-parole. Il reçoit avant les autres le souffle du Père céleste, il reçoit ce que tous recevront après, et les autres recevront non par lui, mais comme lui. Pierre est protos et non archi de l'inspiration céleste, de la confession de la vérité.

Par conséquent, ni dans le sens philosophique, ni dans la concorde apostolique, l'expression «le premier - protos» ne suggère l'ébauche d'une pyramide. Nous sommes devant une autre figure géométrique.

Les deux mots qui précèdent «le premier» : «parmi eux», ou, plus exactement : «en eux», souligne la pensée de notre règle. Ce Premier, la règle invite à le reconnaître «comme un chef».

Quand je dis, par exemple, il est mon maître, je veux dire que je me soumets à une autorité et reconnais une supériorité ; je me place au-dessous de lui, comme un élève. Lorsque je dis le maître, cela le classe comme un être supérieur, indépendamment du fait que je m'adresse ou non à lui. Quand nous disons un maître, c'est un maître parmi les autres. Dans le même sens, nous devons bien remarquer que, dans le texte de la règle, le premier n'est appelé ni mon, ni le, mais un chef, et même moins qu'un chef, car nous lisons : il doit être reconnu comme un chef, faisant fonction d'un chef sans l'être en réalité. Il est chef en tant qu'on le reconnaît être un chef; rien en lui autonomement ne le fait chef, son état dépend de ceux qui le reconnaissent.

L'apôtre Paul, dans ses Épîtres, en particulier celles aux Colossiens et aux Éphésiens[5], nomma le Christ chef - tête - céphales ou chef suprême du corps-Église, qui est la plénitude remplissant tout. Remarquons que l'attribut de Chef n'est pas appliqué à la divinité du Verbe pré-éternel, ni à la deuxième Personne de la Trinité comme telle, mais à l'humanité glorifiée du Christ réunissant en elle la totalité de la création sauvée et déifiée. Le Christ devient Chef suprême après avoir parcouru le chemin de l'Incarnation et de la Rédemption, arrivé au terme, lorsqu'Il élève Son humanité au-dessus des cieux, à la droite du Père. Son Nom de Chef est inséparablement lié à l'accomplissement. C'est un Nom donné à la nature et non à la personne. Certes, le Christ est le Chef, mais «dans» et «par» Son humanité. La tête fait partie du corps, le Christ-Chef est indétachable de l'Église, Son corps, pour l'éternité.

Dans le sens profane, être chef signifie diriger, ordonner, réaliser ; c'est une qualité qui se rapporte à une personne agissant de l'extérieur.

«Comme un chef»

Tandis que, dans notre canon 34, l'expression «comme un chef», faisant fonction d'un chef, à la ressemblance du Christ, indique que le «premier parmi les égaux» a la mission de ramasser, de concentrer, exprimer en lui la plénitude des nécessités salutaires et les vertus de l'Église du lieu. Sa fonction est le général. Il est le point d'attraction, le centre autour duquel tout gravite, mais il n'est pas le chef, il ne possède pas les qualités d'attirer vers lui, comme le Christ, Chef suprême, qui attire l'univers déifié vers Lui. Ignace appela l'Église de Rome «la Présidente de charité», car vers elle se dirigeaient toutes les richesse des Églises dispersées et elle répondait aux nécessités de tous. Les chrétiens de différentes nations, de différentes conditions accouraient à ce centre.

Se rapportant à cette conception du chef, était élu le plus souvent l'évêque d'un chef-lieu, d'un centre politique ou culturel (l'élévation de Constantinople et des métropoles n'eurent pas d'autre base canonique), ou l'évêque d'une chaire apostolique, car les apôtres ont déposé leurs richesses spirituelles et sanctifié le lieu par le sang de leur martyre, ou l'évêque le plus âgé (telle était la coutume en Espagne), en considération de sa longue expérience, ou enfin l'évêque d'une Église de tradition éprouvée. Dans ces quatre cas, les «chefs» ou «évêques-chefs» reçoivent leur dignité en tant qu'ils résument la totalité de la vie de l'Église locale. Et, s'ils cessent de représenter cette vie totale, ils devraient, en réalité, perdre cette mission de «premier». C'est pour cette raison qu'aucun empêchement strictement canonique ne s'oppose à un changement de chef. Néanmoins, l'Église sauvegarde en général les privilèges des chaires apostoliques (Rome, Alexandrie...), des chaires éprouvées par l'histoire (Constantinople), mais cet agissement ne peut être pris ni à la lettre, ni dans le sens absolu. Si l'Église a désiré honorer la primauté de Rome, d'Alexandrie ou des autres chaires, c'est uniquement par respect du passé.

La règle fournit avec une précision remarquable les rapports entre le premier et les autres évêques du lieu. Notons cet équilibre : dans le général, les évêques ne doivent pas agir sans demander l'opinion du premier et le premier sans l'opinion de tous ; mais chaque évêque, dans son diocèse et les lieux qui en dépendent, doit agir pleinement. Ainsi sont préservées, à l'image de la Trinité, la concorde et l'unité, la liberté et la plénitude du pouvoir de chacun. Soulignons que le premier, en réunissant les pouvoirs de tous pour les questions concernant la totalité de l'Église du lieu, n'a aucun droit, selon le vrai esprit canonique, de se mêler des affaires des évêques dans leurs diocèses, l'indépendance et l'unité se complétant mutuellement.

Glorification du Père : la source canonique des pouvoirs des évêques et leur unité ; glorification du Fils : le premier, considéré comme un chef, exprime leur pouvoir ; glorification du Saint-Esprit; la distinction et la coordination des pouvoirs achèvent l'œuvre.

La 34ème règle, en résumé, nous enseigne que l'Église, malgré ses déviations dans l'évolution historique, soit vers une centralisation plus grande, soit vers une décentralisation exagérée, doit toujours revenir, dans sa conscience, au canon des canons : le dogme de la Trinité, le dogme de la Trinité orthodoxe et non hérétique, et, par lui, rectifier sa conduite, juger à sa lumière les décisions canoniques. C'est la divine Trinité qui est l'Archétype. Dans Sa Présence, l'Église est inébranlable et c'est en la confessant et en se conformant à sa Vie que la création se perfectionne par la charité, afin de parvenir à la mesure de la stature parfaite du Christ, glorifié dans Son humanité.




[1]. Zonaras et Balsamon sont de célèbres canonistes byzantins du XIIe siècle.

[2]. Le mot grec «chry» peut se traduire ainsi : «il faut que», «il est utile que»...

[3]. Certes, cette réforme peut donner l'impression d'un premier pas d'une tendance timide vers la centralisation, faisant pressentir une évolution logique dont l'aboutissement au cours des siècles sera une forme plus ou moins monarchique.

[4]. Nous ne toucherons pas, dans cet article, les titres d'archevêque, métropolite, patriarche, pape, etc. ; ces titres ne changent pas la question dans l'essentiel.

[5]. Nous recommandons de lire et méditer surtout le premier chapitre de l'Épître aux Éphésiens, afin de mieux apercevoir l'ampleur de ce mystère.
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