Claude Imbert à propos de Lourdes
Publié : mar. 24 août 2004 12:42
Sur le forum d'accueil, un dénommé Kyrieeleison nous reproche le fait que l'aspect mercantile de Lourdes ait été dénoncé sur ce forum. Cela appelle de ma part les remarques suivantes:
1. Je n'ai pas souvenir que nous ayions beaucoup parlé de l'aspect mercantile de Lourdes. En ce qui me concerne, si j'ai parlé de Lourdes, c'est uniquement pour dire que je ne croyais pas que la Toute Sainte-Enfantrice de Dieu ait pu se présenter à Bernadette Soubirous en disant: "Je suis l'Immaculée Conception", ce qui, en plus d'être une hérésie, est une absurdité grammaticale (la logique aurait voulue qu'elle dise "Je suis l'Immaculée Conçue": pas besoin d'être orthodoxe ou catholique ou chamaniste pour faire la remarque). Le cardinal Decourtray, archevêque de Lyon, avait aussi des doutes sérieux dont il avait fait part dans un livre d'entretiens publiés après sa mort en 1994, où il disait que les prêtres du sanctuaire voisin de Bétharram avaient sans doute abusé la bonne foi de Bernadette Soubirous.
Ainsi, au nom de l'oecuménisme, "Kyrieeleison" 1) nous demande de croire que la Mère de Dieu a elle-même enseigné une erreur doctrinale de Pie IX, erreur que notre Eglise rejette; 2) nous interdit vis-à-vis de ce genre de phénomènes survenus (ou pas survenus) au sein de l'Eglise catholique romaine le scepticisme que se permettait le cardinal Decourtray. En clair, au nom de l'oecuménisme, on nous demande d'être plus ultramontains que le cardinal Decourtray.
2) En ce qui concerne les aspects mercantiles de Lourdes, mon propre grand-père maternel, baptisé catholique-romain, ayant vécu comme catholique-romain et enterré comme catholique-romain, me racontait toujours avec un grand sourire son voyage à Lourdes en 1937 en me parlant de Lourdes comme d'un "grand bazar" qui valait le déplacement sur le plan touristique. Pour le reste, il n'y croyait pas du tout. C'est d'ailleurs sur son conseil que j'ai fait le voyage de Lourdes en 1989. Dois-je brûler mon grand-père sur le bûcher de l'oecuménisme?
3) Il y a quatre mois, une fidèle de ma paroisse, originaire du département de Bistrita-Nasaud, m'a raconté qu'elle avait économisé pendant des mois pour pouvoir s'offrir un pélerinage à Lourdes et elle m'a demandé pardon de devoir me dire qu'elle avait été horrifiée par le mercantilisme qu'elle y avait vu, et que ce voyage à Lourdes lui avait fait mal pour sa foi. (Elle était venue se confier à moi parce qu'elle voulait en parler à quelqu'un d'origine française, donc peut-être plus au courant qu'elle de ce qui tournait autour de Lourdes.) Je lui ai expliqué que les apparitions de Lourdes étaient survenues (ou pas survenues) hors de l'Eglise orthodoxe, qu'elle n'avait aucune obligation d'y croire, qu'elle n'avait pas à se sentir coupable d'avoir été scandalisée par ce qu'elle y avait vu, qu'elle n'avait pas à craindre que son scepticisme soit l'expression d'une foi tiède et que, de toute façon, je n'y croyais pas à cause du détail de la phrase "Je suis l'Immaculée Conception". Cela l'a beaucoup rassérénée.
Si j'avais appliqué les principes de l'oecuménisme selon M. Kyrieeleison, j'aurais sans doute dû lui répondre qu'elle avait péché contre l'oecuménisme, que son scepticisme par rapport à Lourdes était un péché qui faisait saigner le coeur de nos frères catholiques-romains, etc. Parler de charité et d'amour quand on regarde les choses de très loin, c'est facile; mais quand on est confronté à des cas concrets?
