Bonjour Rod,
Tout d'abord ce fameux VIIIème concile Oecuménique tenu à Constantinople n'eut pas lieu en 899, mais en 879-880!
Il fut prescrit par le pape Jean VIII et c'est le patriarche Photios qui le présida. Furent présent les légats du pape de Rome et les sièges patriarcaux d'Orient : le prêtre Cosma, légat d'Alexandrie; Basile, archevêque de Matyropolis, légat d'Antioche; Elie, légat de Jérusalem. En tout, 383 évêques furent présent après les légats; c'est-à-dire toute l'Eglise!
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Ce concile n’est jamais évoqué par les historiens catholiques. Voici, dans les grandes lignes le déroulement et les décisions de ce concile :
Les légats du pape Jean VIII au Concile qui se tint à Constantinople en 879 adhérèrent avec ceux des sièges patriarcaux de l’Orient (et avec tous les évêques présents) à la condamnation solennelle que ce Concile prononça au cours de sa sixième session contre le filioque qui avait été si malencontreusement ajouté en Occident au Symbole de Nicée, et que le pape Nicolas 1er (24 avril 858-13 novembre 867) avait approuvé.
“Tant par sa composition que par le caractère de ses décisions, ce Concile porte tous les caractères d'un Concile Œcuménique. Tous les cinq patriarcats composant l'Eglise de cette époque y étaient représentés, y compris le patriarcat de Rome, de sorte que ce concile fut le dernier qui ait été commun à l'Eglise d'Orient et à celle d'Occident. Ces participants étaient au nombre de 383, c'était donc le plus grand concile après celui de Chalcédoine. Il fut convoqué en tant que Concile Œcuménique et, dans ses actes, s'intitule « grand et œcuménique concile ». Il ne fut pas il est vrai, reconnu officiellement par l'Eglise comme Œcuménique parce qu'une telle reconnaissance avait lieu généralement au Concile suivant et qu'il n'y en eut plus. Toutefois, une série de personnalités ecclésiastiques l'appelèrent Huitième Concile Œcuménique. Ce furent par exemple le célèbre canoniste du XIIe siècle, Théodore Balsamon, Nil de Thessalonique (XIVe siècle), Nil de Rhodes (XIVe siècle), Syméon de Thessalonique (XVe siècle), saint Marc d'Ephèse, Gennade Scholarios, Dosithée de Jérusalem (XVIIe siècle), etc... Ainsi que l'a montré le professeur Dvornik dans son œuvre connue «Le Schisme de Photius » et ainsi que cela est admis à présent par la science historique, même catholique-romaine, le Concile de 879-880 fut considéré également en Occident jusqu'au XIIe siècle comme le Huitième Concile Œcuménique. Il n'y eut jamais de rejet de ce Concile par le pape Jean VIII, ni aucun «second schisme photien » (c'est-à-dire aucune rupture entre Photius et Jean VIII). Tout cela, ce sont des légendes inventées par les ennemis de Photius ; elles ne furent admises en Occident qu'au XIIe siècle lorsque, les prétentions des papes à une juridiction universelle croissant constamment, les canonistes romains se mirent à considérer comme Huitième Concile Œcuménique non celui de 879-880, mais le conciliabule anti-photien de 870. Les travaux du Concile de 879-880 sont aussi revêtus d'un caractère œcuménique. Tout comme les Conciles Œcuméniques il adopta une série de décisions de caractère dogmatico-canonique.
1) II proclama immuable le texte du Credo sans Filioque et jeta l'anathème sur tous ceux qui y apporteraient des modifications. « Ainsi, décide le Concile, quiconque, arrivé au degré extrême de la folie, aura l'audace d'exposer un autre symbole... qui ajoutera ou qui enlèvera quoi que ce soit au Symbole qui nous a été transmis par le Saint Concile Œcuménique de Nicée... qu'il soit anathème ». Cette décision est d'autant plus signi ficative que le Filioque était, à cette époque, déjà introduit dans le Symbole à maints endroits en Occident et qu'en Bulgarie les missionnaires latins insistaient sur son insertion. Les légats du pape ne firent aucune objection à cette décision du Concile.
2) Ce Concile reconnut le second Concile de Nicée (anti iconoclaste) de 786-787 comme Septième Concile Œcuménique.
3) II établit les relations avec l'église de Rome et reconnut la légitimité du patriarcat de Photius, condamnant ainsi indirectement l'intervention anticanonique des papes Nicolas Ier et Hadrien II dans les affaires de l'Eglise de Constantinople.
