Le manifeste de la confrérie saint Photius

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Claude le Liseur
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Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a écrit Antoine.

Nous ne sommes qu'au début de la renaissance d'une Orthodoxie locale, et à mon avis, sans rattachement aux Eglises locales des pays de tradition orthodoxe, nous avons toutes les chances de sombrer.

Pour les deux seuls pays de tradition orthodoxe que je connais (Grèce et Roumanie), je n'ai pas l'impression que l'Eglise soit animée avant tout d'un souci de jouer un rôle dans la vie publique et d'un désir d'isolationnisme ethnique, même si cela existe aussi.

Dans le cas de la Grèce, c'est le seul pays orthodoxe qui a un effort missionnaire en dehors de ses frontières. Chose plus significative, j'ai constaté que l'existence de missions en Afrique noire y est un fait assez connu parmi les pratiquants, que l'Eglise essaie de faire connaître l'activité de ces missions, ce qui, en soi, est déjà un antidote à l'isolationnisme ethnique. Exemple vécu: je me trouvais à Athènes le jour des funérailles du métropolite d'Afrique centrale; il y avait un groupe d'étudiants congolais de la faculté de théologie qui étaient venus assister aux obsèques; je pense que d'avoir fait venir des étudiants orthodoxes africains à la faculté de théologie d'Athènes ne peut que contraindre à la longue leurs condisciples grecs à se poser des questions sur le prétendu lien entre religion et nationalité.
Même si l'héritage du XIXème siècle est encore présent, il y a un effort pour retourner aux sources. Quand l'archevêque d'Athènes décide de faire doubler la lecture de l'Evangile dans son diocèse (le grec moderne suivant le grec ecclésiastique), il fait un pas dans une bonne direction, en ce qu'il veut encourager les jeunes qui ne veulent plus faire l'effort d'être attentifs au grec ecclésiastique à participer plus à la vie liturgique. Il y a pas mal d'initiatives de ce genre.

Pour ce qui est de la Roumanie, l'Eglise est déjà pluri-ethnique sur son propre sol, puisqu'il y a un vicariat orthodoxe ukrainien pour la minorité ruthène du nord du pays, installé à Sighet et dont le locum tenens est l'évêque Justinien du Maramures et de Satu Mare. Pour prendre d'ailleurs l'exemple de Mgr Justinien, il a insisté plusieurs fois, y compris dans le livre qui a été publié à l'occasion de son 80ème anniversaire, sur le fait que l'Eglise n'est pas imprégnée d'ethnicisme. Et je tiens du père Dorel Man, professeur à la faculté de Cluj, que l'Eglise orthodoxe roumaine aurait fondé à Sfântul Gheorghe sa première paroisse où tous les offices sont en langue hongroise, parce qu'un certain nombre de Magyars de Transylvanie sont passés à l'Orthodoxie. C'est très risqué, en raison de l'activité des milieux irrédentistes hongrois furieusement anti-orthodoxes. (Pensez qu'il a fallu en arriver à 28'287 Hongrois orthodoxes en Roumanie - recensement de 2002 - pour que l'Eglise puisse fonder une paroisse hungarophone sans se faire trop accuser de vouloir roumaniser les minorités!) Mais c'est un premier pas courageux pour rompre avec l'isolationnisme ethnique qui voulait que les Hongrois ne puissent être que catholiques romains, luthériens, réformés ou unitariens.

Je ne veux pas non plus être d'un optimisme béat, mais il y a aussi des signes d'une volonté de sortir la religion de la gangue ethnique.

C'est aussi en ce sens qu'il y a échange et réciprocité. Les Grecs ont apporté énormément aux Africains à qui ils ont fait découvrir l'Orthodoxie, mais les Africains leur ont aussi donné beaucoup en retour. Par leur seule existence, ces Noirs orthodoxes ont montré aux Grecs que cela valait la peine d'avoir tant lutté pour garder la foi orthodoxe, que ces souffrances endurées pouvaient aussi avoir un sens pour d'autres qu'eux.

Pour la liturgie de la nuit de Pâques 2002, je suis allé dans un monastère orthodoxe français avec un ami grec qui était arrivé en Suisse quelques mois plus tôt pour ses études et n'avait jamais entendu parler d'Orthodoxie francophone. J'ai eu le sentiment qu'il m'avait beaucoup donné en m'accompagnant à cette liturgie en français à 300 kilomètres de là alors qu'il pouvait aller à la liturgie dans sa langue dans l'église grecque de notre ville. Mais, plus tard, je me suis rendu compte qu'il avait vécu comme une grâce le sacrifice qu'il avait fait. Il m'a en effet expliqué que, pendant des mois, il avait pensé à cette communauté française, qu'il en avait parlé autour de lui pendant ses vacances en Grèce, et qu'il disait à ses compatriotes là-bas en décrivant cette liturgie en français: "Nous ne sommes pas seuls!" Il avait soudain découvert que cette religion pour l'amour de laquelle son peuple avait autrefois tout perdu intéressait aussi des étrangers à des milliers de kilomètres et qu'il n'était pas que le ressortissant d'un pays isolé dans le coin sud-est de la carte de l'Europe, mais aussi le porteur de quelque chose dont des Occidentaux pouvaient se sentir solidaires.

Voilà, les orthodoxes de souche ne connaissent pas toujours la valeur inestimable du trésor dont ils sont les dépositaires. C'est aussi à nous de leur montrer l'importance de ce qu'ils portent en eux.

Les ressortissants des pays restés orthodoxes qui arrivent maintenant dans les pays occidentaux doivent comprendre qu'ils ont quelque chose dans leurs valises, et que nous n'attendons que de les voir ouvrir leurs valises. Mais comment pourraient-ils le comprendre si nous ne faisons pas le premier pas?
Jean-Serge
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Plutôt d'accord

Message par Jean-Serge »

Bien sûr le but c'est une Eglise locale : mais bon on ne laisse pas son enfant traverser la rue seul parce qu'il sait marcher... Au juste a-t-on des témoignages sur l'Eglise en Finlande. Ca marche? Certains échos de Vieux calendéristes étaient assez sévères (l'Eglise finlandaise a le même calendrier que les catholiques)
Priidite, poklonimsja i pripadem ko Hristu.
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