4) Le Point est un hebdomadaire français de grande diffusion dont je me sens très éloigné sur le plan politique. Je me permets cependant de reproduire une partie de l'éditorial de son directeur Claude Imbert (lui-même catholique-romain) dans le numéro 1666 du 19 août 2004, page 49:
"A Lourdes, le pape aura exhibé, avec une opiniâtreté ostentatoire, l'effrayante extinction de ses moyens physiques. La force spirituelle qu'il déploie impressionne, même si le dolorisme rôde sur un délabrement si obstinément exposé. La très humaine volonté du pape en fit jadis, contre l'empire rouge, un athlète de la liberté. Elle magnifie aujourd'hui, dans un Occident ramolli, la vertu disqualifiée du courage. Ainsi, une main tremblante et crispée sur la passerelle, Jean-Paul II figure-t-il en capitaine impavide d'une Eglise qui lui ressemble: encore florissante sous les Tropiques mais dans la vieille Europe aussi malade que lui. L'assiduité au culte, les vocations s'effondrent. Et la croyance se trouve moins étouffée par le dogme scientiste que par le réseau des techniques, de la biologie génétique, de la pilule et du consumérisme...
Les préceptes moraux de ce pape admiré sont, jusque chez les fidèles, moins contestés qu'ignorés. "Le chanteur vaut mieux que la chanson", dit crûment un prélat désenchanté. A ce malade d'entre les malades, la grotte miraculeuse apporte encore son éternelle consolation. Mais le culte de la Vierge Marie, son environnement sulpicien de miracles pour bergers et bergères décourage non seulement les sceptiques, non seulement les chrétiens protestants et orthodoxes, mais aussi les catholiques qui, croyant en l'Incarnation et à la Résurrection du Christ, n'en répugnent pas moins à la "foi du charbonnier" et aux apparitions hypnotiques de l'Immaculée Conception."
Voilà ce qu'on peut lire dans un grand hebdomadaire français qui n'est ni anti-catholique, ni anti-religieux. L'hétérodoxe Claude Imbert nous reconnaît, à nous orthodoxes, le droit d'être sceptiques par rapport à Lourdes, et d'autres voudraient nous l'interdire au nom de l'oecuménisme. Mais l'oecuménisme avec qui? Pourquoi n'aurions-nous pas le droit de nous sentir proches de certains catholiques qui n'en peuvent plus de l'attirail mis en place par les ultramontains au XIXème siècle pour justifier les prétentions de Pie IX et qui sont écoeurés par l'utilisation politique de révélations comme par hasard toujours faites à des bergères? Les apparitions de la Salette ont été utilisées contre les républicains en France. Les apparitions de Lourdes ont été utilisées pour justifier le dogme promulgué quatre ans plus tôt par Pie IX. Les apparitions de Fatima ont été utilisées par le prosélytisme papal en Russie, et maintenant en Transylvanie où l'on promène actuellement (avec quel argent?) une "Vierge de Fatima" sur un camion. Et c'est parce que Paul VI (Montini) avait renoué avec la tradition de sobriété en matière de miraculeux du temps du regretté Benoît XIV (Lambertini) que l'on n'a pas eu droit à une utilisation des "apparitions" de Garabandal ou de Palmar de Troya. Et, pour une fois, nous devons être reconnaissants à l'épiscopat catholique-romain croate d'avoir freiné le culte des "apparitions" de Medjugorje (dont c'est maintenent un groupe monophyiste français qui fait la promotion active!).
Et, au nom de l'oecuménisme, on prétendrait nous empêcher de douter de ces "apparitions" et "révélations" toujours si opportunes sur le plan politique, ou de dire qu'il n'y a rien de plus écoeurant que cette "Vierge de Fatima" supposée venir au secours d'un uniatisme en complet effondrement en Transylvanie?
Au nom de l'oecuménisme, nous n'aurions pas le droit de dire que la vie spirituelle, ce n'est pas la recherche à tout prix du miraculeux, mais que c'est la sobriété de l'ascèse et de la prière dans le respect des dogmes divins et déifiants reçus des Apôtres et préservés jusqu'à ce jour par l'Eglise orthodoxe?
Les Eglises protestantes, qui sont les vraies fondatrices de l'oecuménisme, sont celles où règne le plus grand climat de liberté. Il me semble en revanche que, dans l'Eglise orthodoxe, l'oecuménisme sert de prétexte à imposer un cléricalisme rétrograde, un conformisme pesant et une censure étouffante que l'Orthodoxie n'avait jamas connus.
