réaction du patriarche de Constantinople au projet uniate
Publié : sam. 08 mai 2004 0:23
Trouvé sur le site de notre frère Jean-François Mayer www.religion.info , une lettre adressée à Jean Polski, où le patriarche Barthélémy de Constantinople conteste l'ecclésiologie du cardinal Kasper à la suite du projet de créer un patriarcat uniate à Kiev. C'est une lettre du 29 novembre 2003 que Jean-François Mayer a fait traduire en français à partir de la version grecque publiée sur un site Internet du Mont Athos. Comme les communications entre Constantinople et le Vatican se font encore assez souvent en français, je trouverais assez cocasse que le texte grec fût lui-même une traduction du français...
On notera que certaines vieilles lunes ne sont pas mortes, puisque Sa Sainteté souligne l'utilisation par le cardinal Kasper des décrétales pseudo-isidoriennes, dont on sait depuis des siècles qu'elles sont une falsification.
Un point sur lequel je voudrais attirer l'attention du lecteur: Barthélémy Ier base une grande partie de son argumentation sur le concile de Constantinople de 879-880. J'ai déjà parlé plusieurs fois sur ce forum de ce message qui devrait être le seul point de départ possible d'une discussion entre la Papauté et l'Orthodoxie. Ce concile a réhabilité saint Photios et condamné les prétentions du pape de Rome, l'orgueilleux Nicolas Ier. L'artisan de cette réconciliation fut l'une des dernières grandes figures du patriarcat orthodoxe de Rome, le pape Jean VIII, qui devait mourir en martyr le 16 décembre 882. J'espère que l'Eglise le canonisera un jour.
A noter aussi que le concile de Constantinople de 879-880, que le patriarche Barthélémy appelle le Grand Concile, fut considéré dans l'Orthodoxie comme le huitième concile oecuménique au moins jusqu'au XVIIIème siècle, semble-t-il. Sa mention comme huitième concile oecuménique aurait disparu dans les éditions des textes canoniques orthodoxes imprimées à Venise au siècle des Lumières. Voilà qui devrait relativiser certaines extases du comité mixte de dialogue catholique-orthodoxe si cher au SOP.
A noter que, plusieurs décennies après le schisme de 1054, la Papauté, ne pouvant plus reconnaître l'enseignement orthodoxe du Grand Concile de 879-880 et du pape Jean VII, a tout à coup donné le titre de huitième concile oecuménique au conciliabule anti-photien tenu à Constantinople en 869-870 dans la ligne des prétentions de l'intrigant Nicolas Ier. La dernière tradition française du Denzinger indique, page 241, que ce concile ne fut pas considéré par la Papauté comme oecuménique avant le XIIème siècle, et que le texte original grec des actes est perdu, mais qu'il exist "une traduction complète établie par Anastase le Bibliothécaire, ainsi qu'une version grecque abrégée." Mon instinct me pousse à me méfier des traductions latines d'un texte grec perdu retrouvées après deux siècles d'oubli . Autant que des mentions du Filioque qui apparaissent dans les actes d'un certain concile de Tolède....
Une grande partie du fanatisme anti-orthodoxe, depuis le XIIème siècle et jusqu'à ce jour dans certains milieux, se base sur ce concile de 869-870, passant allègrement par-dessus le peu d'estime dans lequel on le tenait dans l'Occident médiéval dans les premières décennies qui ont suivi le schisme de 1054. Yves, évêque de Chartres (1040-1116), considéré comme saint dans l'Eglise catholique romaine, écrivait à ce propos: "Le concile de Constantinople, qui a été fait contre Photius, n'est pas recevable."
Et dire qu'au XIXème siècle encore, il s'est trouvé des évêques français pour baser leurs appels à la croisade contre les orthodoxes sur les textes probablement falsifiés d'un pseudo-concile expressément condamné par le pape Jean VIII et rejeté ou ignoré par tous ses successeurs pendant deux siècles!
Maintenant, je me tais, et je laisse le lecteur découvrir ce texte mis à notre disposition par Jean-François Mayer.
Au très-saint et béatissime Pape de l’Ancienne Rome, Jean-Paul II, salut dans le Seigneur.
Nous communiquons dans une grande charité avec Votre Sainteté – dont le rétablissement de la très précieuse santé est l’objet de nos prières incessantes et ardentes – afin de Vous exposer ce problème fort sérieux pour les bonnes relations entre nos Eglises, obtenues au prix de tant de peines et de sacrifices. Ledit problème, comme nous l’exposerons plus bas, peut – si l’acte que vous projetez n’est point annulé – renverser tout le progrès atteint jusqu’à maintenant et conduire à une telle régression, que ces relations se retrouvent au niveau le plus bas jamais atteint dans l’histoire.
Plus précisément, il s’agit de votre intention de fonder un Patriarcat uniate en Ukraine, intention communiquée au béatissime frère le Patriarche de Moscou Alexis Ier par Votre cardinal Mgr Walter Kasper, comme nous en a informé Sa Sainteté le Patriarche.