4) Ce Concile délimita le pouvoir des patriarcats de Rome et de Constantinople ; il rejeta les prétentions de l'évêque de Rome à un pouvoir juridictionnel en Orient, ne lui ayant pas reconnu le droit de recevoir dans sa juridiction ni d'acquitter par son propre pouvoir les clercs condamnés en Orient (de même que vice-versa, l'Orient ne devait pas recevoir les clercs condamnés en Occident). Ce qui est particulièrement important, le Concile interdit en même temps toute modification future de la situation canonique de l'évêque de Rome.
Telles sont les décisions dogmatico-canoniques du Concile de Constantinople de 879-880. Comme texte symbolique de l'Eglise orthodoxe, l'importance des décisions prises à ce Concile est incontestable. Il apparaît très désirable que le Concile Œcuménique à venir proclame le Concile constantinopolitain de 879-880 qui formula ces décisions - Huitième Concile Œcuménique. En effet, il l'était par sa composition et comme ayant exprimé la foi que l'Eglise tout entière gardait depuis toujours concernant le Credo ainsi que les droits de l'évêque de Rome, en rapport avec les questions de l'addition du Filioque et des prétentions des papes à une juridiction universelle qui apparurent alors." (1)
Dès que Jean VIII reçut les actes du Concile, il écrivit au Patriarche Photios :
« Nous connaissons les bruits désavantageux qui vous ont été rapportés sur notre compte et sur le compte de notre Église ; voilà pourquoi j’ai voulu m’en expliquer avec vous avant même que vous ne m’en écrivissiez. Vous n’ignorez point que votre envoyé, en s’expliquant avec nous sur le Symbole, trouva que nous l’observions comme nous l’avons reçu primitivement, sans y ajouter ni en retrancher rien, car nous connaissons le rude châtiment que mérite celui qui oserait y porter atteinte.
« Ainsi, pour vous tranquilliser sur cet objet qui fut pour l’Église un motif de scandale, nous vous déclarons encore une fois que non seulement nous le prononçons ainsi, mais que nous condamnons même ceux qui, dans leur folie, ont eu l’audace d’agir autrement dans le principe, comme violateurs de la parole divine et falsificateurs de la doctrine de Jésus Christ, des Apôtres et des Pères, lesquels nous ont transmis le Symbole par les Conciles ; nous déclarons que leur part est celle de Judas, pour avoir agi comme lui, puisque, si ce n’est point le corps même du Seigneur qu’ils mettent à mort, ce sont les fidèles de Dieu, qui en sont les membres, qu’ils déchirent au moyen du schisme en les livrant, ainsi qu’eux-mêmes, à la mort éternelle comme cela a été pratiqué par l’indigne apôtre.
« Je suppose cependant que votre Sainteté, qui est remplie de sagesse, ne peut ignorer qu’il n’est pas facile de faire partager cette opinion à nos évêques et de changer en peu de temps un usage aussi important, qui a pris racine depuis tant d’années.
« C’est pourquoi nous croyons qu’il ne faut contraindre personne à quitter cette addition faite au Symbole, mais qu’il faut agir avec modération et prudence, en exhortant à renoncer peu à peu à ce blasphème.
« Ainsi donc, ceux qui nous accusent de partager cette opinion ne disent point la vérité – mais ceux qui affirment qu’il existe encore parmi nous des personnes qui osent réciter ainsi le Symbole ne sont pas trop éloignés de la vérité.
« Il convient donc que votre Fraternité ne se scandalise pas trop sur notre compte et ne s’éloigne pas de la partie saine du corps de notre Église, mais qu’elle contribue avec zèle, par sa douceur et sa prudence, à la conversion de ceux qui se sont éloignés de la vérité, afin de mériter avec nous la récompense promise.
« Salut dans le Seigneur, frère catholique et dignement vénéré. »
Signalons que ce même concile de 879-880 a condamné le synode (anti-photien) de 869-870, ce dernier est pourtant reconnu, certainement depuis le XIIème siècle, comme VIIIème concile œcuménique par les catholiques romains.
