Pour moi, Louis IX de France faisant construire des cathédrales gothiques en terre de Chypre, ce n'est qu'une manifestation d'impérialisme, une de plus, mais cela me donne l'occasion de citer le point de vue des autochtones à propos de cette période.
Sans vouloir esquisser, par ailleurs, une histoire politique ou surtout ecclésiastique de Chypre - qui n'est pas le but de cette étude -, ces périodes concernent également l'articulation diachronique de l'histoire de l'Eglise et, par conséquent, pour le sujet qu'on traite ici, leur connaissance précise est indispensable. C'est ainsi que l'histoire de l'Eglise de Chypre comprend en fait trois périodes. La première (45 [ap- J.-C.] - 1191) est celle de son implantation, de son développement, de l'acquisition de son statut canonique ainsi que des luttes pour la maintien de son autonomie (cf. autocéphalie*) ecclésiastique. La deuxième, celle de la xénocratie (1191-1960), coïncide avec une triple domination : la domination latine dans l'île chypriote (1191-1571), l'ottomanocratie (1571-1878) et la domination britannique (1878-1960), qui couvrent en tout 770 ans d'assujettissement. Enfin, la troisième période (1960- à nos jours) coïncide également avec celle du nouvel Etat national chypriote et d'une nouvelle ère pour l'Eglise orthodoxe de Chypre.
Archimandrite Grigorios D. Papathomas, L'Eglise autocéphale de Chypre dans l'Europe unie, Epektasis, Katerini 1998, p. 28.
(ouvrage publié en Grèce, mais en langue française, selon une tradition d'édition francophone qui ne s'est éteinte en Grèce que dans les années 2000, précisément après l'entrée de la Grèce dans la très ambiguë et très inutile Organisation internationale de la Francophonie, qui ne sert à rien et ne veut servir à rien: l'ambassade de Roumanie - pays membre de ladite OIF - auprès de la Suisse - pays dont le français est une des langues officielles et la seule langue de correspondance avec, par exemple, l'Organisation des Nations-Unies, m'écrit en anglais, ce que ne ferait probablement pas l'ambassade de Grande-Bretagne à Berne, alors que les Anglais ne prétendent aucunement faire partie de la prétendue Francophonie... )
En note de bas de la page 28, l'archimandrite Grégoire rappelle qu'en fait, compte tenu de l'invasion turque de 1974 qui a abouti à l'occupation de 37% du territoire chypriote, l'île n'a connu en tout et pour tout que quatorze ans de liberté (1960-1974) depuis l'an 1191...
Les peuples d'Europe occidentale, dont aucun n'a été sérieusement menacé dans son existence depuis des siècles, ne peuvent imaginer la destinée tragique des peuples de la Méditerranée orientale et d'Europe centrale. Resurgir de 770 ans d'occupation étrangère en ayant conservé sa langue, sa culture et sa religion, voilà une ténacité et une volonté de survivre qui pourraient donner bien des leçons sous nos latitudes.