auteur : antoine
XB!
Katherine, à la rubrique "références" vous écrivez:
<<le synode de Constantinople de 543 a condamné les origénistes en premier lieu parce que la théorie de l'apocatastase est une négation de la liberté des créatures de Dieu. Une telle doctrine risquait d'en engendrer d'autres semblables, pernicieuses pour la vie chrétienne. >>
Mais il y a apocatastase et apocatastase. Beaucoup de saints se sont demandés comment ils pourraient vivre dans la béatitude en sachant que leurs frères sont en enfer?
Si l'apocatastase est une permission à tous les actes sous couvert d'une
"rémission" totale alors bien evidemment cette doctrine est justement
condamnable comme l'a fait à le synode de Constantinople.
Mais si l'apocatastase est un théologoumène sur les fins dernières et la
restauration totale de la création alors elle devient une reconnaissance de la miséricorde infinie de Dieu qui noie notre liberté dans un mystère qui la dépasse et qui montre que Dieu ne se laise pas circonscrire dans nos pensées.
Voilà un texte de G. de Nysse qui ne me semble pas mériter de condamnation.
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GRECOIRE DE NYSSE
Traité sur la parole:
« Alors le Fils lui-même se soumettra à
celui qui lui a tout soumis* »
PG44,1304-1325.
Traduction par Marlette Canévet, professeur à l’Université Strasbourg H.
Nous remercions la traductrice pour son concours et ses conseils dans la préparation de ce volume.
Ce petit traité sur la soumission du Fils selon 1 Co 15 est une occasion, pour GréCoire, de développer son idée de la disparition finale du mal et de l’omniprésence du Christ qui sera « tout en tous », soit ce qu’on appelle la doctrine de « I’apocatastase».
L’authenticité de notre traité n’est plus contestée. On peut d’ailleurs le rapprocher du livre I du Contre Eunome ou de la Réfutation de la profession de foi d’Eunome pour ce qui est de l’explication du mot soumission. Voir l’introduction de J. Kenneth Downing, dans son édition du traité (GreCorli Nysseni Opera dogmatica minora, vol 2, Leyden, BrilI, 1987, p. XXXIX-LI). (Note de la traductrice.)
« Alors le Fils lui-même se soumettra à
celui qui lui a tout soumis* »
1. Toutes les paroles du Seigneur sont des paroles saintes et pures, comme le dit le Prophète (Ps 11, 7), lorsque, à la ressemblance de la purification de l’argent qui se fait dans le feu, l’esprit purifié de toute opinion hérétique parvient à l’éclat propre et naturel de la vérité de ces paroles. Je pense, avant tout, qu’il faut rendre témoignage à la clarté et à la pureté des doctrines de S. Paul(1) (2 Co 12, 1-4), parce que, initié à la connaissance des choses indicibles, dans le paradis, et possédant en lui le Christ qui parlait, il disait des choses telles que peut naturellement en prononcer, sous la conduite du Verbe, son maître, celui qui est instruit à une telle école.
Puisque les mauvais trafiquants entreprennent de rendre l’argent divin de mauvais aloi, en obscurcissant la clarté du Verbe par un mélange avec des pensées hérétiques et fausses, ainsi que les pensées mystérieuses de l’Apôtre, (soit par ignorance, soit parce qu’ils les reçoivent — et c’est mal —comme bon leur semble), ils le tirent dans le sens qui vient au secours de leur propre méchanceté, et disent, pour détruire la gloire du Dieu Monogène, que la parole suivante de l’Apôtre s’accorde avec leur pensée : « Alors le Fils se soumettra à celui qui lui a tout soumis » (1 Co 15, 28), puisqu’un tel texte manifeste une certaine humilité servile. C’est pourquoi il a paru nécessaire d’examiner avec soin la parole qui touche à ce sujet, afin de montrer que l’argent apostolique est véritablement pur de toute souillure, exempt de toute pensée hérétique et sans mélange avec elle.
Que signifie soumettre?
2. Nous savons donc que, selon l’usage de l’Ecriture sainte, un tel mot a une pluralité de sens et ne s’adapte pas toujours aux mêmes idées, mais tantôt signifie ceci, tantôt renvoie à cela. L’Ecriture dit par exemple: « Que les esclaves soient soumis à leurs propres maîtres » (Tit 2, 9), et, à propos de la nature irrationnelle, que Dieu l’a soumise à l’homme, comme dit le Prophète : « Il a tout soumis sous ses pieds » (Ps8, 7). A propos de ceux qui sont vaincus à la guerre, elle dit : « Il a mis des peuples et des races sous nos pieds » (Ps 46, 4). Mais, faisant mémoire de ceux qui sont sauvés grâce à la connaissance, elle dit, comme si c’était Dieu qui parlait: « Des étrangers m’ont été soumis » (Ps 59, 10). Et il semble que ce que nous trouvons dans le Psaume 61 est proche de cela, quand il dit : « Mon âme ne sera pas soumise à Dieu » (Ps 61, 2). Et par-dessus tout, l’expression que nos ennemis nous objectent, dans l’Epître aux Corinthiens: « Alors le Fils lui-même se soumettra à celui qui lui a soumis toutes choses » (1 Co 15, 28).
Mais puisque le sens de ce mot peut conduire à beaucoup d’idées, il serait bon de prendre séparément chacune de ces citations en soi et de reconnaître à quel sens du mot soumission s’apparente la parole de l’Apôtre. Nous disons donc, à propos de ceux qui sont vaincus à la guerre par la puissance de ceux qui les dominent, que le sens du mot soumission désigne le fait de se courber malgré soi et par nécessité devant les vainqueurs. Car si quelque pouvoir échoit ensuite aux prisonniers, qui leur suggère l’espoir de s’élever au-dessus de ceux qui les dominent, alors ils se dressent en face de ceux qui les ont dominés, estimant que le fait d’avoir été soumis à leurs ennemis est une injustice et un affront.
Dans un autre sens, les choses irrationnelles sont soumises aux rationnelles parce que leur nature manque de ce qui est le plus grand des biens, c’est-à-dire la raison, car il est nécessaire, selon la bonne répartition naturelle, que ce qui manque soit soumis à ce qui possède davantage. Mais ceux qui sont dominés et sous le joug de la servitude à cause de la conséquence d’une loi, bien que, selon la nature, ils soient égaux, reçoivent le rang de dominés parce qu’ils sont conduits à la soumission par l’inflexibilité de la nécessité. Enfin, le but de notre soumission à Dieu c’est le salut, comme nous l’apprenons de la prophétie qui nous dit: « Sois soumise à Dieu, ô mon âme. Car auprès de lui se trouve mon salut » (Ps 61, 6 et 2).
(A suivre)