A la quatrième session de ce concile, les légats du pape Jean VIII demandèrent à ce que les schismatiques, ceux qui refuseraient de reconnaître Photios pour patriarche, soient excommuniés. Ceci fut accepté sans difficulté par le concile. Il fut proclamé, à la fin de cette session, par les légats romains :”Puisque, dit le cardinal Pierre, tous les scandales avaient disparu, par la grâce de Dieu, et que la concorde est rétablie dans l’Eglise, allons tous ensemble à l’église, puisque l’heure des Saints offices est arrivée, et allons célébrer avec le patriarche Photios”. Le concile répondit :”Cette proposition est bonne et agréable à Dieu; qu’il soit fait comme vous l’avez dit! Dieu conserve notre chef et prolonge ses jours pour le bien de son Eglise!” (2)
Petit détail amusant, tant le concile de 879-880 que le conciliabule anti-photien de 869-870 ont condamné le pape Honorius 1er comme hérétique. Ce qui prouve que le concept d'infaillibilité pontificale est bien tardif; il put certainement se développer à partir ou autours des années 1300. En effet, en 1302 le pape Boniface VIII (v. 1235 — 1303) publie la bulle "Unam Sanctam" qui formule à son plus haut point la définition du pouvoir pontifical comme souveraineté universelle. Voici en quelques lignes le portraît de Boniface VIII : "Il avait fait emprisonner son prédécesseur Célestin V après l'avoir d'abord persuadé de démissionner. Puis il s'était manifesté comme fou mégalomane et narcissique, faisant ériger un peu partout des statues de lui-même. Voulant réaliser le rêve théocratique d'être à la fois pape et empereur, il apparaissait tour à tour en habits pontificaux et impériaux tout en hurlant « ego sum Caesar, ego imperator! » (3)
La manière dont le faux concile antiphotien de 869-870, cassé par le concile œcuménique de 879-880, a été transformé en VIIIe concile œcuménique par la Papauté est un exemple intéressant d’une falsification (à côté d’autres comme les Fausses Décrétales ou la fausse Donation de Constantin) par laquelle la Papauté s’est construite. Il est toujours stupéfiant de constater que les gens refusent d’admettre la vérité, même si on leur met les documents sous les yeux.
Si nous nous reportons à l’édition universitaire catholique romaine des décrets des conciles œcuméniques (donc qui considère le faux concile de 869-870 comme concile œcuménique), nous pouvons trouver le fait intéressant qui suit :
« Yves de Chartres affirme clairement que « Le concile de Constantinople, qui a été fait contre Photius, n’est pas recevable.» (4) Yves de Chartres (1040-1116), canoniste renommé, écrivait donc à l’extrême fin du XIe siècle que ce concile n’était pas recevable. Nous ne savons pas à quelle époque ni par quelle manœuvre on l’a soudain transformé en VIIIe concile œcuménique, mais le fait est intéressant quant à la manière dont fut construite l’idéologie papale. Nous n’arrivons pas à dater le basculement dans la reconnaissance du concile anti-photien mais ce que l’on peut dater, c’est sa fixation. Il y a de bonne raison de penser qu’elle a eu lieu lors de la « réforme grégorienne » avec la publication des Décrétales en 1234. On sait que Grégoire IX avait chargé de la compilation et de la réécriture de tout le droit canon le dominicain Raymond de Peñafort, rédacteur également d’un manuel de procédure inquisitoriale. Gratien n’a fait qu’une compilation érudite sans autorité canonique, c’est Peñafort qui a verrouillé le droit canon romain. Il s’agit d’une étape clef de la construction de la papauté, après les croisades d’Innocent III et ses décisions cléricalistes (communion du peuple au seul Pain eucharistique, interdiction de lecture de la Bible en langue vernaculaire, restrictions du droit de prêche).
C’est en tout cas d’une manière éhontée que le prêtre uniate Pierre-Périclès Joannou fait figurer à la suite de son édition des canons des conciles œcuméniques (Grottaferrata 1962) les canons du concile de 869-870, qui n’ont rien à faire dans une collection de canons reconnus par l’Eglise de Constantinople. Il faut se référer au Gouvernail de saint Nicodème l’Hagiorite (5) pour retrouver (pp. 361-366) les canons du vrai VIIIe concile œcuménique, celui de 879-880.
1) Source :
http://www.orthodoxworld.ru
2) cf. WladimirGuettée, De la papauté, L’Age d’Homme, 1990 Lausanne, p. 183
3) Franciscus Pippinus Bononiensis, Chronicon [1276-1314], chapitre 47, in L.A. Muratori (éd.), Rerum Italicarum scriptores.., vol. IX, Milano, 1726, p.745, col. 1, C-D.
4) Giuseppe Alberigo e.a, Les Conciles œcuméniques, tome II.1, 1ère édition italienne, Bologne 1973, édition française, Le Cerf, Paris 1994, p. 350.
5) Pedalion, Éditions Basile Rigopoulos, Thessalonique 1998, reproduction anastatique de l’édition de Zante 1864 ; 1ère édition, Venise 1800
Enfin, je ne peux que vous conseiller de vous procurer l'ouvrage de Wladimir Guettée (1816-1892) "De la papauté", Ed. l'Age d'Homme, 1990 Lausanne.