Nous avons lu avec toute l’attention due et la sensibilité nécessaire la lettre de S.S. le Patriarche de Moscou et de toute la Russie Alexis Ier, datée du 29 mars de cette année, adressée à Notre Humilité, ainsi que le mémorandum qui fut envoyé au Département des Relations Extérieures de la très sainte Eglise de Russie par S.E. le cardinal Kasper déjà mentionné, Président du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des Chrétiens.
La lecture desdits documents nous affligea grandement, car, malgré la sensibilité, connue à toute l’Eglise catholique-romaine, de toutes les Eglises Orthodoxes envers les méthodes et les tactiques uniates, considérées généralement et à juste titre comme ecclésiologiquement incorrectes, frauduleuses, et visant au détachement du troupeau orthodoxe de son Eglise et à son rattachement à l’Eglise catholique-romaine, Votre Eglise, au lieu de diminuer graduellement la présence et l’activité uniates, œuvre et prend des initiatives pour la développer dans l’Ukraine très éprouvée, par la fondation dans ce pays d’un Patriarcat uniate.
Dans le but d’établir le bien-fondé de ce geste indubitablement inamical, une étude fut rédigée par le Cardinal susmentionné et transmise par lui à S.S. le Patriarche de Moscou, laquelle, du point de vue scientifique, constitue un document anti-historique et inacceptable, qui provoque l’ordre canonique orthodoxe, pour service les plans anciens et illicites à l’encontre de notre Très-sainte Eglise Orthodoxe.
L’Eminentissime cardinal Walter Kasper sait bien, en tant que théologien distingué, que les interprétations anti-historiques produites par lui sur l’origine et la définition canonique de l’institution patriarcale du IVè Concile Œcuménique de Chalcédoine (451) dans l’administration de toute l’Eglise, tant en Orient qu’en Occident, ne sont pas conformes à la réalité. Elles ont déjà été contestées et ce même par la recherche catholique-romaine, considérées comme des produits de l’hystérie polémique à l’égard du Trône de Constantinople et, plus généralement, de l’institution patriarcale, afin d’établir un fondement à la théorie de la primauté papale, rejetée nettement par l’Eglise d’Orient, en tant qu’injustifiable ecclésiologiquement et canoniquement.
Aussi, la réfutation aisée des commentaires arbitraires sur l’institution patriarcale, qui sont produits dans le document en question, risquerait d’être caractérisée comme un rtour anachronique à des schémas moyenâgeux de théologie polémique, car ceux-ci réitèrent la théorie sur la primauté papale des décrétales pseudo-isidoriennes et des donations pseudo-constantiniennes. S.E. le Cardinal sait bien que les Evêques de Rome, jusqu’au schisme entre les Eglises d’Orient et d’Occident, avaient conscience d’être patriarches d’Occident et agissaient toujours en tant que tels, raison pour laquelle ils répondaient dans cet esprit aux invitations visant à représenter l’Eglise d’Occident aux Conciles Œcuméniques. Cela ressort de toute la correspondance papale, particulièrement celle du pape Grégoire Ier avec les Patriarches d’Orient, comme des décisions du Concile philo-papal de 869-870, dans son 21è canon et du Grand Concile de Constantinople (879-880), dans son 1er canon, dans lequel est entérinée la place officielle de l’évêque de Rome en tant que patriarche d’Occident, disposant des privilèges d’honneur parmi les cinq Patriarches.
Ainsi, le 1er canon du Grand Concile de Constantinople (879-880) confirme le principe canonique fondamental de l’inviolabilité des limites juridictionnelles des Trônes patriarcaux, et ce avec l’assentiment des légats du Pape, qui y étaient présents: «Le saint et œcuménique concile dispose que si certains des clercs originaires d’Italie, ou laïcs, ou Evêques, séjournant en Asie, en Europe, ou en Libye, se trouvant sous le coup d’une déposition ou d’un anathème de la part du très saint pape Jean: que ceux-ci soient aussi considérés par le très saint Photius, patriarche de Constantinople, comme faisant l’objet du même degré de sanction, c’est-à-dire soit déposés, soit anathématisés ou excommuniés. De même, ceux des clercs, ou des laïcs, ou ceux qui disposent du rang pontifical ou sacerdotal, dans n’importe quelle province, que notre très saint Patriarche excommuniera, déposera ou anathématisera, que le très saint Pape Jean et avec lui la Sainte Eglise des Romains, les reconnaissent sous les mêmes sanctions. Au demeurant, qu’aucune innovation ne soit apportée aux privilèges du très saint Trône de l’Eglise des Romains, ni à ceux de son primat, ni maintenant, ni à l’avenir!» Il est manifeste que par ce canon sont réprouvées, et ce avec l’assentiment des légats du pape, les immixtions arbitraires et anti-canoniques des papes Nicolas Ier et Adrien II dans les affaires internes du Trône de Constantinople, c’est-à-dire la non reconnaissance de la déposition du patriarche Ignace et la coopération dans la déposition du patriarche Photius, d’où la formulation qui se concentre sur les relations entre les deux Trônes patriarcaux. Ainsi, par l’application conséquente du principe canonique général et fondamental de toutes la tradition canonique relative aux droits des Trônes patriarcaux, que le respectait le Trône papal jusqu’au grand schisme de 1054, fut ôtée la seule immixtion anti-canonique de celui-ci lors du premier millénaire de la vie historique de l’Eglise dans les affaires internes d’un autre trône patriarcal.
