--------------------------------------------------------------------------------------------------Quelle est l'attitude de la majorite des orthodoxes francais ou de France vis-s-vis la necessite d'avoir une Eglise de France et non plusieurs branches des eglises des terres benis, traditionelles Orthodoxes? Le debat existe? Est-t-il en quelque sort similaire avec L'Egl. Ort. d'Amerique? Est diaspora un nom toujours agree? Est-il justifiable aujourd'hui? Qu'en pensez vous?
Réponse de Glicherie:
Posté le: Mer 20 Oct 2004 16:24
Vous n'avez donc pas lu les différents fils du forum ? Je vous invite a le faire, notament mais pas seulement les interventions de Jean-Louis Palierne, qui a écrit un livre sur le sujet
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Réponse de Jean-Louis Palierne
Posté le: Mer 20 Oct 2004 17:55
Vous avez tout à fait raison de mettre en cause le terme même — couramment utilisé — de “diaspora”. Il est inconcevabla pour la conscience orthodoxe. Pour tout chrétien l’Église est plus importante que tout groupe humain. Nous sommes tous attachés à nos racines, à nos ancêtres, à notre patrie, à sa langue et à sa culture. Rien de plus naturel, mais tout chrétien, où qu’il se trouve, où qu’il vive, se sait et se sent d’abord dans la main de Dieu. Si un chrétien est en exil hors de sa patrie, il en souffre, mais en vérité notre patrie est aux cieux, c’est l’Église, et un chrétien en exil est toujours chez lui là où il est. Je n'ai jamais connu personnellement cette situation, mais je regarde autour de moi et je vois combien il est difficile pour un exilé de vivre dans un pays dont il n'est pas issu, et de s'y intégrer.
La structure de l’Église, telle que la déterminent les canons, comporte un évêque pour chaque lieu où vivent des hommes. S’il n’y a pas d’Église locale, c’est un évêque voisin qui peut s’en occuper. Tout évêque doit être membre d’un synode d’évêques de l’Église orthodoxe, ce synode a un président, l’évêque du chef-lieu ou “métropole” (d’où le nom de “métropolite”). Ce synode peut faire partie d’un synode plus large, et dans ce cas il y dispose d’une certaine "autonomie". Sinon il est "autocéphale".
À l’époque moderne toutes les nations orthodoxes, en même temps qu'elles affirmaient leurs indépendances politiques ont désiré avoir une Église autocéphale, c’est-à-dire qu’elles ont le droit d’élire leur primat, sans avoir à demander la confirmation d’une autre Église. Les peuples des Nations orthodoxes se sont mis à identifier leurs Églises nationales autocéphales avec leurs indépendances politiques, et lorsque les fidèles orthodoxes de ces nations se trouvent en terre non-orthodoxe (c’est-à-dire en pratique en Occident) ils veulent constituer des communautés d’immigrés de nationalités homogènes, avec des paroisses plus ou moins reliées à l’Église-Mère. C'est ainsi que se sont formées des "filiales" ethniquement pures de diverses nations orthodoxes, co-existant sur les territoires d'Europe et d'Amérique.
L’ordre canonique de l’Église orthodoxe voudrait que chaque région de la terre (maintenant il y a partout des orthodoxes) appartienne à un diocèse orthodoxe, avec son évêque souverain, mais membre d’un synode provincial. L'ordre canonique exclut la possibilité de la co-existence sur un même territoire de plusieurs évêques à la tête de "filiales" émigrées des Églises ethniques. C'est cependant bien un tel désordre que l'on constate dans tout l'Occident. C'est une plaie pour l'Orthodoxie.
On pourrait imaginer que la France forme un jour un diocèse unique supraethnique (mais un jour il faudra plusieurs diocèses locaux, espérons le), et que les diocèses des différents pays d’Europe occidentale forment une métropole autonome. La structure de l'Église orthodoxe est suffisamment souple pour connaître des évolutions en fonction de la croissance de l'Église.
La question du rattachement d'une métropole unique et autonome à un synode autocéphale devrait être une question secondaire, et surtout ne devrait pas mettre en cause la coexistence au sein d’un même diocèse de fidèles issus de différentes traditions nationales orthodoxes avec des fidèles “indigènes” qui ne se sentent pas obligés de choisir l’une ou l’autre.
On commence à voir de tels rapprochements aux États-Unis, où il y a des paroisses réellement supra-ethniques (dans plusieurs des Églises qui y vivent), utilisant à la fois l’anglais (et l'espagnol) et diverses langues traditionnelles orthodoxes. Mais les juridictions sont encore très divisées.
Actuellement seul le patriarcat de Constantinople se proclame supra-ethnique, mais il s’avère incapable de traduire cette prétention dans le concret. Seule l’Église russe a envisagé la création d’une métropole autonome occidentale, mais à condition qu’elle soit "de tradition russe", et ce patriarcat suscite trop d’appréhensions pour que cette proposition soit crédible.
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Jean-Louis Palierne
palierne@noos.fr