1. Je n'ai pas souvenir que nous ayions beaucoup parlé de l'aspect mercantile de Lourdes. En ce qui me concerne, si j'ai parlé de Lourdes, c'est uniquement pour dire que je ne croyais pas que la Toute Sainte-Enfantrice de Dieu ait pu se présenter à Bernadette Soubirous en disant: "Je suis l'Immaculée Conception", ce qui, en plus d'être une hérésie, est une absurdité grammaticale (la logique aurait voulue qu'elle dise "Je suis l'Immaculée Conçue": pas besoin d'être orthodoxe ou catholique ou chamaniste pour faire la remarque). Le cardinal Decourtray, archevêque de Lyon, avait aussi des doutes sérieux dont il avait fait part dans un livre d'entretiens publiés après sa mort en 1994, où il disait que les prêtres du sanctuaire voisin de Bétharram avaient sans doute abusé la bonne foi de Bernadette Soubirous.
Ainsi, au nom de l'oecuménisme, "Kyrieeleison" 1) nous demande de croire que la Mère de Dieu a elle-même enseigné une erreur doctrinale de Pie IX, erreur que notre Eglise rejette; 2) nous interdit vis-à-vis de ce genre de phénomènes survenus (ou pas survenus) au sein de l'Eglise catholique romaine le scepticisme que se permettait le cardinal Decourtray. En clair, au nom de l'oecuménisme, on nous demande d'être plus ultramontains que le cardinal Decourtray.
2) En ce qui concerne les aspects mercantiles de Lourdes, mon propre grand-père maternel, baptisé catholique-romain, ayant vécu comme catholique-romain et enterré comme catholique-romain, me racontait toujours avec un grand sourire son voyage à Lourdes en 1937 en me parlant de Lourdes comme d'un "grand bazar" qui valait le déplacement sur le plan touristique. Pour le reste, il n'y croyait pas du tout. C'est d'ailleurs sur son conseil que j'ai fait le voyage de Lourdes en 1989. Dois-je brûler mon grand-père sur le bûcher de l'oecuménisme?
3) Il y a quatre mois, une fidèle de ma paroisse, originaire du département de Bistrita-Nasaud, m'a raconté qu'elle avait économisé pendant des mois pour pouvoir s'offrir un pélerinage à Lourdes et elle m'a demandé pardon de devoir me dire qu'elle avait été horrifiée par le mercantilisme qu'elle y avait vu, et que ce voyage à Lourdes lui avait fait mal pour sa foi. (Elle était venue se confier à moi parce qu'elle voulait en parler à quelqu'un d'origine française, donc peut-être plus au courant qu'elle de ce qui tournait autour de Lourdes.) Je lui ai expliqué que les apparitions de Lourdes étaient survenues (ou pas survenues) hors de l'Eglise orthodoxe, qu'elle n'avait aucune obligation d'y croire, qu'elle n'avait pas à se sentir coupable d'avoir été scandalisée par ce qu'elle y avait vu, qu'elle n'avait pas à craindre que son scepticisme soit l'expression d'une foi tiède et que, de toute façon, je n'y croyais pas à cause du détail de la phrase "Je suis l'Immaculée Conception". Cela l'a beaucoup rassérénée.
Si j'avais appliqué les principes de l'oecuménisme selon M. Kyrieeleison, j'aurais sans doute dû lui répondre qu'elle avait péché contre l'oecuménisme, que son scepticisme par rapport à Lourdes était un péché qui faisait saigner le coeur de nos frères catholiques-romains, etc. Parler de charité et d'amour quand on regarde les choses de très loin, c'est facile; mais quand on est confronté à des cas concrets?