Ceci ressort également de l’étude détaillée du distingué historien catholique-romain Fr. Dvornik, qui a observé à juste titre que, hormis les questions de foi, l’immixtion dans le cas des Patriarches Ignace et Photius est la seule immixtion pour des questions canoniques durant le premier millénaire, provoquée par l’empereur byzantin et réprouvée par le canon susmentionné. L’exception des questions de foi est compréhensible, car lorsque l’orthodoxie de la foi est menacée, les strictes limites de compétences juridictionnelles sont abolies en faveur de la défense immédiate et plus efficace de la foi.
Sur la base de ces critères purement ecclésiastiques se sont formés, déjà lors des trois premiers siècles, non seulement l’institution synodale, mais aussi les privilèges d’honneur des trônes ecclésiastiques les plus importants (Rome, Alexandrie, Antioche, Jérusalem, Carthage, Ephèse, etc...) et ce sans une quelconque immixtion impériale ou autre, dans le but de faire face communément et conciliairement aux sérieux problèmes de la foi ou de l’ordre canonique, ayant pour origine l’apparition d’hérésies (gnosticisme, montanisme, monarchianisme, etc) et les conséquences des persécutions (lapsi). Cette tradition, fonctionnant comme une coutume, et fixée pendant les trois premiers siècles, a été entérinée particulièrement comme une «ancienne coutume» par les canons 6 et 7 du premier Concile Œcuménique (325) et constitua la base canonique de la formation finale du système patriarcal par le 4è Concile Œcuménique (451). Le but en était de couvrir le besoin impératif d’une coordination plus complète de la pluralité de pouvoir métropolitaine dans l’exercice du droit des ordinations et du jugement des évêques (canons 14 et 15 d’Antioche, 3, 4 et 5 de Sardique, 2 et 6 du 2è Concile Œcuménique, etc).
Indubitablement, les empereurs préféraient la pluralité de pouvoir métropolitaine, plus aisément contrôlable par eux, comme cela est confirmé par leurs immixtions arbitraires dans les questions de foi durant le IVè siècle et la première moitié du Vè, de telle façon que l’on peut qualifier d’anti-historique la qualification du système patriarcal comme «création impériale» de l’époque de Justinien Ier (525-565). Au demeurant, si cette qualification était fondée, elle s’appliquerait d’autant plus au trône de Rome en tant que trône de la capitale de l’empire romain et premier des cinq trônes patriarcaux. De toute évidence, l’autorité politique des villes était habituellement liée au rayonnement ecclésiastique et, plus généralement, à la vie spirituelle de celles-ci, raison pour lesquelles étaient accordés durant les trois premiers siècles les privilèges d’honneur, lesquels constituent le principe statutaire ecclésiastique pour la formation du système patriarcal et non point la politique impériale relative aux affaires ecclésiastiques.
Plus particulièrement, la persistance de Rome dans sa théologie polémique moyenâgeuse concernant la proclamation du patriarcat de Constantinople reproduit de façon absolument inconsidérée et, quoi qu’il en soit, erronée, les arguments anti-historiques non seulement en ce qui concerne les critères de promotion du trône constantinopolitain au Patriarcat, mais aussi la position de l’Eglise de Rome. Ainsi, elle affirme arbitrairement que «la structure patriarcale, plus particulièrement dans le cas de Constantinople, est une confection impériale», confirmée par le 28è canon du Concile de Chalcédoine (451) malgré l’opposition de Rome. La confusion est à son comble, d’une part parce que le 3è canon du 2è Concile Œcuménique (381), reconnut tout simplement les privilèges d’honneurs déjà accordés par la coutume à la très rayonnante Eglise de Constantinople, lesquels ont été reliés à une large juridiction ecclésiastique par le 28è canon du IVè Concile Œcuménique (451), et, d’autre part, parce que les légats du trône papal n’ont manifesté aucune opposition, si ce n’est, au début, des réserves quant à l’attribution d’une juridiction ecclésiastique sur les diocèses d’Asie, du Pont et de Thrace. Cela est confirmé par le témoignage incontestable des Actes du IVè Concile Œcuménique, qui démentent les hypothèses infondées contenues dans l’étude susdite, raison pour laquelle il serait particulièrement utile de procéder à une nouvelle étude des Actes du Concile plutôt que d’invoquer les arguments connus et surannés de la théologie polémique catholique-romaine.
Il est aisé de se convaincre que la représentation du trône papal au IVè Concile Œcuménique non seulement ne s’est pas opposée, mais a défendu au contraire les privilèges du Trône de Constantinople, tels qu’ils ont été reconnus par le 3è canon du 2è Concile Œcuménique. Naturellement, elle formula des réserves relativement à l’extension de la juridiction ecclésiastique par la déclaration selon laquelle «Il semble que des ajouts soient faits aux définitions des 318 (Pères du premier Concile Œcuménique) et des 150 (Pères du deuxième Concile Œcuménique): ce qui est maintenant mentionné (28ème canon) mais ne figurait pas dans les canons conciliaires, a été, disent-ils, défini» (E. Schwartz, Act. II, 1,3,96). Malgré cela, ladite représentation réprouva catégoriquement la dégradation du Patriarcat de Constantinople Flavien à la cinquième place lors du «brigandage d’Ephèse» (449), soulignant que «nous, Dieu voulant, tenons le seigneur Anatole pour le premier, ceux-ci ont placé le bienheureux Flavien cinquième» (E. Schwartz, Act. II, 1,1,78). Par conséquent, la représentation papale a reconnu explicitement et a appliqué en pratique, sans aucune réserve, le canon 3 du deuxième Concile Œcuménique, malgré ses hésitations quant à l’extension de la juridiction du Trône de Constantinople. Pour cette raison, les conclusions (du document) concernant l’institution patriarcale, ne sont pas seulement infondées, mais aussi manifestement, voire intentionnellement, anti-historiques.
De la même façon, dans le document susmentionné, ressort une confusion historique quant aux conséquences ecclésiastiques des décisions des Conciles d’Ephèse (431) et de Chalcédoine (451) car, d’une façon erronée, il est soutenu que lorsque «les Patriarches d’Alexandre et d’Antioche se sont séparés de l’Eglise de l’Empire et furent considérés hétérodoxes (Nestoriens et Monophysites), alors furent créés de nouveaux Patriarcats orthodoxes».
En fait, par les décisions des Conciles Œcuméniques susmentionnés, des groupes de fidèles discordants et non des «Patriarcats» - comme l’affirme le document – se séparèrent de l’Eglise canonique, qui comprenait l’Eglise de Rome. Par voie de conséquence, il n’était point besoin de créer des «nouveaux Patriarcats Orthodoxes», comme l’affirme de façon erronée ledit document qui, de toute évidence, a été rédigé pour «soutenir les communautés uniates d’Orient», mais qui constitue une nouvelle provocation à l’encontre de l’Eglise Orthodoxe et porte atteinte aux relations bilatérales, déjà tendues, concernant ce sujet.
Le rédacteur aurait pu se poser des questions, lorsqu’il formula dans ledit document des jugements infondés et en tout état de cause erronés au sujet des institutions ecclésiastiques confirmées, comme le système canonique des Trônes patriarcaux, d’une part parce que le Trône papal est compris dans ceux-ci, d’autre part parce que la mise au même rang de ceux-ci et des Patriarcats nestoriens et anti-chalcédoniens est inconséquente et ce même durant le premier millénaire précédant le grand schisme (1054) au regard de la position du Trône papal. L’approbation, dans ledit document, du concept uniate selon lequel «un parallèle peut être établi entre les Patriarcats uniates et les anciens Patriarcats orientaux (nestoriens et anti-chalcédoniens) et les Patriarcats orthodoxes, comme fondés sur une vue ecclésiologique différente de l’ecclésiologie orthodoxe» est, du point de vue orthodoxe, inacceptable, non seulement parce qu’elle est erronée de tous côtés, mais aussi parce qu’elle vise manifestement à légaliser l’intention provocante et inacceptable de créer un Patriarcat uniate en Ukraine.
Indubitablement, les conséquences d’un tel projet provocateur sont douloureuses, tout comme l’est le soutien d’arguments infondés et outrageants relativement au fondement de l’ordre canonique du premier millénaire, car il est clairement porté atteinte aux relations bilatérales et aux efforts communs entrepris pour la reprise du dialogue théologique construit entre nos deux Eglises. La juste inquiétude de la très sainte Eglise de Russie rencontre l’appui unanime de toutes les Eglises Orthodoxes, raison pour laquelle on peut se demander à juste titre l’opportunité de cette initiative dans les conditions actuelles. La présence de l’uniatisme en Ukraine occidentale ne sera nullement renforcée par la création d’un Patriarcat uniate, tandis que par la décision éventuelle de le créer sera déclenchée de part et d’autre une théologie polémique, qui ne sera pas sans préjudice pour les relations de l’Uniatisme envers l’Eglise Orthodoxe en Ukraine. Les relations déjà fortement chargées par les confrontations du passé récent vont plutôt se détériorer à l’avenir par la réalisation de cees projets, et c’est ainsi que prévenir maintenant est préférable à guérir par la suite.
Très saint frère, il est manifeste que la fondation par Vous d’un Patriarcat Uniate en Ukraine provoquera de fortes réactions de la part des Eglises Orthodoxes sœurs, qu’elle dynamitera les tentatives de poursuite du dialogue théologique entre les Eglises orthodoxe et catholique-romaine, qui, depuis l’échec de la rencontre de Baltimore se trouvent dans un état chancelant, et que la méfiance envers votre Eglise va se renforcer, alors qu’elle croît continuellement dans les Eglises Orthodoxes, avec le danger de revenir au climat de haine aiguë, qui régnait il y a juste encore quelques décennies. En conséquence, il est indispensable que vous assuriez avec toute l’emphase et la force persuasive nécessaires le peuple ukrainien et les Eglises Orthodoxes, que Vous ne projetez point de réaliser la fondation d’un Patriarcat uniate en Ukraine, mentionnée par S.E. le cardianl Kasper.