4) Le Point est un hebdomadaire français de grande diffusion dont je me sens très éloigné sur le plan politique. Je me permets cependant de reproduire une partie de l'éditorial de son directeur Claude Imbert (lui-même catholique-romain) dans le numéro 1666 du 19 août 2004, page 49:
"A Lourdes, le pape aura exhibé, avec une opiniâtreté ostentatoire, l'effrayante extinction de ses moyens physiques. La force spirituelle qu'il déploie impressionne, même si le dolorisme rôde sur un délabrement si obstinément exposé. La très humaine volonté du pape en fit jadis, contre l'empire rouge, un athlète de la liberté. Elle magnifie aujourd'hui, dans un Occident ramolli, la vertu disqualifiée du courage. Ainsi, une main tremblante et crispée sur la passerelle, Jean-Paul II figure-t-il en capitaine impavide d'une Eglise qui lui ressemble: encore florissante sous les Tropiques mais dans la vieille Europe aussi malade que lui. L'assiduité au culte, les vocations s'effondrent. Et la croyance se trouve moins étouffée par le dogme scientiste que par le réseau des techniques, de la biologie génétique, de la pilule et du consumérisme...
Les préceptes moraux de ce pape admiré sont, jusque chez les fidèles, moins contestés qu'ignorés. "Le chanteur vaut mieux que la chanson", dit crûment un prélat désenchanté. A ce malade d'entre les malades, la grotte miraculeuse apporte encore son éternelle consolation. Mais le culte de la Vierge Marie, son environnement sulpicien de miracles pour bergers et bergères décourage non seulement les sceptiques, non seulement les chrétiens protestants et orthodoxes, mais aussi les catholiques qui, croyant en l'Incarnation et à la Résurrection du Christ, n'en répugnent pas moins à la "foi du charbonnier" et aux apparitions hypnotiques de l'Immaculée Conception."
Voilà ce qu'on peut lire dans un grand hebdomadaire français qui n'est ni anti-catholique, ni anti-religieux. L'hétérodoxe Claude Imbert nous reconnaît, à nous orthodoxes, le droit d'être sceptiques par rapport à Lourdes, et d'autres voudraient nous l'interdire au nom de l'oecuménisme. Mais l'oecuménisme avec qui? Pourquoi n'aurions-nous pas le droit de nous sentir proches de certains catholiques qui n'en peuvent plus de l'attirail mis en place par les ultramontains au XIXème siècle pour justifier les prétentions de Pie IX et qui sont écoeurés par l'utilisation politique de révélations comme par hasard toujours faites à des bergères? Les apparitions de la Salette ont été utilisées contre les républicains en France. Les apparitions de Lourdes ont été utilisées pour justifier le dogme promulgué quatre ans plus tôt par Pie IX. Les apparitions de Fatima ont été utilisées par le prosélytisme papal en Russie, et maintenant en Transylvanie où l'on promène actuellement (avec quel argent?) une "Vierge de Fatima" sur un camion. Et c'est parce que Paul VI (Montini) avait renoué avec la tradition de sobriété en matière de miraculeux du temps du regretté Benoît XIV (Lambertini) que l'on n'a pas eu droit à une utilisation des "apparitions" de Garabandal ou de Palmar de Troya. Et, pour une fois, nous devons être reconnaissants à l'épiscopat catholique-romain croate d'avoir freiné le culte des "apparitions" de Medjugorje (dont c'est maintenent un groupe monophyiste français qui fait la promotion active!).
Et, au nom de l'oecuménisme, on prétendrait nous empêcher de douter de ces "apparitions" et "révélations" toujours si opportunes sur le plan politique, ou de dire qu'il n'y a rien de plus écoeurant que cette "Vierge de Fatima" supposée venir au secours d'un uniatisme en complet effondrement en Transylvanie?
Au nom de l'oecuménisme, nous n'aurions pas le droit de dire que la vie spirituelle, ce n'est pas la recherche à tout prix du miraculeux, mais que c'est la sobriété de l'ascèse et de la prière dans le respect des dogmes divins et déifiants reçus des Apôtres et préservés jusqu'à ce jour par l'Eglise orthodoxe?
Les Eglises protestantes, qui sont les vraies fondatrices de l'oecuménisme, sont celles où règne le plus grand climat de liberté. Il me semble en revanche que, dans l'Eglise orthodoxe, l'oecuménisme sert de prétexte à imposer un cléricalisme rétrograde, un conformisme pesant et une censure étouffante que l'Orthodoxie n'avait jamas connus.