Nous vous informons que tout ce qui précède sera communiqué à S.S.le patriarche de Moscou et de toute la Russie Mgr Alexis par un message patriarcal y relatif, de même qu’à tous les Primats des Eglises Orthodoxes. Nous embrassons Votre Sainteté d’un baiser fraternel et vous saluons avec grand amour et respect en Christ.
Le 29 novembre 2003
+ Bartholomée de Constantinople
On notera que certaines vieilles lunes ne sont pas mortes, puisque Sa Sainteté souligne l'utilisation par le cardinal Kasper des décrétales pseudo-isidoriennes, dont on sait depuis des siècles qu'elles sont une falsification.
Un point sur lequel je voudrais attirer l'attention du lecteur: Barthélémy Ier base une grande partie de son argumentation sur le concile de Constantinople de 879-880. J'ai déjà parlé plusieurs fois sur ce forum de ce message qui devrait être le seul point de départ possible d'une discussion entre la Papauté et l'Orthodoxie. Ce concile a réhabilité saint Photios et condamné les prétentions du pape de Rome, l'orgueilleux Nicolas Ier. L'artisan de cette réconciliation fut l'une des dernières grandes figures du patriarcat orthodoxe de Rome, le pape Jean VIII, qui devait mourir en martyr le 16 décembre 882. J'espère que l'Eglise le canonisera un jour.
A noter aussi que le concile de Constantinople de 879-880, que le patriarche Barthélémy appelle le Grand Concile, fut considéré dans l'Orthodoxie comme le huitième concile oecuménique au moins jusqu'au XVIIIème siècle, semble-t-il. Sa mention comme huitième concile oecuménique aurait disparu dans les éditions des textes canoniques orthodoxes imprimées à Venise au siècle des Lumières. Voilà qui devrait relativiser certaines extases du comité mixte de dialogue catholique-orthodoxe si cher au SOP.
A noter que, plusieurs décennies après le schisme de 1054, la Papauté, ne pouvant plus reconnaître l'enseignement orthodoxe du Grand Concile de 879-880 et du pape Jean VII, a tout à coup donné le titre de huitième concile oecuménique au conciliabule anti-photien tenu à Constantinople en 869-870 dans la ligne des prétentions de l'intrigant Nicolas Ier. La dernière tradition française du Denzinger indique, page 241, que ce concile ne fut pas considéré par la Papauté comme oecuménique avant le XIIème siècle, et que le texte original grec des actes est perdu, mais qu'il exist "une traduction complète établie par Anastase le Bibliothécaire, ainsi qu'une version grecque abrégée." Mon instinct me pousse à me méfier des traductions latines d'un texte grec perdu retrouvées après deux siècles d'oubli . Autant que des mentions du Filioque qui apparaissent dans les actes d'un certain concile de Tolède....
Une grande partie du fanatisme anti-orthodoxe, depuis le XIIème siècle et jusqu'à ce jour dans certains milieux, se base sur ce concile de 869-870, passant allègrement par-dessus le peu d'estime dans lequel on le tenait dans l'Occident médiéval dans les premières décennies qui ont suivi le schisme de 1054. Yves, évêque de Chartres (1040-1116), considéré comme saint dans l'Eglise catholique romaine, écrivait à ce propos: "Le concile de Constantinople, qui a été fait contre Photius, n'est pas recevable."
Et dire qu'au XIXème siècle encore, il s'est trouvé des évêques français pour baser leurs appels à la croisade contre les orthodoxes sur les textes probablement falsifiés d'un pseudo-concile expressément condamné par le pape Jean VIII et rejeté ou ignoré par tous ses successeurs pendant deux siècles!
Maintenant, je me tais, et je laisse le lecteur découvrir ce texte mis à notre disposition par Jean-François Mayer.
Au très-saint et béatissime Pape de l’Ancienne Rome, Jean-Paul II, salut dans le Seigneur.
Nous communiquons dans une grande charité avec Votre Sainteté – dont le rétablissement de la très précieuse santé est l’objet de nos prières incessantes et ardentes – afin de Vous exposer ce problème fort sérieux pour les bonnes relations entre nos Eglises, obtenues au prix de tant de peines et de sacrifices. Ledit problème, comme nous l’exposerons plus bas, peut – si l’acte que vous projetez n’est point annulé – renverser tout le progrès atteint jusqu’à maintenant et conduire à une telle régression, que ces relations se retrouvent au niveau le plus bas jamais atteint dans l’histoire.
Plus précisément, il s’agit de votre intention de fonder un Patriarcat uniate en Ukraine, intention communiquée au béatissime frère le Patriarche de Moscou Alexis Ier par Votre cardinal Mgr Walter Kasper, comme nous en a informé Sa Sainteté le Patriarche.
Nous avons lu avec toute l’attention due et la sensibilité nécessaire la lettre de S.S. le Patriarche de Moscou et de toute la Russie Alexis Ier, datée du 29 mars de cette année, adressée à Notre Humilité, ainsi que le mémorandum qui fut envoyé au Département des Relations Extérieures de la très sainte Eglise de Russie par S.E. le cardinal Kasper déjà mentionné, Président du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des Chrétiens.
La lecture desdits documents nous affligea grandement, car, malgré la sensibilité, connue à toute l’Eglise catholique-romaine, de toutes les Eglises Orthodoxes envers les méthodes et les tactiques uniates, considérées généralement et à juste titre comme ecclésiologiquement incorrectes, frauduleuses, et visant au détachement du troupeau orthodoxe de son Eglise et à son rattachement à l’Eglise catholique-romaine, Votre Eglise, au lieu de diminuer graduellement la présence et l’activité uniates, œuvre et prend des initiatives pour la développer dans l’Ukraine très éprouvée, par la fondation dans ce pays d’un Patriarcat uniate.
Dans le but d’établir le bien-fondé de ce geste indubitablement inamical, une étude fut rédigée par le Cardinal susmentionné et transmise par lui à S.S. le Patriarche de Moscou, laquelle, du point de vue scientifique, constitue un document anti-historique et inacceptable, qui provoque l’ordre canonique orthodoxe, pour service les plans anciens et illicites à l’encontre de notre Très-sainte Eglise Orthodoxe.
L’Eminentissime cardinal Walter Kasper sait bien, en tant que théologien distingué, que les interprétations anti-historiques produites par lui sur l’origine et la définition canonique de l’institution patriarcale du IVè Concile Œcuménique de Chalcédoine (451) dans l’administration de toute l’Eglise, tant en Orient qu’en Occident, ne sont pas conformes à la réalité. Elles ont déjà été contestées et ce même par la recherche catholique-romaine, considérées comme des produits de l’hystérie polémique à l’égard du Trône de Constantinople et, plus généralement, de l’institution patriarcale, afin d’établir un fondement à la théorie de la primauté papale, rejetée nettement par l’Eglise d’Orient, en tant qu’injustifiable ecclésiologiquement et canoniquement.
Aussi, la réfutation aisée des commentaires arbitraires sur l’institution patriarcale, qui sont produits dans le document en question, risquerait d’être caractérisée comme un rtour anachronique à des schémas moyenâgeux de théologie polémique, car ceux-ci réitèrent la théorie sur la primauté papale des décrétales pseudo-isidoriennes et des donations pseudo-constantiniennes. S.E. le Cardinal sait bien que les Evêques de Rome, jusqu’au schisme entre les Eglises d’Orient et d’Occident, avaient conscience d’être patriarches d’Occident et agissaient toujours en tant que tels, raison pour laquelle ils répondaient dans cet esprit aux invitations visant à représenter l’Eglise d’Occident aux Conciles Œcuméniques. Cela ressort de toute la correspondance papale, particulièrement celle du pape Grégoire Ier avec les Patriarches d’Orient, comme des décisions du Concile philo-papal de 869-870, dans son 21è canon et du Grand Concile de Constantinople (879-880), dans son 1er canon, dans lequel est entérinée la place officielle de l’évêque de Rome en tant que patriarche d’Occident, disposant des privilèges d’honneur parmi les cinq Patriarches.
Ainsi, le 1er canon du Grand Concile de Constantinople (879-880) confirme le principe canonique fondamental de l’inviolabilité des limites juridictionnelles des Trônes patriarcaux, et ce avec l’assentiment des légats du Pape, qui y étaient présents: «Le saint et œcuménique concile dispose que si certains des clercs originaires d’Italie, ou laïcs, ou Evêques, séjournant en Asie, en Europe, ou en Libye, se trouvant sous le coup d’une déposition ou d’un anathème de la part du très saint pape Jean: que ceux-ci soient aussi considérés par le très saint Photius, patriarche de Constantinople, comme faisant l’objet du même degré de sanction, c’est-à-dire soit déposés, soit anathématisés ou excommuniés. De même, ceux des clercs, ou des laïcs, ou ceux qui disposent du rang pontifical ou sacerdotal, dans n’importe quelle province, que notre très saint Patriarche excommuniera, déposera ou anathématisera, que le très saint Pape Jean et avec lui la Sainte Eglise des Romains, les reconnaissent sous les mêmes sanctions. Au demeurant, qu’aucune innovation ne soit apportée aux privilèges du très saint Trône de l’Eglise des Romains, ni à ceux de son primat, ni maintenant, ni à l’avenir!» Il est manifeste que par ce canon sont réprouvées, et ce avec l’assentiment des légats du pape, les immixtions arbitraires et anti-canoniques des papes Nicolas Ier et Adrien II dans les affaires internes du Trône de Constantinople, c’est-à-dire la non reconnaissance de la déposition du patriarche Ignace et la coopération dans la déposition du patriarche Photius, d’où la formulation qui se concentre sur les relations entre les deux Trônes patriarcaux. Ainsi, par l’application conséquente du principe canonique général et fondamental de toutes la tradition canonique relative aux droits des Trônes patriarcaux, que le respectait le Trône papal jusqu’au grand schisme de 1054, fut ôtée la seule immixtion anti-canonique de celui-ci lors du premier millénaire de la vie historique de l’Eglise dans les affaires internes d’un autre trône patriarcal.
Ceci ressort également de l’étude détaillée du distingué historien catholique-romain Fr. Dvornik, qui a observé à juste titre que, hormis les questions de foi, l’immixtion dans le cas des Patriarches Ignace et Photius est la seule immixtion pour des questions canoniques durant le premier millénaire, provoquée par l’empereur byzantin et réprouvée par le canon susmentionné. L’exception des questions de foi est compréhensible, car lorsque l’orthodoxie de la foi est menacée, les strictes limites de compétences juridictionnelles sont abolies en faveur de la défense immédiate et plus efficace de la foi.
Sur la base de ces critères purement ecclésiastiques se sont formés, déjà lors des trois premiers siècles, non seulement l’institution synodale, mais aussi les privilèges d’honneur des trônes ecclésiastiques les plus importants (Rome, Alexandrie, Antioche, Jérusalem, Carthage, Ephèse, etc...) et ce sans une quelconque immixtion impériale ou autre, dans le but de faire face communément et conciliairement aux sérieux problèmes de la foi ou de l’ordre canonique, ayant pour origine l’apparition d’hérésies (gnosticisme, montanisme, monarchianisme, etc) et les conséquences des persécutions (lapsi). Cette tradition, fonctionnant comme une coutume, et fixée pendant les trois premiers siècles, a été entérinée particulièrement comme une «ancienne coutume» par les canons 6 et 7 du premier Concile Œcuménique (325) et constitua la base canonique de la formation finale du système patriarcal par le 4è Concile Œcuménique (451). Le but en était de couvrir le besoin impératif d’une coordination plus complète de la pluralité de pouvoir métropolitaine dans l’exercice du droit des ordinations et du jugement des évêques (canons 14 et 15 d’Antioche, 3, 4 et 5 de Sardique, 2 et 6 du 2è Concile Œcuménique, etc).
Indubitablement, les empereurs préféraient la pluralité de pouvoir métropolitaine, plus aisément contrôlable par eux, comme cela est confirmé par leurs immixtions arbitraires dans les questions de foi durant le IVè siècle et la première moitié du Vè, de telle façon que l’on peut qualifier d’anti-historique la qualification du système patriarcal comme «création impériale» de l’époque de Justinien Ier (525-565). Au demeurant, si cette qualification était fondée, elle s’appliquerait d’autant plus au trône de Rome en tant que trône de la capitale de l’empire romain et premier des cinq trônes patriarcaux. De toute évidence, l’autorité politique des villes était habituellement liée au rayonnement ecclésiastique et, plus généralement, à la vie spirituelle de celles-ci, raison pour lesquelles étaient accordés durant les trois premiers siècles les privilèges d’honneur, lesquels constituent le principe statutaire ecclésiastique pour la formation du système patriarcal et non point la politique impériale relative aux affaires ecclésiastiques.
Plus particulièrement, la persistance de Rome dans sa théologie polémique moyenâgeuse concernant la proclamation du patriarcat de Constantinople reproduit de façon absolument inconsidérée et, quoi qu’il en soit, erronée, les arguments anti-historiques non seulement en ce qui concerne les critères de promotion du trône constantinopolitain au Patriarcat, mais aussi la position de l’Eglise de Rome. Ainsi, elle affirme arbitrairement que «la structure patriarcale, plus particulièrement dans le cas de Constantinople, est une confection impériale», confirmée par le 28è canon du Concile de Chalcédoine (451) malgré l’opposition de Rome. La confusion est à son comble, d’une part parce que le 3è canon du 2è Concile Œcuménique (381), reconnut tout simplement les privilèges d’honneurs déjà accordés par la coutume à la très rayonnante Eglise de Constantinople, lesquels ont été reliés à une large juridiction ecclésiastique par le 28è canon du IVè Concile Œcuménique (451), et, d’autre part, parce que les légats du trône papal n’ont manifesté aucune opposition, si ce n’est, au début, des réserves quant à l’attribution d’une juridiction ecclésiastique sur les diocèses d’Asie, du Pont et de Thrace. Cela est confirmé par le témoignage incontestable des Actes du IVè Concile Œcuménique, qui démentent les hypothèses infondées contenues dans l’étude susdite, raison pour laquelle il serait particulièrement utile de procéder à une nouvelle étude des Actes du Concile plutôt que d’invoquer les arguments connus et surannés de la théologie polémique catholique-romaine.
Il est aisé de se convaincre que la représentation du trône papal au IVè Concile Œcuménique non seulement ne s’est pas opposée, mais a défendu au contraire les privilèges du Trône de Constantinople, tels qu’ils ont été reconnus par le 3è canon du 2è Concile Œcuménique. Naturellement, elle formula des réserves relativement à l’extension de la juridiction ecclésiastique par la déclaration selon laquelle «Il semble que des ajouts soient faits aux définitions des 318 (Pères du premier Concile Œcuménique) et des 150 (Pères du deuxième Concile Œcuménique): ce qui est maintenant mentionné (28ème canon) mais ne figurait pas dans les canons conciliaires, a été, disent-ils, défini» (E. Schwartz, Act. II, 1,3,96). Malgré cela, ladite représentation réprouva catégoriquement la dégradation du Patriarcat de Constantinople Flavien à la cinquième place lors du «brigandage d’Ephèse» (449), soulignant que «nous, Dieu voulant, tenons le seigneur Anatole pour le premier, ceux-ci ont placé le bienheureux Flavien cinquième» (E. Schwartz, Act. II, 1,1,78). Par conséquent, la représentation papale a reconnu explicitement et a appliqué en pratique, sans aucune réserve, le canon 3 du deuxième Concile Œcuménique, malgré ses hésitations quant à l’extension de la juridiction du Trône de Constantinople. Pour cette raison, les conclusions (du document) concernant l’institution patriarcale, ne sont pas seulement infondées, mais aussi manifestement, voire intentionnellement, anti-historiques.
De la même façon, dans le document susmentionné, ressort une confusion historique quant aux conséquences ecclésiastiques des décisions des Conciles d’Ephèse (431) et de Chalcédoine (451) car, d’une façon erronée, il est soutenu que lorsque «les Patriarches d’Alexandre et d’Antioche se sont séparés de l’Eglise de l’Empire et furent considérés hétérodoxes (Nestoriens et Monophysites), alors furent créés de nouveaux Patriarcats orthodoxes».
En fait, par les décisions des Conciles Œcuméniques susmentionnés, des groupes de fidèles discordants et non des «Patriarcats» - comme l’affirme le document – se séparèrent de l’Eglise canonique, qui comprenait l’Eglise de Rome. Par voie de conséquence, il n’était point besoin de créer des «nouveaux Patriarcats Orthodoxes», comme l’affirme de façon erronée ledit document qui, de toute évidence, a été rédigé pour «soutenir les communautés uniates d’Orient», mais qui constitue une nouvelle provocation à l’encontre de l’Eglise Orthodoxe et porte atteinte aux relations bilatérales, déjà tendues, concernant ce sujet.
Le rédacteur aurait pu se poser des questions, lorsqu’il formula dans ledit document des jugements infondés et en tout état de cause erronés au sujet des institutions ecclésiastiques confirmées, comme le système canonique des Trônes patriarcaux, d’une part parce que le Trône papal est compris dans ceux-ci, d’autre part parce que la mise au même rang de ceux-ci et des Patriarcats nestoriens et anti-chalcédoniens est inconséquente et ce même durant le premier millénaire précédant le grand schisme (1054) au regard de la position du Trône papal. L’approbation, dans ledit document, du concept uniate selon lequel «un parallèle peut être établi entre les Patriarcats uniates et les anciens Patriarcats orientaux (nestoriens et anti-chalcédoniens) et les Patriarcats orthodoxes, comme fondés sur une vue ecclésiologique différente de l’ecclésiologie orthodoxe» est, du point de vue orthodoxe, inacceptable, non seulement parce qu’elle est erronée de tous côtés, mais aussi parce qu’elle vise manifestement à légaliser l’intention provocante et inacceptable de créer un Patriarcat uniate en Ukraine.
Indubitablement, les conséquences d’un tel projet provocateur sont douloureuses, tout comme l’est le soutien d’arguments infondés et outrageants relativement au fondement de l’ordre canonique du premier millénaire, car il est clairement porté atteinte aux relations bilatérales et aux efforts communs entrepris pour la reprise du dialogue théologique construit entre nos deux Eglises. La juste inquiétude de la très sainte Eglise de Russie rencontre l’appui unanime de toutes les Eglises Orthodoxes, raison pour laquelle on peut se demander à juste titre l’opportunité de cette initiative dans les conditions actuelles. La présence de l’uniatisme en Ukraine occidentale ne sera nullement renforcée par la création d’un Patriarcat uniate, tandis que par la décision éventuelle de le créer sera déclenchée de part et d’autre une théologie polémique, qui ne sera pas sans préjudice pour les relations de l’Uniatisme envers l’Eglise Orthodoxe en Ukraine. Les relations déjà fortement chargées par les confrontations du passé récent vont plutôt se détériorer à l’avenir par la réalisation de cees projets, et c’est ainsi que prévenir maintenant est préférable à guérir par la suite.
Très saint frère, il est manifeste que la fondation par Vous d’un Patriarcat Uniate en Ukraine provoquera de fortes réactions de la part des Eglises Orthodoxes sœurs, qu’elle dynamitera les tentatives de poursuite du dialogue théologique entre les Eglises orthodoxe et catholique-romaine, qui, depuis l’échec de la rencontre de Baltimore se trouvent dans un état chancelant, et que la méfiance envers votre Eglise va se renforcer, alors qu’elle croît continuellement dans les Eglises Orthodoxes, avec le danger de revenir au climat de haine aiguë, qui régnait il y a juste encore quelques décennies. En conséquence, il est indispensable que vous assuriez avec toute l’emphase et la force persuasive nécessaires le peuple ukrainien et les Eglises Orthodoxes, que Vous ne projetez point de réaliser la fondation d’un Patriarcat uniate en Ukraine, mentionnée par S.E. le cardianl Kasper.
Nous vous informons que tout ce qui précède sera communiqué à S.S.le patriarche de Moscou et de toute la Russie Mgr Alexis par un message patriarcal y relatif, de même qu’à tous les Primats des Eglises Orthodoxes. Nous embrassons Votre Sainteté d’un baiser fraternel et vous saluons avec grand amour et respect en Christ.
Le 29 novembre 2003
+ Bartholomée de Constantinople